Question de M. MÉZARD Jacques (Cantal - RDSE) publiée le 10/12/2015

M. Jacques Mézard interroge Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur le financement du centre hospitalier d'Aurillac, au titre de l'isolement géographique.

Le décret n° 2015-186 du 17 février 2015 prévoit les modalités dérogatoires de financement des activités de soins des établissements de santé répondant à des critères d'isolement géographique.

Avant même que ce décret ne soit publié, deux établissements hospitaliers du département du Cantal se sont vu attribuer, en 2014, des financements dérogatoires à ce titre. En revanche, le centre hospitalier d'Aurillac - le plus isolé géographiquement - s'est vu refuser ce financement, le motif invoqué paraissant être l'existence d'une clinique privée à Aurillac.

Or, le centre hospitalier d'Aurillac est le seul établissement à accueillir les patients dans les secteurs d'obstétrique, de néonatologie, de pédiatrie. Cet établissement réalise un nombre d'accouchements représentant une proportion de 83 % sur sa zone d'attractivité (critère règlementaire supérieur ou égal à 40 %) et il n'y a aucun autre établissement accueillant les patients de ces disciplines, ni à 45 minutes, ni à 60 minutes de trajet.

Il rappelle qu'Aurillac - préfecture la plus enclavée de France - est à deux heures et quart de route du centre hospitalier universitaire (CHU) de Clermont-Ferrand. S'il est un établissement hospitalier qui répond à des critères d'isolement géographique, c'est bien le centre hospitalier d'Aurillac et c'est incontestable en ce qui concerne l'obstétrique, la néonatologie et la pédiatrie.

En conséquence, il lui demande comment elle entend insérer le centre hospitalier d'Aurillac dans le dispositif de financement des activités répondant à des critères d'isolement géographique.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales et de la santé, chargé des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion publiée le 16/03/2016

Réponse apportée en séance publique le 15/03/2016

M. Jacques Mézard. Ma question concerne le centre hospitalier général d'Aurillac.

Un décret du 17 février dernier prévoit les modalités dérogatoires de financement des activités de soins des établissements de santé répondant à des critères d'isolement géographique.

Remarquons d'abord que ce décret a été appliqué avant même sa parution au profit de deux établissements hospitaliers de mon département. D'un point de vue administratif, c'est assez original !

Le centre hospitalier d'Aurillac, lui, s'est vu refuser ce financement, en raison, semble-t-il, de l'existence d'une clinique privée. Certes, depuis lors, on nous a expliqué oralement que sa situation pourrait faire l'objet d'un examen positif.

Il faut dire que notre centre hospitalier est certainement le plus excentré par rapport à l'université et à la métropole régionale dont il dépend. Songez que nous sommes à neuf heures de Lyon aller-retour et à onze heures par le train. C'est tout de même un record toutes catégories ! Au demeurant, cela démontre l'ineptie de la fusion de régions pour certains territoires...

En tout cas, s'il est un établissement qui répond à des critères d'isolement géographique, c'est bien le nôtre. Ce fait est incontestable s'agissant de l'obstétrique, la néonatalogie et la pédiatrie, aucune clinique privée n'exerçant la moindre activité dans ces domaines dans un rayon de plus de 100 kilomètres.

Madame la secrétaire d'État, je souhaite connaître la position définitive du ministère de la santé, ainsi que le montant des sommes susceptibles d'être allouées, de manière tout à fait justifiée, au centre hospitalier d'Aurillac. Je voudrais également savoir si cette aide pourra être pérennisée.

Plus généralement, je voudrais attirer l'attention du ministère sur la difficulté actuelle à recruter des praticiens hospitaliers dans des zones aussi enclavées, notamment dans un domaine comme la psychiatrie. J'ai récemment interpellé le Gouvernement sur la question des remplacements et sur la pénurie de praticiens, qui est particulièrement grave dans certaines spécialités.

En outre, comment va-t-on à Lyon quand on est convoqué par l'agence régionale de santé ? Vous l'imaginez bien, cela ne peut pas continuer ainsi : les déplacements nécessitent deux jours !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur Mézard, je vous prie d'excuser l'absence de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, qui ne pouvait pas être présente ce matin.

Vous avez interrogé le Gouvernement sur le centre hospitalier d'Aurillac, établissement auquel vous êtes très attaché. Je connais votre mobilisation à cet égard.

Cet établissement a connu une aggravation soudaine de son déficit, qui avoisinait 3 millions d'euros pour 2015, malgré le versement d'une aide exceptionnelle de 800 000 euros par l'agence régionale de santé d'Auvergne. Cette évolution a conduit l'ARS à conclure avec l'établissement un contrat de stabilité budgétaire dès 2014.

La disposition de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 relative au financement des activités isolées, à laquelle vous avez fait référence, vise à corriger le modèle actuel de financement des établissements de santé reconnus comme isolés géographiquement.

Au regard des critères précis et transparents fixés par le décret du 17 février 2015 sur le niveau d'activité, l'hôpital d'Aurillac ne pouvait pas être éligible au dispositif. Toutefois, compte tenu de la situation que vous avez rappelée, notamment l'environnement géographique, une attention particulière a été portée à cet établissement. À la fin de l'année 2015, il a bénéficié à titre dérogatoire d'une subvention d'accompagnement pour activités déficitaires à hauteur de 360 000 euros.

Afin d'aider l'hôpital d'Aurillac à poursuivre ses efforts de gestion et de l'accompagner vers un retour à l'équilibre financier, l'aide pourra être reconduite par l'agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes en 2016.

Plus généralement, la nouvelle configuration de l'agence régionale de santé n'aura pas de conséquence négative sur l'attention et le soutien des pouvoirs publics à l'égard des établissements de santé, en particulier celui d'Aurillac, qui vous est cher.

Vous avez eu raison d'insister sur le problème de l'attractivité des hôpitaux et de souligner que les difficultés de recrutement sont particulièrement graves dans certaines spécialités. C'est bien la raison pour laquelle Marisol Touraine a présenté au mois de novembre dernier un plan d'action pour l'attractivité de l'exercice médical à l'hôpital public. Le plan comprend douze engagements pour inciter les professionnels de santé, notamment les plus jeunes, à exercer au sein de l'hôpital public dans les zones sous-denses ou dans les spécialités en tension, comme, en effet, la psychiatrie.

Bien entendu, la définition des territoires éligibles sera cohérente avec les mesures déjà adoptées pour favoriser l'installation des professionnels de santé dans les territoires fragiles.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Madame la secrétaire d'État, comme je connais votre attachement personnel aux territoires éloignés du pouvoir central, je suis certain que vous me comprendrez très bien. Votre réponse, hormis la fin, est totalement administrative et assez coupée des réalités du territoire...

Même si le déficit du centre hospitalier d'Aurillac a atteint 3 millions d'euros, le travail mené par tout le monde permet de considérer que la situation financière est globalement assez saine.

Je le maintiens, sur la question de l'isolement géographique, le traitement qui nous est réservé n'est pas équitable. Certains services de l'hôpital d'Aurillac, n'ayant strictement aucune concurrence privée, assument l'entière responsabilité de l'offre médicale dans un rayon supérieur à 100 kilomètres. Sans doute lui a-t-on alloué, à la faveur d'une dérogation à la dérogation, 360 000 euros sur les 900 000 demandés. Mais cela ne tient pas compte de la réalité profonde, liée à un enclavement considérable !

C'est très bien de vouloir renforcer la dimension territoriale de l'agence régionale de santé au niveau départemental, comme cela nous est annoncé. Seulement, on continue à convoquer nos directions ou les membres de nos commissions médicales d'établissement à Lyon pour des réunions qui durent parfois une ou deux heures, mais qui nécessitent deux jours de déplacement !

Tout cela n'est pas raisonnable. C'est contraire à l'équité et au bon sens. Il est plus que temps de prendre des décisions de bon sens dans notre pays !

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