Question de Mme LABORDE Françoise (Haute-Garonne - RDSE) publiée le 15/10/2015

Mme Françoise Laborde attire l'attention de Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la nécessité d'améliorer la surveillance médicale des enseignants et personnels de l'éducation nationale tout au long de leur carrière. Malgré la mise en place de comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), depuis 2011, la médecine de prévention pour les personnels enseignants reste une mission difficile à remplir, avec un praticien pour 15 000 enseignants, autant dire que la mission est impossible ! Les principales causes en sont la pénurie de médecins de prévention et le manque de moyens de financement. La médecine de prévention, médecine du travail pour la fonction publique, se doit pourtant d'organiser une visite médicale tous les cinq ans pour les agents de l'éducation nationale, comme le prévoit le décret n° 95-680 du 9 mai 1995 modifiant le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail, ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique.
Cette obligation n'est pas remplie comme peuvent en attester les 840 000 enseignants de notre pays : seule une visite d'aptitude est effectuée au moment du recrutement. Selon un rapport publié en 2013 sur la situation générale de la santé, de la sécurité et des conditions de travail au sein de l'éducation nationale, seuls 3,9 % des agents ont bénéficié d'une visite médicale cette année-là. De surcroît, outre la pénurie de médecins, les conditions dans lesquelles ils exercent leur métier sont difficiles : vétusté des locaux ; manque d'espaces de confidentialité ; absence de secrétariat ou d'informatisation et parfois même de matériel médical. Pire encore, cinq académies sur les trente ne disposent pas d'un médecin de prévention.
La question de la lutte contre les risques professionnels et psycho-sociaux au travail est devenue une priorité dans le secteur privé autant que public. L'objet de visites médicales périodiques est simple : vérifier le maintien de l'aptitude des agents à leur poste de travail, la prévention des dangers et informer sur un éventuel suivi médical nécessaire. C'est un élément essentiel du bien être au travail, un outil de vigilance qui peut sauver des vies.
Il relève de la responsabilité de l'État de s'assurer du bon état de santé de ses agents et de leur capacité à encadrer une classe de 20 à 30 enfants. Cette situation est alarmante à double titre : pour les enseignants eux-mêmes mais aussi pour les élèves. Avec 39 cas pour 100 000, le taux de suicide est 2,4 fois plus élevé parmi les enseignants que pour la moyenne des salariés. Il est urgent d'agir pour pallier cette situation et de mettre en place des outils de mesures des risques professionnels et psycho sociaux au travail pour les enseignants comme par exemple, des listings exhaustifs des femmes enceintes, des personnes en situation de handicap ou encore des personnels concernés par des risques cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques, etc.
C'est pourquoi elle lui demande, d'une part, de l'informer d'un premier bilan étape, deux ans après les réflexions menées par le ministère dans le cadre des travaux du CHSCT ministériel, sur l'amélioration de la surveillance médicale des agents et, d'autre part, de bien vouloir lui faire connaître quelles mesures elle envisage de prendre, notamment dans le projet de loi n° 3096 (Assemblée nationale, XIVe législature) de finances pour 2016, pour accélérer le recrutement de médecins de prévention au sein de l'éducation nationale et pour suivre les préconisations du rapport n° 2014-65 de septembre 2014 sur la médecine de prévention dans les trois fonctions publiques. Elle préconise, par ailleurs, l'instauration d'outils de mesure des risques professionnels et psycho-sociaux au travail pour les enseignants, ainsi que des suicides et des burn out, directement imputables au service et la publication régulière des résultats obtenus.

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Réponse du Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 18/02/2016

Le ministère chargé de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche s'est engagé depuis plusieurs années à améliorer la surveillance médicale de ses agents. Ainsi, en 2010, une campagne de recrutement de médecins de prévention a été lancée dans le cadre du Pacte de carrière des enseignants afin d'améliorer la couverture en médecins de prévention des services académiques. Afin de rendre plus attractives les fonctions de médecins de prévention, la possibilité a été donnée aux recteurs d'académie de fixer leur rémunération par référence à la grille inscrite dans la convention collective du personnel des services interentreprises de médecine du travail (dite grille « CISME »). Depuis 2010, une vingtaine de médecins de prévention ont été recrutés, pour la plupart à temps complet (solde des recrutements et des départs). On décompte actuellement 83 médecins de prévention. L'organisation de la médecine de prévention demeure toutefois hétérogène sur le territoire. Quelques académies ne disposent pas, malgré leurs efforts, de médecin de prévention (Besançon, Guyane, Limoges, Orléans-Tours et Reims). C'est pourquoi le renforcement de la médecine de prévention demeure un objectif prioritaire des orientations stratégiques ministérielles en matière de politique de prévention des risques professionnels 2015-2016 et justifie que la campagne de recrutement se poursuive. Dans un contexte généralisé de pénurie de médecins du travail, le protocole d'accord relatif à la prévention des risques psychosociaux dans la fonction publique signé le 22 octobre 2013 a prévu le renforcement des moyens des services de médecine de prévention. Ainsi, le décret du 27 octobre 2014 relatif à l'amélioration du fonctionnement des services de médecine de prévention et des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail dans la fonction publique de l'État prévoit l'accueil, au sein des services de médecine de prévention, de collaborateurs médecins. Ce nouveau statut transposé, du secteur privé, vise à faciliter les passerelles vers la médecine de prévention en permettant à des médecins généralistes ou spécialistes de se reconvertir en suivant, en alternance, une formation universitaire et une formation pratique au sein d'un service de médecine de prévention, en vue de l'obtention de la qualification en médecine du travail auprès de l'ordre des médecins. À ce jour, plusieurs académies ont d'ores et déjà recruté un collaborateur médecin (Aix-Marseille, Caen et Versailles). L'effectif des médecins de prévention ne permet pas encore au ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche de remplir de façon satisfaisante les obligations en matière de surveillance médicale de ses agents selon un rythme quinquennal (visite quinquennale) ou annuel, ce dernier étant déterminé en fonction notamment de leur état de santé ou de leur exposition à des risques professionnels (surveillance médicale particulière). Cependant, les agents qui le souhaitent, ont la possibilité d'obtenir une visite médicale auprès du médecin de prévention. Afin d'accompagner les services académiques ainsi que les médecins de prévention, le ministère chargé de l'éducation nationale a programmé plusieurs actions. Dans le cadre de l'animation du réseau des médecins conseillers techniques des recteurs d'académie et des médecins de prévention, des groupes de travail visant à faire un point sur les pratiques professionnelles et à définir des priorités d'actions aux médecins de prévention vont se tenir au cours du premier semestre 2016. De plus, pour faciliter l'exercice professionnel des médecins de prévention, un applicatif de gestion des visites médicales sera prochainement déployé dans l'ensemble des académies. Enfin, les recteurs d'académie sont régulièrement sensibilisés aux enjeux de la médecine de prévention : modalités de recrutement, qualification et rémunération des médecins de prévention et organisation de la prévention médicale au niveau académique. En ce qui concerne la mise en œuvre du protocole d'accord du 22 octobre 2013, relatif à la prévention des risques psychosociaux (RPS) dans la fonction publique, dans les services relevant du ministère chargé de l'éducation nationale, un diagnostic national est actuellement en cours de réalisation dans le cadre des travaux du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ministériel de l'éducation nationale. Ce diagnostic national est basé, s'agissant des personnels enseignants, sur les résultats de l'enquête sur les conditions de travail menée par la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) en partenariat avec la Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP). S'agissant des personnels non enseignants (personnels administratifs, ingénieurs et personnels techniques de recherche et de formation, sociaux et de santé, de direction, d'inspection, d'éducation et d'orientation), une enquête sera lancée très prochainement. Les résultats de cette enquête seront connus dans le courant du premier semestre 2016. Ces deux sources de données permettront de dresser un diagnostic national qui débouchera sur un plan d'action national de prévention des risques psychosociaux visant à accompagner les académies dans l'élaboration de leur plan de prévention académique. Dans le cadre du déploiement de ce plan d'action national de prévention des risques psychosociaux, un vade-mecum, destiné aux services académiques, a d'ores et déjà été élaboré dans le cadre des travaux du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ministériel de l'éducation nationale. S'agissant de l'instauration d'outils de mesure des risques psychosociaux et plus particulièrement des suicides ou des tentatives de suicide, la DGRH du ministère organise depuis 2011, dans le cadre du dispositif de veille sociale, une remontée d'informations lui permettant d'être immédiatement alertée de tout suicide ou tentative de suicide d'un personnel et de disposer d'éléments d'information permettant d'apporter à chaque niveau les réponses aux questions qui sont posées suite à ces évènements de manière rapide et cohérente. Ces informations ne permettent pas pour autant d'avoir une vision exhaustive de la réalité car les proches des agents ne souhaitent pas toujours déclarer les causes du décès lorsqu'il survient hors du lieu de travail. En outre, les données collectées, qui concernent la population enseignante et non-enseignante relevant du ministère chargé de l'éducation nationale, ne permettent pas de dresser d'étude épidémiologique permettant de produire des estimations sur la population globale à partir de différentes méthodes statistiques précises.

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