Question de M. CAMANI Pierre (Lot-et-Garonne - Socialiste et républicain) publiée le 02/03/2016

Question posée en séance publique le 01/03/2016

M. Pierre Camani. Ma question, qui s'adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, porte sur la recentralisation annoncée par le Premier ministre du revenu de solidarité active.

Cette allocation, fille du RMI instauré en 1988 par le gouvernement de Michel Rocard, constitue une aide essentielle pour les personnes exclues du marché du travail. Elle contribue également à les accompagner dans un parcours d'insertion sociale.

Nous devons rester attachés au caractère national de cette allocation, qui ne saurait souffrir d'exceptions en fonction de singularités locales, au risque de rompre avec le principe républicain d'égalité et d'universalité des droits sociaux.

La gestion du RMI, devenu le RSA, a été confiée aux départements en 2004. Or, depuis cette date, l'État n'a pas compensé à juste hauteur les dépenses liées au transfert de cette compétence. Aujourd'hui, à titre d'exemple, le département que je préside est confronté à une situation financière sans précédent, qui le conduit à une impasse budgétaire, malgré des ratios de gestion positifs.

En effet, la progression des dépenses au titre du RSA est, pour une large part, responsable d'une très forte croissance du reste à charge pour la collectivité. Celui-ci était de 2 millions d'euros en 2008 ; il est de 22 millions d'euros en 2015, pour une dépense totale de 52,7 millions d'euros.

Ce manque à gagner s'ajoute à la chute des recettes départementales due à la suppression de ressources fiscales dynamiques hier, et à la baisse des dotations de l'État aujourd'hui.

Nous le savons tous, malgré les mesures positives prises par le Gouvernement en 2013 dans le cadre du pacte de solidarité, l'insuffisante compensation de la charge des allocations individuelles de solidarité entraîne une dégradation accélérée et structurelle des finances des départements, avec une incidence bien plus forte pour les départements les plus pauvres.

M. Hubert Falco. Parfaitement !

M. Pierre Camani. Les annonces faites par le Premier ministre jeudi dernier vont dans le bon sens et constituent une première réponse à ces difficultés. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Fouché. Non !

M. Pierre Camani. Il importe cependant d'aller plus loin, en définissant les règles d'une véritable péréquation qui tienne pleinement compte de la structure des ressources des départements, de leurs dépenses et des disparités fortes qui existent entre eux.

M. le président. Veuillez poser votre question !

M. Pierre Camani. Comment envisagez-vous la mise en œuvre de la péréquation dans le cadre de la recentralisation annoncée ?

M. Michel Bouvard. Ça y est, ça recommence !

M. Pierre Camani. Plus globalement, pourriez-vous apporter des précisions sur les mécanismes envisagés par le Gouvernement en vue d'une recentralisation du RSA ? (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe socialiste et républicain.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 02/03/2016

Réponse apportée en séance publique le 01/03/2016

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le sénateur Pierre Camani, j'avais en effet annoncé, le 22 juillet dernier, la mise en place d'un groupe de travail avec l'Assemblée des départements de France sur le financement des allocations de solidarité. Ce groupe de travail a, depuis, établi un diagnostic partagé de la situation financière des départements, et étudié, parmi les pistes de solutions, la recentralisation du financement du RSA.

Nous n'ignorons rien, bien sûr, des difficultés financières rencontrées par les départements du fait de l'augmentation du nombre des bénéficiaires du RSA.

Nous devons refuser toutes les polémiques, les stigmatisations et les fausses solutions, qui n'ont pas manqué ces derniers temps et qui visent en permanence à rendre responsables de la situation financière les chômeurs ou les allocataires du RSA eux-mêmes.

M. Jean-Claude Carle. Et l'État !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le Gouvernement entend réaffirmer avec force - Marisol Touraine a déjà eu l'occasion de le faire ici même - que la solidarité est l'essence même de notre pacte républicain et qu'elle fonde ainsi, d'une certaine manière, le rôle des départements.

Je tiens à rappeler que le Gouvernement a déjà agi avec volontarisme en décidant de revaloriser de 10 % le RSA sur cinq ans pour garantir la dignité de nos concitoyens les plus en difficulté, les plus pauvres.

Nous avons aussi amélioré l'incitation au retour de l'activité de ses bénéficiaires, avec la fusion du RSA activité et de la prime d'activité. Cela mérite également d'être rappelé.

Par ailleurs, j'ai confié une mission au député Christophe Sirugue, qui doit proposer, d'ici à la fin du mois de mars, des solutions en vue d'une simplification et d'une rationalisation des neuf minima sociaux existant aujourd'hui.

Dans ce contexte, j'ai rencontré jeudi dernier, avec Jean-Michel Baylet et Estelle Grelier, une délégation des présidents des conseils départementaux. Nous avons pris nos responsabilités en présentant une hypothèse de recentralisation qui permettrait de résoudre de manière pérenne la situation.

Nous avons proposé aux départements que l'État reprenne à sa charge le financement du RSA dans le cadre des débats qui auront lieu sur le projet de loi de finances pour 2017, sur la base des dépenses de l'année 2016. Nous avons proposé de préserver au maximum les recettes dynamiques des départements et de veiller à développer ce que l'on appelle la « péréquation horizontale » pour corriger les inégalités entre les départements.

Cela, je le souligne, représente un effort important de l'État, qui prendrait ainsi à sa charge l'intégralité de la croissance des dépenses de RSA en 2017.

En contrepartie, nous avons demandé que les départements s'engagent fortement en faveur de l'insertion, qui régresse malheureusement, pour garantir le bon accompagnement des bénéficiaires du RSA et leur sortie du dispositif.

C'est ainsi que nous pourrons contenir la dépense et offrir un avenir à celles et ceux qui sont aujourd'hui dans une situation de grande pauvreté.

Aujourd'hui même se tient une réunion de l'Assemblée des départements de France. Nos propositions sont sur la table. Si l'ADF accepte la méthode proposée, nous continuerons ce travail ensemble.

Je vous assure, monsieur le sénateur, que les membres du Gouvernement, en particulier Marisol Touraine, Jean-Michel Baylet, Estelle Grelier et Christian Eckert, seront attentifs à ces échanges, qui doivent permettre d'avancer vers une solution et d'en préciser les modalités de mise en œuvre, afin que les départements puissent faire face au défi financier qui s'impose à eux, que l'État puisse assurer la cohésion nationale et, surtout, que nous puissions apporter une réponse à ceux qui en ont le plus besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

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