Question de M. CHASSEING Daniel (Corrèze - Les Républicains-R) publiée le 11/02/2016

M. Daniel Chasseing attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur le problème posé par l'avenir des concessions hydrauliques, en France, tel que prévu par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte et, plus particulièrement, l'ensemble hydro-électrique Dordogne-Truyère, dont les activités concernent le département de la Corrèze mais également celui du Cantal et celui de l'Aveyron. Ce dernier, actuellement exploité par Électricité de France (EDF), comprend une douzaine d'aménagements, dont les dates de concession s'échelonnent de 2012 à 2062. Or, la mise en concurrence, avec ou sans société d'économie mixte (SEM), compte tenu des dates barycentres, conduirait à une renouvellement de ces concessions au-delà de 2020, ce qui reporterait à cette échéance l'éventuelle réalisation d'investissements (1,5 à 2 milliards d'euros envisagés) et, donc, le possible versement, par le concessionnaire, de redevances aux collectivités territoriales concernées, réparties qui plus est sur trois régions. La solution la plus adaptée, aujourd'hui, semble être la prorogation, pour au moins une quinzaine d'années, des concessions Dordogne-Truyère à EDF. Il lui demande donc de bien vouloir lui faire savoir quelle est la position actuelle du Gouvernement sur cette suggestion.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargé des relations internationales sur le climat, chargé de la biodiversité publiée le 08/06/2016

Réponse apportée en séance publique le 07/06/2016

M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, l'avenir des concessions hydrauliques, en France, tel qu'il est prévu par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, préoccupe à juste titre les acteurs locaux. En effet, la Commission européenne met la France en demeure de s'ouvrir à la concurrence, c'est-à-dire d'attribuer éventuellement ces concessions à d'autres opérateurs que celui qui les exploite traditionnellement, à savoir EDF, puisque, selon l'Europe, celle-ci est en position dominante, et ce en dépit de la satisfaction des acteurs locaux, les maires en particulier, ce qui ne sera probablement pas le cas avec d'autres opérateurs ne possédant pas cette culture de service public.

J'ajoute que, une fois de plus, nous sommes le seul pays d'Europe à vivre cette situation, puisque la plupart de nos voisins concernés par cette problématique comme l'Espagne et l'Italie ont déjà réglé cette question, l'Allemagne ayant utilisé d'autres procédures. Je regrette que nous soyons toujours, en France, dans l'incertitude.

Cela est vrai, en particulier, pour une partie du territoire dont je suis l'élu, à savoir les ensembles hydroélectriques Dordogne-Truyère, dont les activités se trouvent dans le département de la Corrèze, mais également dans ceux du Cantal et de l'Aveyron, c'est-à-dire relevant de trois régions.

Ces ensembles majeurs représentent 15 % du parc hydroélectrique français et comprennent une douzaine d'aménagements, dont les dates d'échéances de concession s'échelonnent de 2012 à 2062. Or la mise en concurrence, compte tenu des dates barycentres, conduirait à un renouvellement de ces concessions au-delà de 2020, ce qui, fatalement, reporterait l'éventuelle réalisation d'investissements envisagés par EDF à hauteur de 2 milliards d'euros.

Ne pas prolonger ces concessions aurait donc pour conséquence non seulement de se priver de la création d'importantes capacités hydroélectriques supplémentaires - énergie propre par excellence, à l'heure où l'on ne cesse de répéter qu'il faut développer les énergies renouvelables ! -, mais encore de renoncer à de fortes retombées, en matière d'emploi, de sous-traitance, de fiscalité et de redevances, indispensables à l'aménagement de territoires, dont certains d'entre eux, qui relèvent de la ruralité, ont besoin.

Parmi ces projets, j'insiste particulièrement sur celui de Redenat, en Corrèze, réalisation que je soutiens sans réserve : d'une part, elle va générer, à elle seule, plus de 1 000 mégawattheures ; d'autre part, elle a été déclarée remarquable par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement, la DREAL, et le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux, le SDAGE, du bassin Adour-Garonne, et procurera 500 emplois en cinq ans.

La solution la plus adaptée, aujourd'hui, semble donc être la prolongation, pour au moins une quinzaine d'années, des concessions Dordogne et Truyère à EDF. Elle est juridiquement possible, puisque ladite loi du 17 août 2015 précise dans son chapitre II, à l'article 116 : « Lorsque la réalisation de travaux nécessaires à l'atteinte d'objectifs mentionnés aux articles L. 100-1, L. 100-2 et L. 100-4 et non prévus au contrat initial l'exige, la concession peut être prorogée [...] ».

Je vous remercie de bien vouloir me faire savoir, madame la secrétaire d'État, quelle est la position du Gouvernement sur cette prolongation, étant précisé que cette position est très attendue par l'ensemble des acteurs locaux des territoires concernés.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Ségolène Royal, qui m'a chargée de vous répondre.

Les débats relatifs à la loi de transition énergétique pour la croissance verte, en particulier ceux qui ont été conduits par les parlementaires, ont permis de mettre en place un cadre de gestion des concessions hydroélectriques conciliant les règles européennes de la concurrence avec les principes du modèle français.

Le contrôle public de la gestion de l'eau, l'accélération du développement des énergies renouvelables, dont l'hydroélectricité est l'un des fleurons, la sécurité d'approvisionnement en électricité, la sûreté des barrages, la sécurité des personnes et, enfin, l'ancrage territorial des concessions sont nos priorités. Elles contribuent au développement économique local avec le maintien des compétences et des emplois dans les barrages et les usines.

La ministre de l'énergie met en place les outils d'application de la loi : le regroupement des concessions, la prolongation des concessions en contrepartie d'investissements, et la possibilité de constituer des sociétés d'économie mixte lors du renouvellement des concessions. Les vallées de la Dordogne et de la Truyère font partie de celles où des investissements ont été examinés.

La Commission européenne a toutefois adressé, à la fin du mois d'octobre 2015, une mise en demeure à la France, considérant que la place d'EDF dans l'hydroélectricité conduisait à une situation anticoncurrentielle qui constituait une infraction aux règles européennes de concurrence. Le Gouvernement a fermement contesté l'infraction. Ségolène Royal a échangé à plusieurs reprises avec la commissaire européenne à la concurrence, Mme Vestager, pour présenter les dispositions de la loi relative à la transition énergétique, qui contribuera à diversifier la production d'électricité et donc à développer la concurrence sans déstabiliser la filière, ainsi que les opportunités d'investissement dans l'hydroélectricité.

Les échanges se poursuivent, et le Gouvernement sera vigilant quant au respect et à la bonne mise en œuvre du cadre fixé par la loi qui a consolidé le régime des concessions et garantit le respect des enjeux de service public de l'hydroélectricité française.

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Je regrette que l'Europe soit, concernant les normes, plus exigeante pour la France que pour les autres pays. C'est même le cas pour les barrages.

Je souhaite donc, comme vous l'avez indiqué, madame la secrétaire d'État, que le Gouvernement intervienne avec force au niveau de la Commission européenne afin que les concessions hydrauliques situées en France et gérées par EDF puissent être prolongées. Cette mesure, qui a été réalisée dans d'autres États membres, est très attendue, car elle entraînera des investissements et de l'emploi pour nos zones rurales.

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