Question de Mme MONIER Marie-Pierre (Drôme - Socialiste et républicain) publiée le 29/10/2015

Mme Marie-Pierre Monier appelle l'attention de Mme la secrétaire d'État, auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie sur le désengagement financier de certains départements pour les actions de prévention spécialisée, notamment hors des zones urbaines sensibles (ZUS).

D'année en année, un nombre plus important de départements décident de se désengager financièrement des actions de prévention spécialisée. Cette situation - qui soulève une forte inquiétude, tant des acteurs de la prévention spécialisée que des élus des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et des communes concernés - a d'ailleurs été soulignée par le député Jean-Pierre Blazy, dans son rapport d'information (n° 2311 Assemblée nationale 14ème législature) du 22 octobre 2014 sur la lutte contre l'insécurité sur tout le territoire.

Les articles du code de l'action sociale et des familles qui traitent de la prévention spécialisée semblent susceptibles d'interprétations parfois contradictoires en ce qui concerne l'obligation ou non, pour le département, de mettre en œuvre la mission de réalisation d'actions de prévention spécialisée.

En outre, en dehors des zones urbaines sensibles expressément citées dans l'article L. 121-2 du code de l'aide sociale et des familles, les actions de prévention spécialisée peuvent être mise en œuvre dans les lieux où se manifestent des risques d'inadaptation sociale, définition très imprécise qui peut conduire à ce qu'aucune action ne soit menée hors des ZUS.

Aussi lui demande-t-elle de lui indiquer, d'une part, les dispositions qu'elle pourrait mettre en œuvre pour rendre plus explicites les compétences et leur exercice en matière de prévention spécialisée et, d'autre part, la suite que le Gouvernement entend apporter à la proposition n° 50 du rapport cité, à savoir dresser un état des lieux du financement de la prévention spécialisée par les départements, afin de mener une réflexion sur un financement pérenne de ces actions indispensables à la protection de l'enfance dans tous les territoires.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargé de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie publiée le 10/02/2016

Réponse apportée en séance publique le 09/02/2016

Mme Marie-Pierre Monier. Madame la secrétaire d'État, selon le code de l'action sociale et des familles, les actions de prévention spécialisée visent « à prévenir la marginalisation et faciliter l'insertion ou la promotion sociale des jeunes et des familles ». Elles sont reconnues comme fondamentales pour la protection de l'enfance, car elles évitent à des jeunes d'entrer dans un parcours de délinquance.

En dépit du rôle majeur que joue la prévention spécialisée, y compris dans une perspective de sécurité du territoire, nous constatons d'année en année que de plus en plus de départements décident de se désengager financièrement des actions de prévention spécialisée.

Cette situation soulève de fortes inquiétudes parmi les acteurs de la prévention spécialisée, des personnels majoritairement employés par des associations dont je veux saluer ici le professionnalisme et le dévouement au service de l'intérêt général. Elle alarme aussi les élus des établissements publics de coopération intercommunale, ou EPCI, et des communes concernées, comme l'a d'ailleurs souligné le député Jean-Pierre Blazy dans son rapport d'information sur la lutte contre l'insécurité sur tout le territoire du 22 octobre 2014.

Les départements concernés déclarent fonder leur décision sur le code de l'action sociale et des familles. En effet, les articles relatifs à la prévention spécialisée semblent susceptibles d'interprétations parfois contradictoires s'agissant de l'obligation, ou non, pour le département, de mettre en œuvre la mission de réalisation d'actions de prévention spécialisée.

En outre, en dehors des zones urbaines sensibles, ou ZUS, expressément mentionnées à l'article L. 121-2 du code de l'action sociale et des familles, les actions de prévention spécialisée peuvent être mises en œuvre « dans les lieux où se manifestent des risques d'inadaptation sociale ». Cette définition trop imprécise peut conduire à ce qu'aucune action ne soit menée hors des ZUS.

Or tous les territoires sont concernés, y compris les plus ruraux, qui n'échappent pas aux difficultés des jeunes et des familles concernant l'accès à la santé, les conduites à risques ou l'insertion professionnelle.

Aussi, madame la secrétaire d'État, je souhaite que vous m'indiquiez, d'une part, les dispositions que vous pourriez mettre en œuvre pour rendre plus explicites les compétences respectives de l'État et des collectivités territoriales, ainsi que leur exercice en matière de prévention spécialisée, et, d'autre part, les suites que le Gouvernement entend apporter à la proposition n° 50 du rapport de Jean-Pierre Blazy, qui préconise de « dresser un état des lieux du financement de la prévention spécialisée par les départements », afin, plus largement, de mener une réflexion sur un financement pérenne de ces actions, indispensables à la protection de l'enfance dans tous les territoires.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie. Madame la sénatrice, vous attirez mon attention sur la fragilisation des services de prévention spécialisée, qui, dans certains départements, connaissent des baisses, parfois brutales, de leurs financements.

Je partage votre préoccupation. Je suis avec attention la situation dans chaque département, au-delà de la distinction qu'on peut faire entre les zones urbaines sensibles, celles-ci pouvant aussi être touchées par les diminutions des budgets alloués à la prévention spécialisée, et les zones non urbaines sensibles.

Au moment où s'intensifie la lutte contre toutes les formes de décrochage, où de nouvelles menaces pèsent sur les jeunes - vous connaissez mon engagement et mon action dans la lutte contre la radicalisation des adolescents, ainsi que dans le soutien aux familles -, les équipes de prévention spécialisée sont une ressource indispensable pour repérer les signes de mal-être et répondre aux besoins des jeunes sur les territoires. Grâce au travail de rue et à la proximité des éducateurs avec les habitants des quartiers, la prévention spécialisée permet l'accompagnement de jeunes et de familles parfois très éloignées de toute autre forme d'intervention sociale. Cette mission trouve donc tout naturellement une place centrale dans la réforme de la protection de l'enfance que je conduis actuellement.

La proposition de loi relative à la protection de l'enfant est en cours d'examen par le Parlement. Elle a clairement inscrit la prévention spécialisée dans les missions du service de l'aide sociale à l'enfance, l'ASE. Elle prévoit par ailleurs la constitution d'un conseil national de la protection de l'enfance, dont la composition sera fixée par décret. Il a été tranché sans ambiguïté que la prévention spécialisée, rattachée au champ de la protection de l'enfance, serait représentée dans ce conseil. C'est une attente forte des acteurs de la prévention spécialisée, qui insistent sur la nécessité d'un cadre national pour conforter l'exercice de leurs missions.

Au-delà de la clarification du cadre d'intervention de la prévention spécialisée dans la loi, la feuille de route pour la protection de l'enfance comporte des mesures pour le développement de la prévention à tous les âges de la vie de l'enfant. C'est dans ce cadre qu'ont démarré les travaux d'un groupe de travail, dont la première réunion s'est tenue le 27 janvier dernier, et qui doit aboutir avant l'été à la production de propositions concrètes pour valoriser et consolider l'exercice des missions de prévention spécialisée.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.

Mme Marie-Pierre Monier. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, car elle montre combien le Gouvernement est attentif à ce sujet important pour notre jeunesse.

En tant qu'ancienne enseignante, je peux témoigner du caractère essentiel de la prévention spécialisée pour les jeunes concernés.

Dans le cadre du travail que vous avez engagé et dans la perspective du projet de loi que vous avez évoqué, il me semble indispensable de trouver des solutions pour empêcher que certains ne décident, sous divers prétextes, de ne plus financer les actions de prévention spécialisée ou de les limiter aux zones urbaines, conduisant à une véritable discrimination territoriale. Les zones rurales ne doivent pas être une nouvelle fois oubliées.

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