Question de Mme COHEN Laurence (Val-de-Marne - Communiste républicain et citoyen) publiée le 17/12/2015

Mme Laurence Cohen interroge M. le secrétaire d'État, auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche sur les difficultés que connaît actuellement le pôle (en anglais : « hub ») d'Air France à l'aéroport de Paris Charles-De-Gaulle. Elle rappelle que le pôle (« hub ») a perdu sa position de domination européenne et est désormais classé quatrième. Les retards accumulés ces dernières années ont, ainsi, d'importantes conséquences négatives, en termes de retombées économiques et d'emplois au sein du territoire francilien, avec, en outre, un département du Val-de-Marne impacté dans son développement. L'installation à Orly du groupe IAG et de ses compagnies (British Airways, Iberia et Vueling) lui permet d'occuper le terrain libéré et de chasser sur le territoire naturel de la compagnie Air France, détournant les passagers vers leur « hub » de Londres-Heathrow. Ainsi, Orly, aéroport historiquement bien placé, perd de sa complémentarité avec Roissy et de son attractivité.

Face à cette situation, elle rappelle que le décideur public a un rôle important à jouer. Tout d'abord, cela passe par la réaffirmation du rôle central d'Air France dans un pôle (« hub ») qui, pour continuer à exister, a besoin d'une compagnie d'envergure internationale, capable d'investir à long terme. Elle suggère donc que l'État, en tant qu'actionnaire, intervienne de façon plus déterminée au niveau de la direction de la compagnie, pour sortir du court-termisme financier qui a cours actuellement, afin de porter une politique pérenne de développement de son transport aérien, moteur de développement économique et social en cohérence avec les autres modes de transport. Paris capitale de l'écologie avec la Cop21 (conférence de Paris sur le climat) se doit d'être en avant-garde.

Au delà, il apparaît nécessaire qu'aux côtés d'Aéroports de Paris, l'État s'engage dans le déploiement de dessertes plus efficaces et de réseaux de transports plus rapides entre les deux aéroports mais aussi avec le reste du territoire francilien et de l'« hexagone ». Une meilleure connexion entre les horaires des trains à grande vitesse (TGV) arrivants aux aéroports et celles des vols longs courriers pourrait également être envisagée.

Elle rappelle qu'à l'aube de la mise en place de la métropole du Grand-Paris, la région d'Île-de-France a, plus que jamais, besoin d'être dotée d'infrastructures permettant de développer les territoires et de réduire les inégalités en créant de l'emploi. C'est pourquoi elle lui demande comment le Gouvernement compte jouer le rôle premier qui est le sien dans le développement d'un « hub » apportant un service de qualité, de sécurité et de sûreté pour ses usagers et utile au territoire francilien et à ses populations.

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Réponse du Secrétariat d'Etat, auprès du ministère de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé de la ville publiée le 11/05/2016

Réponse apportée en séance publique le 10/05/2016

Mme Laurence Cohen. Vous n'ignorez pas, madame la secrétaire d'État, que le pôle aérien d'Air France a perdu sa position de leadership européen. Aujourd'hui à la quatrième place, il se trouve loin derrière le pôle, désormais dominant, de la Turkish Airlines.

Cette situation est la conséquence du « court-termisme » financier de la compagnie, que je dénonce, tout comme du manque chronique d'investissements qui a tant coûté à la filière aéronautique française.

Je rappelle qu'Air France est le premier employeur privé d'Île-de-France et que les conséquences de ce recul sont graves en termes de retombées économiques. Je pense notamment aux 170 000 emplois indirects générés par la zone d'Orly dans le Val-de-Marne, emplois aujourd'hui en danger.

Madame la secrétaire d'État, à l'heure où Air France s'apprête à changer de P-DG, ce changement de casting s'accompagnera-t-il enfin d'un changement de scénario ?

Pour qu'il en soit ainsi, il paraît indispensable que l'État actionnaire reprenne le rôle qui était le sien au sein de l'ancienne compagnie nationale, en déployant une politique pérenne de développement du transport aérien, moteur de développement économique et social.

Paris, capitale de l'écologie avec la COP 2l, se doit d'être à l'avant-garde.

Le décideur public doit réaffirmer le rôle central d'Air France dans un pôle aérien qui, pour continuer à exister, a besoin d'une compagnie d'envergure internationale capable d'investir à long terme.

Aux côtés de Paris Aéroport, l'État doit investir dans de nouvelles infrastructures. Cela passe par le déploiement de dessertes plus efficaces et de réseaux de transports plus rapides, notamment entre Orly et Roissy, mais aussi avec le reste du territoire francilien et le territoire national. Une meilleure connexion entre les horaires des trains à grande vitesse et ceux des vols long-courriers pourrait également être envisagée.

En effet, au moment où se structure la métropole du Grand Paris, la région Île-de-France a plus que jamais besoin d'être dotée d'infrastructures permettant de développer les territoires et de réduire les inégalités en créant de l'emploi.

C'est pourquoi je vous demande, madame la secrétaire d'État, si le Gouvernement est prêt à sortir la filière aéronautique française d'une crise dont les retombées touchent notre économie tout entière.

L'État compte-t-il jouer le rôle premier qui est le sien dans le développement d'un pôle aérien apportant un service de qualité, sûr pour ses usagers et utile au territoire francilien et à ses populations ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la ville. Je vous prie tout d'abord, madame la sénatrice, de bien vouloir excuser Alain Vidalies, empêché par son agenda d'être présent ce matin.

L'État partage entièrement votre ambition d'une compagnie aérienne française forte ayant pour moteur de croissance un hub puissant à Paris, organisé autour de deux plateformes principales : Paris-Charles-de-Gaulle et Paris-Orly.

Bien que l'État ne détienne plus qu'une minorité du capital d'Air France-KLM, il partage le constat quant aux importants défis que doit aujourd'hui relever l'entreprise, et le Gouvernement, vous le savez, est attentif à l'évolution de la situation économique d'Air France.

La direction de l'entreprise a engagé des réformes structurelles indispensables.

Ces réformes sont nécessaires pour faire face au développement, depuis les années 2000, des compagnies dites « low cost » sur les marchés du court et du moyen-courrier et, plus récemment, à la progression fulgurante des compagnies du Golfe, qui captent la quasi-totalité de la croissance du trafic aérien vers l'Asie.

Il faut aussi faire face à l'actuel déficit de compétitivité intrinsèque de nos compagnies aériennes par rapport à leurs concurrentes européennes.

L'État a, de son côté, mis en place plusieurs mesures visant à renforcer la compétitivité du transport aérien français qui reprennent pour une large part les préconisations du rapport remis par le député Bruno Le Roux au Premier ministre à la fin de l'année 2014.

Ces mesures ont notamment permis de baisser substantiellement les taxes applicables aux vols en correspondance à Paris, au bénéfice de la croissance du hub et de la compétitivité d'Air France face aux autres grands groupes européens, comme IAG ou Lufthansa, basés respectivement à Londres et Francfort.

Afin de relier plus rapidement l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle à la capitale, le Gouvernement a relancé de manière active le projet CDG express. L'État agit ainsi de façon à permettre un développement du pôle international de l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle, car nous sommes soucieux de l'image donnée par la France aux touristes internationaux qui viennent pour la première fois en France.

L'État a pleinement conscience que seul un pavillon aérien solide est à même de préserver la connectivité directe, l'attractivité de notre territoire et les échanges de la France avec les grandes puissances dans le monde. Les retombées économiques qui en découlent participent à la préservation des emplois et au développement des territoires.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. L'État semble en effet attentif aux difficultés du pôle aérien d'Air France. Je voudrais toutefois dénoncer la politique menée sous la présidence d'Alexandre de Juniac, au cours de laquelle 10 000 emplois ont été détruits et cinq plans de départs dits « volontaires » mis en place. Beaucoup d'efforts ont donc été demandés aux salariés.

Or, comme vous l'avez souligné, madame la secrétaire d'État, la situation économique de l'entreprise est bien meilleure et elle réalise d'importants profits. M. de Juniac, qui va quitter ses fonctions, s'est même accordé une augmentation de sa rémunération de près de 65 % ! Dans le même temps, il a prévu une baisse des salaires des pilotes à compter du 1er juin 2016.

Cela va toujours dans le même sens ! On demande toujours plus à l'ensemble des salariés, qu'ils soient pilotes, techniciens, personnels navigants ou au sol, tout en réduisant leur salaire et en dégradant leurs conditions de travail, alors que le P-DG s'octroie une forte augmentation...

Je plaide, à nouveau, pour que l'État joue un rôle important et pour que l'on ait une vision tournée vers l'avenir de ce grand pôle économique.

Permettez-moi, pour conclure, de détourner une phrase célèbre, laquelle concernait l'entreprise Renault : quand Air France éternue, la France s'enrhume. (Sourires.) Soyez vigilante, madame la secrétaire d'État !

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