Question de Mme LOISIER Anne-Catherine (Côte-d'Or - UDI-UC-R) publiée le 10/09/2015

Mme Anne-Catherine Loisier attire l'attention de M. le ministre des finances et des comptes publics sur la fermeture programmée de nombreuses trésoreries dans les territoires ruraux au 1er janvier 2016.

Dans le cadre des contraintes budgétaires imposées par le ministère en charge des finances, les décisions de fermeture des centres des finances publiques se multiplient, particulièrement en milieu rural. Cette politique pratiquée sans discernement fait réagir administrés, personnels et élus locaux, qui manifestent pour préserver les trésoreries rurales, déplorant une démarche menée au détriment du service public de proximité.

En effet, la mise en œuvre de la modernisation de l'action publique (MAP) par le biais du numérique, de la dématérialisation des documents et des simplifications, n'est pas réaliste dans bon nombre de territoires ruraux encore mal desservis. Les collectivités et citoyens vivent le départ des administrations comme un abandon de la République.

De plus, la généralisation de la « e-administration » distend les liens avec les particuliers et les élus, pourtant soumis à de plus en plus d'obligations administratives complexes.

Dans le département de la Côte d'Or, mis devant le fait accompli, les élus de la communauté de communes de Selongey s'opposent à la fermeture de la trésorerie locale. Ils dénoncent le désengagement de l'État en milieu rural et estiment faire les frais d'une décision prise dans l'opacité la plus totale et la méconnaissance des réalités locales.

La réduction des horaires d'ouverture au public, depuis le 1er juin 2015, constitue une première étape dans le processus de suppression du service à Selongey, pour tendre au transfert de son activité à la trésorerie d'Is-sur-Tille, au 1er janvier 2016. Pourtant, la trésorerie de Selongey est parfaitement adaptée au territoire et remplit ses missions de proximité auprès des collectivités et de la population (36 budgets, 4 000 habitants, prise en charge de l'impôt 6 149 835 €, taux de recouvrement 98,18 %).

Les centres de finances publiques de proximité, établissements de recouvrement mais aussi de conseil et de suivi auprès des collectivités et des contribuables, sont une nécessité pour les territoires ruraux. Dépourvus de services financiers importants, les maires des petites communes bénéficient ainsi d'accompagnement individualisé dans la gestion des finances communales.

La trésorerie est l'interlocuteur physique privilégié pour des usagers ruraux, souvent âgés, ne disposant pas de connexion internet. Ils sont ainsi accompagnés, sécurisés, en confiance face à des fonctionnaires qu'ils connaissent.

L'obsession actuelle du regroupement dans de grosses structures, aux dépens du bon fonctionnement des petites communes et de la vie quotidienne des citoyens, ne convainc pas de son efficacité et inquiète les populations rurales. La fermeture des trésoreries en zone rurale accentue encore le démantèlement des services publics de proximité, favorise la désertification et creuse les disparités sociales et économiques entre les territoires.

Elle lui demande donc s'il lui est possible de reconsidérer le projet de fermeture de la trésorerie de Selongey.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale publiée le 27/01/2016

Réponse apportée en séance publique le 26/01/2016

Mme Anne-Catherine Loisier. Ma question porte sur la fermeture de centres de finances publiques dans les territoires ruraux.

Les contraintes budgétaires imposées par le ministère ont accéléré le rythme de fermeture des centres des finances publiques, et ce, particulièrement dans les zones rurales.

Dans ces territoires, les administrés, le personnel et les élus réagissent vivement et déplorent ces décisions, souvent uniquement fondées sur des motifs d'organisation interne au détriment d'un service public de proximité et de qualité.

Nos concitoyens et les élus locaux vivent le départ de ces administrations comme un abandon de la République.

En effet, votre politique pratiquée sans discernement participe à la désertification du milieu rural en accentuant la disparition de services publics de proximité, donc en exacerbant les disparités et les iniquités entre territoires.

En Côte-d'Or, la commune de Selongey a vécu douloureusement la fermeture de sa trésorerie qui a pris effet au 1er janvier 2016. Le centre a été transféré à Is-sur-Tille. Les élus de la communauté de communes ont été mis devant le fait accompli : ils font les frais d'une décision prise sans concertation et sans réelle considération de leurs réalités quotidiennes.

Pourtant, cette trésorerie était parfaitement adaptée à ce territoire. Elle remplissait des missions de proximité auprès de 36 collectivités et d'une population d'environ 4 000 habitants, dans un territoire à très faible densité. Elle prenait en charge l'impôt à hauteur de 6 millions d'euros, avec un taux de recouvrement de 98,18 %.

Considérant ces réalités, je vous demande, monsieur le secrétaire d'État, de nous communiquer le nombre exact de trésoreries qui ont fait l'objet de fermeture au 1er janvier 2016 et de nous informer si le Gouvernement compte poursuivre le désengagement des services publics en milieu rural sans concertation avec les acteurs locaux.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Madame la sénatrice, vous avez souhaité attirer l'attention du Gouvernement sur la fermeture des trésoreries en milieu rural et notamment celle de Selongey, en Côte-d'Or, au 1er janvier 2016.

La situation budgétaire de notre pays, qui ne date pas de ce quinquennat, et la contribution de l'administration fiscale au rétablissement de nos comptes amènent la Direction générale des finances publiques à réfléchir à la meilleure organisation possible de chacune de ses missions. Celle-ci s'emploie pour cela à s'adapter au mieux aux évolutions démographiques et aux attentes des usagers, au paysage institutionnel local, qui est en mutation - je pense notamment aux intercommunalités -, ainsi qu'aux changements d'usage des services publics introduits - ou plutôt permis - par les nouvelles technologies.

S'il apparaît que l'implantation d'une trésorerie ne répond plus aux attentes des différents publics, que sa taille ne lui permet plus d'offrir une qualité de service suffisante, dans des conditions de sécurité satisfaisantes pour son personnel, son regroupement avec une unité voisine peut être mis à l'étude. Dans cette démarche, la DGFiP s'attache à maintenir l'accessibilité au service public des élus, des contribuables et de ses partenaires du secteur local. Pour apprécier l'opportunité de chaque projet, madame la sénatrice, la méthode appliquée est fondée sur le dialogue et sur l'appréciation des besoins au plus proche du terrain.

Le ministère des finances demande alors aux responsables territoriaux concernés, en accord avec le préfet, de se rapprocher des élus locaux, des personnels et des organisations syndicales afin de discuter des propositions de réorganisation.

C'est dans cet esprit que la concertation a été menée en Côte-d'Or en 2015, où elle a permis de dégager la solution la plus adaptée au contexte local.

C'est aussi dans cet esprit que le ministre des finances a rendu début octobre ses arbitrages. Dans votre département, la trésorerie de Selongey, plus petit poste comptable de la Côte-d'Or, a été regroupée au 1er janvier 2016 avec la trésorerie d'Is-sur-Tille, distante de onze kilomètres.

Ce regroupement permet de renforcer le poste d'Is-sur-Tille, qui est ainsi plus à même de proposer un service public rénové et de qualité, dans des conditions d'accessibilité raisonnables pour les usagers et les élus locaux.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.

Mme Anne-Catherine Loisier. J'ai du mal à comprendre l'obsession du regroupement dont fait preuve le Gouvernement. Vos affirmations selon lesquelles des suppressions de services de proximité entraîneraient forcément des économies d'échelle restent à prouver.

Dans ce contexte de complexité administrative, les centres de finances publiques de proximité non seulement assurent des opérations de recouvrement, mais aussi, et de plus en plus, ont une activité de conseil et d'accompagnement des collectivités comme des contribuables.

Les petites communes, vous le savez, ne disposent pas de services d'ingénierie. Grâce à des trésoriers de proximité, grâce à leur connaissance de la situation et aux relations qu'ils ont instaurées, bon nombre de situations sont réglées avant même qu'elles ne deviennent problématiques et ne remontent aux services centraux.

Les difficultés liées à la fiscalité, au fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, ou FPIC, que nous avons évoquées tout à l'heure, sont devenues pour les élus ruraux un véritable casse-tête. Les trésoriers sont de précieux conseils pour appréhender ces réalités. Cela dit, de nombreux contribuables s'entendent aussi directement avec leurs trésoriers pour aménager et étaler les paiements.

S'agissant de la modernisation de l'administration et de l'accès à l'internet, vous n'êtes pas sans savoir, monsieur le secrétaire d'État, s'agissant de ce dernier point, que dans nombre de territoires ruraux la connexion est très mauvaise, voire inexistante.

Pour une meilleure administration de la République au service de nos concitoyens, il faudrait pouvoir appréhender les réalités de chaque territoire. Nous sommes bien d'accord : il faut réaliser des économies, des regroupements ; mais considérons la réalité quotidienne des habitants et des petites communes et ne procédons pas à ces fermetures. D'après les habitants et les élus locaux - en l'espèce en tout cas -, la concertation n'a pas été assurée.

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