Question de M. DALLIER Philippe (Seine-Saint-Denis - Les Républicains) publiée le 17/02/2016

Question posée en séance publique le 16/02/2016

M. Philippe Dallier. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux et porte également sur le tribunal de grande instance de Bobigny.

Bobigny est la deuxième juridiction de France, après Paris, avec 40 000 nouvelles affaires par an au civil et 40 000 au pénal. Pour faire face à cette masse de dossiers, les effectifs – même si beaucoup les jugent insuffisants – sont là, du moins sur le papier, car, en réalité, 20 % des postes de magistrats, du siège et du parquet, et à peu près autant au greffe, sont vacants.

Les délais d'audiencement sont aujourd'hui devenus absolument insupportables : quatorze mois pour une audience en conciliation dans une affaire de divorce, contre trois mois à Paris et cinq mois à Lyon.

Concernant les mineurs, 400 mesures éducatives sont en attentes d'exécution. Une telle situation renforce le sentiment d'impunité de ces jeunes et n'est pas une bonne chose pour lutter contre la récidive. Au pénal, des affaires de délinquance organisée, de trafic de stupéfiants sont parfois jugées jusqu'à six ans après les faits.

Et que dire des conditions dans lesquelles la justice est rendue ? Au tribunal d'instance, une audience dure en moyenne six minutes, plaidoirie comprise. Faute de personnels, le président du TGI vient de décider de réduire de 20 % le nombre des audiences. Nul ne saurait l'en blâmer.

Dans ce département si fragile, les délais d'audiencement vont donc encore s'allonger et la réponse pénale faiblir, ce qui fera encore un peu plus reculer la notion d'égalité de traitement des citoyens devant la loi.

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour remédier à cette situation ? Surtout, dans quels délais selon vous la situation pourrait-elle revenir à la normale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. Jean-Claude Gaudin. Très bien !

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 17/02/2016

Réponse apportée en séance publique le 16/02/2016

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. J'ai dit tout à l'heure ce que je pensais de la situation à Bobigny : ce tribunal est en souffrance. Il n'est évidemment pas acceptable qu'il dispose sur le papier de 177 magistrats et que, en pratique, ses effectifs ne soient que de 154.

Trois problèmes se posent.

Le premier est que le tribunal est en sous-effectif, pas plus dans cette juridiction que dans d'autres cependant. J'ai indiqué que le Gouvernement avait décidé de procéder à des recrutements, mais 31 mois sont nécessaires à la formation d'un magistrat. Il faut donc trouver d'autres solutions. J'en discuterai avec le président Le Breton de Vanoise vendredi et avec Mme Klein-Donati, procureur de la République, sous l'autorité du Premier Président de la Cour d'appel et de la procureur générale près la cour d'appel.

Le deuxième problème est l'attractivité : les magistrats en poste à Bobigny n'y restent pas. Nous devons trouver des solutions indiciaires à ce problème, mais je ne peux pas le faire en deux jours.

Le troisième problème est lié à l'environnement. C'est la raison pour laquelle j'ai annoncé vendredi à Chartres la réorientation de 14 millions d'euros afin de créer rapidement des postes de vacation. Le but est de décharger les magistrats et les greffes de façon à ce qu'ils puissent se concentrer sur leur métier. C'est de cela qu'ils ont besoin ; c'est en tout cas le message qu'ils m'ont adressé.

Je poursuis également la réflexion engagée par mon prédécesseur sur un contrat d'objectifs avec la direction des services judiciaires et le président du TGI. Ce n'est pas suffisant, parce que cela demandera du temps, mais j'espère que nous trouverons rapidement des réponses à ces problèmes urgents. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour la réplique.

M. Philippe Dallier. La situation du TGI de Bobigny n'a jamais été excellente, mais des postes de magistrat et de greffier ayant été créés en 2011, la situation s'était améliorée. Depuis dix-huit mois environ, elle s'est de nouveau détériorée au point de devenir inacceptable.

Plus que tout autre, le département de la Seine-Saint-Denis a besoin d'une justice efficace et rapide, sinon il ne sortira pas de l'ornière dans laquelle il se trouve. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

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