Question de M. PELLEVAT Cyril (Haute-Savoie - Les Républicains) publiée le 22/10/2015

M. Cyril Pellevat attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur la vente aux enchères d'ivoire.

Le rapport paru en juin 2015 d'une organisation non gouvernementale, le fonds international pour la protection des animaux (IFAW), intitulé « Ivoire d'éléphant – lot du jour : adjugé, vendu ! » révèle l'ampleur du commerce d'ivoire prenant place dans les salles de ventes aux enchères en France, alors même que les éléphants traversent l'une des crises les plus graves de leur existence.

Aujourd'hui le braconnage atteint des seuils alarmants avec une moyenne de 35 000 éléphants d'Afrique tués chaque année et un nombre de saisies importantes d'ivoire (plus de 500 kg) en hausse. Dans cette enquête, IFAW a recensé 1 774 lots d'ivoire brut et travaillé proposés à la vente en France sur une période de deux mois (mai à juillet 2014). Au moins 970 d'entre eux ont été vendus, générant un produit final qui s'élève à 1 227 455 €. Le poids de l'ensemble des lots mis en vente totalisait 2 tonnes.

Le marché de l'ivoire dans les salles de ventes aux enchères en France est un marché actif, profitable et prospère qui entretient de façon active la demande internationale pour l'ivoire. Cette disponibilité renforce l'appétit pour ces produits. Il s'agit également d'un marché à risque : le fait que le commerce de l'ivoire soit globalement interdit en France mais autorisé pour les ivoires dits « pré-convention » ou qualifiés d' « antiquités » rend la notion d'interdiction confuse auprès du grand public et rend également l'application de la réglementation encadrant ce commerce dérogatoire difficile par les professionnels du secteur des ventes aux enchères publiques.

Dernièrement, la France s'est voulue un pays exemplaire en termes de lutte contre la criminalité envers les espèces sauvages : en établissant un plan national d'actions dans ce sens ; en devenant le premier pays européen à procéder à une destruction de 3 tonnes d'ivoire saisi, et en prenant la décision d'interdire toute exportation d'ivoire brut à destination de pays tiers tout en sollicitant de ses homologues européens une initiative similaire. Cependant, cette dernière mesure s'est avérée insuffisante, le marché des ventes aux enchères publiques d'ivoire s'étant maintenu.

Autoriser ce marché spécifique a des conséquences néfastes sur les populations actuelles d'éléphants et les communautés humaines qui en dépendent en encourageant le braconnage, la violence, la circulation d'armes et en enlevant toute stigmatisation de la consommation ou la possession d'ivoire ce qui sape les efforts de réduction de la demande initiés dans les pays consommateurs d'ivoire.

D'après un sondage de l'institut français d'opinion publique (IFOP) réalisé entre le 1er et le 3 juillet 2015, 76 % des Français se déclarent favorables à une interdiction pleine et entière du commerce de l'ivoire en France. Aussi, il souhaiterait savoir si la France envisage d'interdire strictement le commerce de l'ivoire sur son territoire, notamment dans le cadre des ventes aux enchères.

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 07/07/2016

Le ministère en charge de l'écologie, et plus spécifiquement le bureau des échanges internationaux d'espèces menacées (PEM3) à la direction de l'eau et de la biodiversité est le référent pour la France de la mise en œuvre de la Convention de Washington (CITES). À ce titre, la réglementation du commerce des espèces réglementées relève de ce service. Les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) ont également un rôle clé dans ce domaine dans la mesure où elles délivrent les autorisations d'exportation et d'importation des espèces relevant de la CITES (convention de Washington). S'agissant de la répression, l'office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP) a conduit au cours de la période 2013-2015, 4 enquêtes relatives à des trafics d'ivoire permettant la saisie de 195kg d'ivoire et la mise en cause de 20 personnes. Trois affaires concernaient des objets provenant de salles des ventes. Il est à noter que la vigilance de certains commissaires-priseurs a permis aux enquêteurs de déceler des trafics et donc de favoriser la lutte contre ce phénomène. Par ailleurs, si l'interdiction totale du commerce de l'ivoire éviterait les débats d'experts relatifs à la datation de l'ivoire en vue de sa qualification « pré-convention » ou non, elle présenterait cependant des inconvénients. En effet, elle aurait pour conséquence de faire disparaître du marché officiel le commerce de l'ivoire, ce qui pourrait être préjudiciable pour les sculptures qui relèvent in fine des biens culturels. Elle pourrait contribuer à créer un marché clandestin rendant ainsi plus difficile les contrôles administratifs et les investigations judiciaires. Il convient enfin de souligner que les enquêtes relatives aux trafics d'ivoire devraient être facilitées par les évolutions législatives attendues en 2016. Le projet de loi « pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages » prévoit en effet d'étendre les dispositions de l'article 706.2.2 du CPP (enquête sous pseudonyme) aux espèces protégées et réglementées.

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