Question de M. ASSOULINE David (Paris - Socialiste et républicain) publiée le 18/09/2015

Question posée en séance publique le 17/09/2015

M. David Assouline. Mes chers collègues, nous nous opposons souvent, et légitimement, au cours de nos débats, car la gauche et la droite, ce n'est pas la même chose. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)

D'autres fois, nous sommes interpellés sur les fondements de notre identité collective, sur les valeurs qui fondent nos engagements, qui fondent la République.

Tel a été le cas après les attentats visant la liberté d'expression et la fraternité : nous avons répondu par le 11 janvier, notre peuple était à la hauteur, ses dirigeants aussi, alors que nous étions frappés au cœur. Pas de haine, la foule de la fraternité, complice et responsable, battait le pavé.

Aujourd'hui, les victimes directes ou indirectes des mêmes assassins et de ceux qui les ont enfantés fuient en masse leur pays et cherchent refuge en Europe. Là encore, des centaines de villes solidaires, des associations, des milliers de citoyens prennent des initiatives pour tendre la main.

La dignité humaine se trouve là. Malheureusement, les yeux souvent rivés vers ce qui leur paraît être leurs intérêts électoraux immédiats, certains préfèrent parler vulgairement de « fuite d'eau ». Ils arrivent à comprendre ceux qui s'exilent pour échapper au fisc, mais ne réussissent pas à comprendre pourquoi d'autres s'exilent pour échapper à la mort et aux persécutions. (Protestations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) Certains trient selon les religions des uns et des autres, alimentent les peurs que cette instabilité engendre inévitablement, montent les pauvres les uns contre les autres…

M. François Grosdidier. C'était bien au début, mais là, ça dérape !

M. David Assouline. … ou parlent d'invasion barbare. Là où notre honneur est d'en appeler à ce qu'il y a de meilleur au plus profond de chacun et de notre peuple, certains cherchent à aviver tout ce qui existe de plus égoïste et malsain.

Monsieur le ministre de l'intérieur, vous qui montrez chaque jour que votre fonction première, à savoir assurer la protection de nos concitoyens et rassurer par la plus grande maîtrise de la situation, peut se conjuguer parfaitement avec cette valeur essentielle de notre République qu'est la fraternité, dites-nous, dans l'esprit de tous ceux qui ont honoré cet hémicycle – je pense à Victor Hugo, qui fut lui-même contraint à l'exil politique –,…

M. Roger Karoutchi. Ce n'est pas la même chose !

M. David Assouline. … ce que la France fait pour être là où elle est attendue par le monde…

M. le président. Il faut conclure.

M. David Assouline. … et ce que vous faites pour encourager ce formidable élan de nos communes et de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 18/09/2015

Réponse apportée en séance publique le 17/09/2015

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Assouline, vous soulignez à l'instant l'étendue d'un drame humanitaire que nous voyons se déployer sous nos yeux depuis maintenant plusieurs semaines. Des femmes, des enfants, des populations en situation de vulnérabilité se retrouvent entre les mains de passeurs, parce qu'ils sont persécutés dans leur pays. Ils prennent le chemin de l'exode, arrivent en Europe afin de pouvoir continuer à vivre. Ceux qui franchissent les frontières extérieures de l'Union européenne, notamment en Grèce, sont les persécutés de Daech, du califat de la haine et du régime de Bachar al-Assad. Quel est notre devoir, quelle est notre stratégie ?

Notre devoir, c'est, conformément à ce qu'est la France, au message multiséculaire qu'elle a appris à tenir aux peuples du monde, d'accueillir ceux qui sont persécutés, de le faire dans une solidarité européenne renforcée. Pour cela, nous nous sommes engagés au plan national, à travers la loi sur l'asile, qui permet de réduire considérablement la durée de traitement des dossiers des demandeurs d'asile de 24 mois à 9 mois, en créant 18 500 places en centres d'accueil de demandeurs d'asile, ou CADA, au cours du quinquennat, en donnant des moyens supplémentaires aux administrations en charge de l'accueil des demandeurs d'asile, afin de pouvoir atteindre l'objectif de la réduction des délais, je pense notamment à l'OFPRA et à l'OFII.

Avec Sylvia Pinel, nous avons présenté un plan de création de 11 000 places supplémentaires d'accueil dans le logement de droit commun, pour sortir les réfugiés des CADA ou des centres d'hébergement d'urgence. Nous avons également augmenté le nombre de places en CADA et créé des places en hébergement d'urgence, à hauteur de 1 500.

Je n'oublie pas la dimension européenne, qui doit permettre de conjuguer humanité et fermeté. Il s'agit d'abord de créer les conditions du mécanisme de répartition des réfugiés entre les différents pays de l'Union européenne. Cela a été une proposition française, elle a été reprise par la Commission. Nous devons aboutir à une solution au conseil des ministres « Justice et Affaires intérieures » qui se tiendra mardi prochain.

Il convient ensuite de mettre en place de véritables actions de contrôle des frontières extérieures de l'Union européenne, permettant d'identifier les réfugiés et de procéder à la reconduite à la frontière de ceux qui ne relèvent pas du statut de réfugié en Europe. En effet, s'il n'y a pas de fermeté et de responsabilité là où il y a de la générosité, l'accueil des réfugiés n'est pas soutenable.

Je voudrais conclure en disant que, sur cette question des migrations, face à des drames humanitaires comme ceux auxquels nous sommes confrontés, il y a parfois beaucoup d'approximations, beaucoup d'imprécisions, beaucoup de manipulations. Je forme le vœu que, dans cet hémicycle,...

M. le président. Il faut conclure.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. ... - nous avons essayé de le faire hier - nous puissions nous rassembler. En effet, lorsque l'essentiel est en cause, il faut être capable de dire ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. - Mme Hermeline Malherbe et M. Guillaume Arnell applaudissent également.)

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