Question de M. PATIENT Georges (Guyane - Socialiste et républicain) publiée le 26/11/2015

M. Georges Patient attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la montée de l'insécurité en Guyane. Le département connaît, en effet, depuis quelque temps, une vague d'insécurité sans précédent, marquée notamment par une délinquance et une violence chez les jeunes, souvent meurtrière ; une délinquance quotidienne et présente sur tout le territoire, touchant notamment les établissements scolaires. Pour endiguer ce fléau, il est urgent d'agir immédiatement, en donnant des moyens supplémentaires à la police mais aussi, sur le long terme, par la prévention et l'éducation.
Il aimerait savoir ce que compte faire le Gouvernement pour résorber cette forte insécurité, notamment chez les jeunes.

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 16/03/2016

Réponse apportée en séance publique le 15/03/2016

M. Georges Patient. En Guyane, la criminalité est désormais quotidienne et croissante dans toutes ses formes : braquages, vols à main armée, violences en milieu scolaire, viols, trafics de stupéfiants, crimes, etc. Le taux de criminalité est très éloquent. En 2014, il atteignait quatre-vingt-dix pour mille habitants, contre cinquante-six en France métropolitaine, soit trente-quatre points de plus !

Monsieur le ministre, on ne peut pas dire que le Gouvernement demeure insensible. Certes, quelques moyens ont pu être déployés, comme l'instauration de zones de sécurité prioritaires, ou ZSP. Mais la situation n'évolue guère. Bien au contraire, les chiffres de la criminalité progressent en 2015, avec une mention particulière pour les atteintes à l'intégrité physique et les atteintes aux biens, enregistrant des hausses respectives de 8,43 % et 5,40 %.

Face à une telle spirale de la criminalité, les protestations se multiplient. Elles proviennent de partout, non seulement de la société civile dans son ensemble, mais aussi des syndicats de forces de l'ordre !

Tous revendiquent un véritable plan de sécurité pour la Guyane.

Comme en métropole, la sécurité doit être en Guyane une priorité du Gouvernement, avec un traitement mieux adapté aux réalités de notre territoire.

Cela doit inclure un renforcement de l'angle répressif, avec des moyens supplémentaires en hommes et en matériels. Il faut un commissariat central aux normes - l'hôtel de police de Cayenne est en état reconnu de vétusté et de délabrement - et un commissariat dans les villes excédant 20 000 habitants ; je pense aux villes de Kourou, Matoury et Saint-Laurent-du-Maroni. Ces revendications sont exprimées depuis très longtemps.

Mais le traitement de l'insécurité doit aussi inclure les dimensions judiciaires, éducatives, économiques et socioculturelles de la Guyane. La perméabilité des frontières, le chômage endémique, accentué chez les jeunes, le manque de logements, avec, pour corollaire, la prolifération des squats, la multiplication des bandes sont des caractéristiques hors normes qui concourent à placer la Guyane en secteur et unité d'encadrement prioritaire.

Ce dispositif, visant à classer une zone réputée difficile en matière de sécurité publique, aurait l'avantage d'une meilleure réactivité des personnels, connaissant bien le terrain, mais également moins soumis au turn-over constant. Offrant la possibilité de décider seul de l'affectation des moyens supplémentaires alloués à la zone concernée, il permettrait de mieux prioriser certaines mesures liées aux moyens et aux effectifs. Il viendrait ainsi renforcer le dispositif des zones de sécurité prioritaires.

Superposés, car compatibles, ces deux dispositifs serviraient dès lors mieux les intérêts de la Guyane dans la lutte contre cette criminalité rampante.

Monsieur le ministre, la désespérance et le sentiment d'abandon sont très forts au sein de la population guyanaise. Elle est de plus en plus exaspérée par l'insuffisance de réactions face à cette violence qui gangrène toute la société. Il est plus que temps de montrer que des mesures adéquates sont prises pour restaurer la sécurité en Guyane ! Que compte faire le Gouvernement pour remédier à ce problème ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser mon collègue ministre de l'intérieur, qui ne pouvait pas être présent ce matin.

Je ne doute pas de la réalité de la situation que vous évoquez et des difficultés que rencontre aujourd'hui la Guyane.

Comme vous l'avez souligné, le phénomène est important. La délinquance, notamment juvénile, mobilise les forces de sécurité du département. Une action de longue durée est nécessaire pour apporter des réponses à une délinquance désormais ancrée. Le ministre de l'intérieur tient à exprimer tout son soutien aux policiers et gendarmes qui agissent pour lutter contre cette délinquance.

La jeunesse est un sujet majeur de préoccupation, en particulier dans un département avec une démographie aussi dynamique. Malheureusement, elle a souvent comme perspective non pas le travail et la réussite, mais l'échec et le chômage. Il faut donc que nous soyons capables d'avancer toutes les propositions nécessaires.

En 2015, les mineurs représentent près de 20 % des personnes mises en cause dans des actes de délinquance. Ce taux est très élevé. Ce sont ainsi 816 mineurs qui ont été identifiés, interpellés et mis en cause.

La délinquance est également de plus en plus violente. Ainsi, sept mineurs ont été impliqués dans des tentatives d'homicide, et un pour homicide en 2015, alors qu'un seul mineur avait été mis en cause pour une affaire de tentative d'homicide en 2014. Cette évolution ne fait que corroborer vos propos, monsieur le sénateur.

La création des zones de sécurité prioritaire de Cayenne, Matoury, Remire-Montjoly et Kourou a donné une nouvelle impulsion à la lutte contre cette délinquance.

Les moyens de la gendarmerie nationale en Guyane ont été renforcés. Ainsi, les 574 gendarmes départementaux bénéficient en permanence du renfort de 465 gendarmes mobiles. Par ailleurs, 25 postes supplémentaires de gendarmes départementaux ont été créés depuis deux ans et 12 officiers de police judiciaire supplémentaires, en provenance de métropole, ont été détachés.

Les effectifs de la police sont également en augmentation. Alors que la sécurité publique disposait au 31 décembre 2015 d'un effectif de 313 agents, incluant les personnels du service départemental du renseignement territorial, elle devrait compter 323 agents d'ici au mois de juin 2016.

La présence des forces de l'ordre sur la voie publique dans les créneaux horaires les plus sensibles a été accentuée, en lien avec les élus des communes concernées et l'ensemble des acteurs de la prévention. L'effort se porte prioritairement sur la zone littorale, notamment sur les ZSP et dans l'agglomération de Saint-Laurent-du-Maroni.

Ces actions doivent être complétées par des mesures de prévention, en particulier dans le domaine des violences scolaires.

En complément de l'action des brigades territoriales, qui comprennent notamment des référents scolaires dans chaque établissement, la brigade de prévention de la délinquance juvénile de Kourou, créée le 1er septembre 2012, conserve et conservera un rôle essentiel dans ce dispositif.

Elle développe différents dispositifs : des interventions dans des lycées et collèges de Cayenne, ainsi que la mise en place de « points écoute » à l'intérieur de plusieurs établissements ; des interventions sur les violences, drogues, dangers liés à internet, violences sexuelles dans des foyers, associations, maisons de quartier, ainsi que dans des villages amérindiens ; des mesures de réparations pénales, mesures ordonnées par le juge des enfants ou le magistrat chargé des mineurs ; des réunions publiques ou d'information de parents d'élèves.

Toujours dans le domaine de la prévention des violences scolaires, des actions contre la vente d'alcool aux mineurs à proximité des établissements d'enseignement sont également menées. Elles doivent être renforcées, car l'enjeu est majeur pour la jeunesse.

Vous le voyez, cette problématique donne lieu à une double action de l'État, pour renforcer la présence des forces de sécurité, gendarmes et police, et pour assurer une démarche de prévention, absolument nécessaire.

C'est cet équilibre qui doit progressivement être mis en place pour réduire la délinquance dénoncée par vos soins, monsieur le sénateur. Il s'agit là d'un véritable fléau pour la Guyane. Il est donc essentiel que les élus locaux et l'État s'engagent dans une action commune absolument concertée et coopérative pour réussir ensemble à faire reculer cette délinquance.

M. le président. La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Monsieur le ministre, je vous ai écouté attentivement. C'est vrai que le Gouvernement fait des efforts.

Pour autant, la situation reste extrêmement grave en Guyane. Samedi dernier, un commerçant a été agressé et blessé de deux balles en pleine ville de Cayenne. Cet incident a semé la panique dans le quartier et provoqué des réactions, légitimes, de colère de la population. Il faut vraiment attaquer frontalement cette insécurité rampante !

Je le rappelle, la lutte contre l'insécurité fait partie des trente engagements du candidat François Hollande à l'égard des outre-mer. Je vous relis l'engagement n° 25 : « Je veux donner à la police et à la justice les moyens de protéger les Ultramarins en donnant des moyens supplémentaires pour la sécurité des quartiers les plus exposés à la violence. La lutte contre l'immigration clandestine sera également renforcée. »

L'insécurité gangrène toute la société guyanaise et empêche un développement réel de notre territoire. Les Guyanais ont voté en masse pour le changement ; ils attendent des résultats concrets. Je vous demande de les entendre et de réagir en conséquence.

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