Question de M. COURTEAU Roland (Aude - Socialiste et républicain) publiée le 30/07/2015

M. Roland Courteau expose à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie que selon des spécialistes, si l'on remplaçait toutes les centrales au charbon par des centrales à gaz, cela permettrait d'économiser 5 milliards de tonnes de CO2 soit 10 % des émissions mondiales liées à l'activité humaine.
Il lui indique que la mise à prix du carbone et sa taxation pour en faire baisser les émissions sont certes en progrès. Ainsi, selon un rapport de la Banque mondiale, 40 pays environ se sont dotés de dispositifs en ce sens.
Désormais 12 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) se paient et c'est trois fois plus qu'il y a dix ans.
Par ailleurs, de leur côté, les entreprises ont commencé à mettre un prix en interne, sur le CO2 que leurs activités leur font émettre. À ce jour, plus de 150 grandes sociétés l'ont fait selon le rapport de la Banque mondiale.
Toutefois, le prix paraît difficile à trouver. C'est notamment le cas de l'Europe où le cours de la tonne de CO2, sur le marché européen, lancé il y a dix ans, est tombé aux environs de 5 à 7 euros… « Un prix trop bas pour faire changer les habitudes », indiquent les experts.
Ainsi, à l'approche de la dernière ligne droite, avant la conférence de Paris sur le climat, en décembre, la mobilisation semble se faire plus forte, dans la définition d'un juste prix pour le carbone.
Ainsi, est-il de plus en plus affirmé qu'un prix du carbone permettra de se détourner des options les plus émissives. Certes il reconnaît que la France, dans le cadre du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, adopté définitivement le 22 juillet 2015, a su prendre à moyen terme les mesures nécessaires. Toutefois il l'interroge sur les initiatives que compte prendre la France au plan européen d'une part et au plan mondial d'autre part, dans le cadre de la conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP21).

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Réponse du Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie publiée le 17/09/2015

L'instauration d'un prix du CO2 constitue l'un des instruments permettant de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre. Dans un contexte où la France au sein de l'Europe se fixe des objectifs ambitieux de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre, il est utile de déterminer un prix du CO2 contribuant à l'atteinte de ces objectifs de manière efficiente. Dans le cadre de la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte, un amendement à l'article premier visant à proposer une trajectoire croissante de la taxe carbone jusqu'en 2030 a ainsi été adopté avec le soutien du Gouvernement dans la perspective d'atteindre une valeur de la tonne carbone de 56 € en 2020 et de 100 € en 2030 dans le cadre d'un système de basculement fiscal. Le texte a été adopté le 22 juillet 2015, validé par le Conseil constitutionnel le 13 août 2015 et promulgué le 17 août 2015 : la loi initie une dynamique positive vers la COP21 et adresse à tous les pays un signal fort de l'engagement de la France pour l'avenir de la planète. Au niveau européen, hors marché carbone européen, la France et six autres États membres (Belgique, Danemark, Finlande, France, Portugal, Slovénie et Suède) ont fait des propositions en avril 2015 pour relancer les travaux sur la révision de la directive 2003/96/CE dite « taxation de l'énergie », engagée depuis 2011 puis abandonnée pour 2015. En effet, cette directive avait notamment pour objectif de mettre en place un signal « prix » sur le carbone pour les secteurs en dehors du système d'échange de quotas d'émissions de l'Union européenne, tout en évitant le chevauchement des deux instruments sur la taxation liée au CO2. En termes de tarification existante des émissions au niveau européen, l'Union européenne a voté en 2003 le marché carbone européen, ou European union emissions trading scheme (EU ETS). Il est entré en vigueur en 2005 sur le secteur électrique et les principaux secteurs industriels. Couvrant aujourd'hui plus de 11 000 installations, il doit permettre aux secteurs couverts de contribuer à l'atteinte des objectifs climatiques de l'Union européenne en réduisant leurs émissions de 21 % en 2020 et de 43 % en 2030 par rapport à 2005. La France participe activement aux travaux visant à reformer le fonctionnement du marché carbone, estimant que l'EU ETS devait être consolidé pour créer des incitations appropriées. Dans cette optique, une première action de court terme (« Backloading ») a été décidée en janvier 2014. Le Backloading consiste en la modification du calendrier des enchères pour mettre moins de quotas sur le marché pour reporter la mise aux enchères de 900 millions de quotas d'émission de CO2. La publication le 22 janvier 2014 d'une proposition législative visant à instaurer une réserve de stabilité du marché à compter de 2021 lui fait suite. Cette réserve établit un corridor définissant un seuil maximal et minimal de quotas en circulation. L'excédent est versé dans une réserve pour être remis sur le marché quand le seuil minimal serait atteint. Le dispositif entre en vigueur en 2019 et les quotas gelés issus du « backloading » seront placés dans la réserve de stabilité du marché. Le texte final a été adopté au Parlement européen lors de la séance plénière du 9 juillet 2015. Il sera probablement entériné par un vote formel au Conseil courant septembre 2015. Depuis le vote des conclusions du Conseil européen d'octobre 2014 concernant un cadre énergie climat à l'horizon 2030, et avec la perspective d'un accord sur la réserve de stabilité du marché, le prix du quota s'est redressé autour de 8 €. Les projections des analystes prévoient un prix en moyenne de 24 € pour 2021 - 2030. Faisant suite aux conclusions du Conseil européen d'octobre 2014, une proposition de révision de la directive sur le marché carbone européen a été faite le 15 juillet 2015. Elle porte notamment sur la mise en œuvre de l'objectif de - 43 % en 2030 par rapport à 2005, l'allocation gratuite transitoire de quotas pour certains secteurs industriels, le financement de l'innovation, la modernisation du secteur électrique, la mise en œuvre de la solidarité entre États membres actée lors du Conseil européen. Les négociations sur ce texte débuteront au Conseil et au Parlement en septembre 2015. La France a l'intention de participer pleinement aux négociations de ce texte qui constitue la principale initiative législative au niveau de l'UE avant la COP21 en vue de mettre en œuvre l'objectif de réduction d'au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre de l'UE d'ici 2030. Au niveau mondial, il existe aujourd'hui une mosaïque d'instruments qui donnent explicitement ou implicitement des prix du carbone à l'échelle d'un pays, d'une région, d'un secteur. Aucun de ces instruments ne s'applique à l'échelle mondiale. Les taxes carbone sont des mesures nationales. Le marché ETS de l'Union européenne est le premier marché régional du carbone. Des marchés pilotes infra-nationaux ont été créés en Chine. La mise en lien des marchés californiens et québécois est le premier exemple d'un rapprochement réussi entre marchés infra-nationaux. En 2015, la banque mondiale a recensé 40 pays et 20 juridictions sous nationales, comptant pour 23 % des émissions mondiales, qui ont instauré une taxe carbone ou un mécanisme d'échange de quotas ou sont en phase de préparation dans cette perspective. D'autres instruments (subventions aux investissements bas carbone) intègrent implicitement des prix du carbone très disparates et sont définis à l'échelle nationale. Enfin, on peut noter que même les mesures règlementaires prises pour lutter contre les changements climatiques recèlent implicitement un prix du carbone, celui auquel la mesure aurait été mise en œuvre « spontanément ». Dans la perspective de la COP 21, l'approche décentralisée des contributions nationales volontaires (Intended nationally determined contributions ou INDC) et de l'agenda des solutions sont deux piliers fondamentaux de l'alliance de Paris pour le climat. Dans cette approche, la diversité des instruments devient une ressource. Au sein des négociations actuelles, la tarification du carbone n'est pas discutée en tant que telle. Elle représente une option ouverte, laissée à la discrétion des États dans la rédaction de leur INDC plutôt qu'un objectif et un critère de réussite des négociations. Un objectif pragmatique de l'agenda des solutions sera de tirer les leçons de ce qui fonctionne et de ce qui échoue, de mettre en réseau les zones géographiques de tarification du carbone, de créer des groupes d'intérêts en faveur du prix du carbone et de favoriser ainsi l'extension progressive de la couverture des émissions par des prix du carbone. De plus, une discussion sur la valeur tutélaire ou un corridor de valeurs tutélaires du carbone (comme suggéré dans le rapport Canfin/Granjean), relevant d'une décision politique, méritera certainement d'avoir lieu au sein des négociations à l'échelle de l'Union européenne et même lors de la COP21.

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