Question de M. MAZUIR Rachel (Ain - SOC) publiée le 09/07/2015

M. Rachel Mazuir appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la publication à venir de l'ordonnance traitant de la réforme du droit des contrats.
Conformément aux dispositions de l'article 8 de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, la chancellerie a élaboré un projet d'ordonnance portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. Une consultation, aujourd'hui clôturée, a été lancée, à destination d'un public averti, pour recueillir son avis.
Ce projet prévoit de réécrire l'article 1196 du code civil, intégré dans un chapitre traitant des effets du contrat. Il s'agit de généraliser la possibilité de renégocier le contrat, en cas de changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion, et de permettre, en cas de refus ou d'échec de la renégociation, de demander au juge l'adaptation du contrat ou d'y mettre fin.
Cette disposition rompt alors avec la jurisprudence actuelle, fondée sur un arrêt de la Cour de cassation de 1876. En effet, jusqu'ici, aucune entreprise ne pouvait revenir sur ses engagements contractuels du fait de la survenance de circonstances imprévisibles, alors même que cette exception s'applique aux marchés publics depuis un décret de 2008.
En 2010 et 2011, les industriels de la plasturgie faisaient déjà face à de graves tensions en approvisionnement de matières plastiques, leur pénurie ayant provoqué une envolée significative de leur prix. Pour les pallier, ils réclamaient l'application du principe d'imprévision, afin de pouvoir renégocier leur contrat devenu déséquilibré.
Aujourd'hui, ils revivent la même situation. Ainsi l'introduction de ce principe, applicable aux contrats de droit privé, est extrêmement attendue.

Il souhaiterait donc savoir quand le Gouvernement entend soumettre ce texte de ratification au Parlement et si cette disposition spécifique, une fois adoptée, sera d'application immédiate.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 28/01/2016

Conformément à l'article 8 de la loi n°  2015-177 du 16 février 2015, relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, le projet d'ordonnance portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, élaboré par la direction des affaires civiles et du sceau, comporte une disposition consacrant, en droit civil, la théorie de l'imprévision. Celle-ci est admise depuis 1916 par la jurisprudence administrative et dans certains textes spéciaux, comme en matière de marchés publics. En droit privé, certains textes s'en inspirent. Ainsi, l'article 125 de la loi n°  2014-344 du 17 mars 2014, relative à la consommation, a notamment introduit dans le code de commerce un article L. 411-8, rendant obligatoire l'insertion d'une clause de renégociation dans certains types de contrats qui subissent des variations des prix des matières premières agricoles et alimentaires, sous peine d'amende administrative. Le code civil ne contient en revanche aucune règle générale permettant au juge de tenir compte de changements de circonstances rendant impossible, pour l'une des parties, l'exécution du contrat, et la Cour de cassation s'est, de longue date, refusée à consacrer l'imprévision. Or l'absence dans le droit français d'un tel dispositif légal, connu dans la plupart des pays européens, notamment en Allemagne, et largement repris dans divers projets européens d'harmonisation du droit des contrats, apparaît peu compatible avec la volonté de rendre notre droit mieux adapté aux enjeux économiques actuels. La consécration de l'imprévision, loin de constituer un facteur d'instabilité juridique, répond aux attentes d'une majorité de praticiens, dont la parole a été relayée par de nombreux parlementaires, toutes tendances politiques confondues, comme en attestent les diverses questions écrites sur ce sujet. Pragmatique, en ce qu'elle ne privilégie pas une vision jusqu'au-boutiste des relations contractuelles, cette mesure permettrait notamment de venir en aide aux contractants les plus faibles qui ne peuvent bénéficier des services de conseils juridiques avisés pour faire insérer dans leurs contrats des clauses de révision, ou qui n'auront pu l'imposer en raison de leur faible poids économique. Cette disposition, qui s'inspire, à des degrés divers, des solutions proposées par les projets soumis à la Chancellerie à l'initiative des projets Terré et Catala, contribuera à l'attractivité du droit français et à son adaptation aux enjeux économiques actuels. Conformément aux termes de l'habilitation conférée par le Parlement, la publication de l'ordonnance devra intervenir au plus tard le 15 février 2016. Un projet de loi de ratification devra être déposé dans les six mois de cette publication et permettra au Parlement d'exercer son droit de regard et de modifier, s'il le souhaite, les textes proposés. Compte tenu de l'ampleur de la réforme, qui concerne, au-delà de l'introduction de cette disposition nouvelle,  près de 300 articles du code civil, et des adaptations rendues nécessaires pour les professionnels qui devront modifier leurs contrats-types et trames, le ministère de la justice envisage de proposer une entrée en vigueur différée du texte à une date à déterminer. Compte tenu de l'objectif de sécurité juridique poursuivi par le Gouvernement dans l'élaboration de cette réforme, des dispositions transitoires seront rédigées, le principe retenu étant celui de l'application, aux contrats en cours, du droit ancien. Il est toutefois possible que, par exception, certaines dispositions soient d'application immédiate. 

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