Question de Mme CANAYER Agnès (Seine-Maritime - Les Républicains) publiée le 10/12/2015

Mme Agnès Canayer attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur la politique forestière menée dans le département de Seine Maritime.
La forêt normande, publique et privée, s'étend sur près de 400 000 hectares, soit 13 % de la surface totale de la Normandie. La forêt privée représente 55 % de la surface des forêts en Seine-Maritime.
Composées majoritairement de feuillus, les forêts normandes sont parmi les plus productives sur le territoire national. La production annuelle est estimée à 2,7 millions de mètres cubes par an, soit près de sept mètres cubes par hectare et par an. Les propriétaires forestiers sont engagés dans une gestion durable des surfaces boisées.
La problématique de la forêt est prégnante et protéiforme : dégâts des gibiers, reboisement. Dernièrement, la question des débouchés de ventes de grumes faisant suite aux récentes décisions des services de l'État relatives à l'exportation au grand export mobilise les exploitants. En effet, celles-ci ont pour conséquence de renchérir fortement les coûts de mobilisation au détriment du prix payé aux producteurs de ces grumes que sont les forestiers privés.
Enfin, la question de la réforme de la composition du centre réguional de la propriété forestière de Normandie (CRFPN) inquiète les propriétaires, ceux-ci craignant que la démarche de valorisation en vue d'une commercialisation ne soit abandonnée.
Aussi, dans un contexte de crise agricole, souhaite-t-elle connaître les intentions du Gouvernement pour encourager les propriétaires forestiers dans leur activité.

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 11/05/2016

Réponse apportée en séance publique le 10/05/2016

Mme Agnès Canayer. Monsieur le ministre, ma question porte sur la valorisation de la filière bois en Seine-Maritime.

Si la superficie de la forêt ne représente que 16 % du territoire de la Seine-Maritime, son poids économique est important. En Normandie, sur l'ensemble de la « chaîne bois », la filière emploie près de 22 200 personnes.

Conformément à la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, adoptée en 2014, un nouveau programme national de la forêt et du bois a été présenté en mars dernier.

D'ores et déjà, plusieurs difficultés sont mises en évidence par les professionnels, qui attendent des réponses pragmatiques.

Le premier point concerne l'indemnisation des dégâts de grand gibier, définie par l'article R. 425-21 du code de l'environnement.

En effet, la question de la représentativité des propriétaires forestiers au sein de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage, qui émet, chaque année, un avis sur le plan de chasse, est régulièrement soulevée. Par ailleurs, les modalités d'indemnisation doivent pouvoir être révisées dès lors que le plan de chasse ne permet pas de limiter les dégâts causés aux forêts. Les professionnels s'inquiètent et attendent des engagements de l'État.

Le second volet a trait à la question des normes phytosanitaires, alors que l'arrêté du 1er avril dernier reporte de nouveau de six mois la mise en place du traitement des grumes par fumigation.

L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l'ANSES, doit mener une étude préalable à une autorisation de mise sur le marché d'un autre produit, le Forester. Pouvez-vous, monsieur le ministre, faire état de l'avancée de cette étude ? Une concertation avec les acteurs de la filière est-elle menée ?

Je veux également évoquer la régénération de la forêt, ou le reboisement. Avec une période de renouvellement global évaluée à 214 ans et 70 millions de plants plantés chaque année, la forêt française ne sera plus en mesure, d'ici à quelques années, de fournir la matière première nécessaire.

Il est regrettable de constater, aujourd'hui, d'une part, l'absence de stratégie sylvicole et, d'autre part, l'insuffisance de l'abondement du fonds stratégique de la forêt et du bois.

Enfin, la déclinaison normande du programme national forêt-bois suscite des questions : comment seront prises en compte les spécificités locales, notamment la nécessité de réimplanter des feuillus en Seine-Maritime ? Quelles sont les aides financières pérennes envisagées afin de mener une politique sylvicole normande à la hauteur des ambitions ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice, votre première interrogation porte sur le fonds stratégique de la forêt et du bois. Depuis la disparition du fonds forestier, c'est la première fois qu'un fonds stratégique pour financer le reboisement a été recréé par la loi, en 2014.

Ce fonds, qui a été abondé par des centimes forestiers précédemment gérés par les chambres d'agriculture et complété par ce que l'on appelle la « compensation forestière », laquelle consiste à faire payer ceux qui détruisent de la forêt, est alimenté à hauteur de 25 millions d'euros. Comme je l'ai déjà souligné devant le Sénat, mon objectif est qu'il soit doté de 100 millions d'euros, pour financer le reboisement.

Je le répète, c'est la première fois, depuis la disparition du fonds forestier, que de l'argent sera de nouveau consacré au reboisement de la forêt française.

Votre deuxième interrogation porte sur l'existence d'une stratégie sylvicole en France aujourd'hui. À ce sujet, je rappelle que c'est aussi la première fois qu'un Conseil supérieur de la forêt et du bois a été mis en place ! C'est encore la première fois qu'un programme national forêt-bois a été soumis à tous les acteurs de la filière forestière et adopté par ceux-ci. Comme vous l'avez évoqué, ce programme se déclinera au travers de plans régionaux. En effet, dès lors que le programme national a été adopté par tous les acteurs de la filière, il faut que les régions assument également leurs responsabilités, à leur niveau, et qu'elles adaptent le programme aux caractéristiques de leurs propres forêts, que celles-ci soient composées de résineux ou de feuillus.

Hier, madame la sénatrice, j'ai présenté un plan recherche et innovation 2025 pour la filière forêt-bois, afin de préciser les grandes orientations pour la forêt française sur les dix prochaines années. Je ne peux donc accepter d'entendre dire qu'il n'existerait pas de stratégie pour la forêt en France aujourd'hui !

Vous m'avez également interrogé sur les exportations et l'usage des produits phytosanitaires.

Depuis quinze ans, une dérogation, faisant suite à la tempête Klaus, qui a touché les Landes, permet de traiter les bois en bordure de forêt avec des produits phytosanitaires spécifiques. Nous devons modifier notre système pour assurer la certification demandée par les acheteurs de bois français situés à l'étranger. J'ai fait des propositions négociées en ce sens. La mise en œuvre des nouvelles mesures devait intervenir dès ce mois-ci. Nous l'avons reportée, tout en demandant aux ports de se mettre en conformité avec les nouveaux produits, afin de permettre l'exportation.

Il ne s'agit pas de freiner les exportations, même si je préfère que le bois français soit transformé en France : notre pays mérite mieux que d'exporter des billes de bois, pour, ensuite, réimporter des meubles !

Mon objectif est également de développer la filière de transformation. Voilà pourquoi nous lancerons, le 7 juin prochain, avec l'ensemble des villes qui le souhaitent, un vaste programme de construction de grands immeubles en bois, qui fera la part belle à l'utilisation de nouvelles techniques, françaises en particulier. Je pense notamment aux panneaux de bois lamellé croisé - les panneaux Cross-Laminated Timber, ou CLT -, qui permettent de réaliser de nouvelles constructions beaucoup plus résistantes que le béton. De nouveaux architectes sont en train de s'y mettre. Bien évidemment, c'est le carbone que nous visons là.

Tous ces points font partie du plan recherche et innovation 2025.

En ce qui concerne l'utilisation des produits phytosanitaires, nous n'avons d'autre objectif que de nous mettre en conformité avec les règles à respecter pour pouvoir exporter du bois, même si, je le répète, la filière bois française doit, selon moi, réaliser plus de valeur ajoutée en France.

La dernière question que vous avez soulevée, madame la sénatrice, porte sur l'équilibre sylvo-cynégétique - autrement dit, entre les forestiers et les chasseurs - que le Sénat a adopté, après plusieurs heures de débat en pleine nuit, lors de l'examen de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt. Les discussions ont été longues et difficiles avec les chasseurs - il y en a parmi les membres de cet hémicycle ! Certains forestiers estimaient, pour leur part, qu'il y avait trop de gibier... (Sourires.)

Nous avons pu trouver un équilibre, notamment grâce à l'engagement de deux sénateurs, qui ont travaillé jusqu'à une heure avancée de la nuit pour parvenir à un accord. Cet équilibre était nécessaire. Il sera appliqué, car, s'il convient d'assurer du gibier aux chasseurs, celui-ci ne doit en aucun cas empêcher les forestiers de percevoir l'usufruit de leur forêt.

Le maintien de cet équilibre est la ligne constante que je me suis fixée lors de l'examen de la loi d'avenir, qui a été adoptée par le Parlement voilà plus d'un an et demi.

M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer.

Mme Agnès Canayer. Merci, monsieur le ministre, de ces éléments.

Néanmoins, les propriétaires forestiers, sur les territoires, sont inquiets et ont besoin d'être rassurés. Ils espèrent notamment que vos ambitions et votre plan bénéficieront de financements à la hauteur des engagements pris et, surtout, que ces financements seront pérennes et permettront d'assurer le reboisement à long terme de nos forêts.

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