Question de M. RAPIN Jean-François (Pas-de-Calais - Les Républicains) publiée le 18/03/2016

Question posée en séance publique le 17/03/2016

M. Jean-François Rapin. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Lundi, Jean-Jacques Urvoas, ministre de la justice, s'est déplacé dans les Hauts-de-France,…

M. Bruno Sido. Où est-ce ? (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Rapin. … à Calais, pour apprécier la situation que nous connaissons tous. Permettez-moi en cet instant de le remercier d'avoir accédé à la demande, maintes fois renouvelée, de Natacha Bouchart et de Xavier Bertrand, qui souhaitaient que le garde des sceaux vienne instamment sur place.

Or la Côte d'Opale est touchée aussi en d'autres points, qui méritent également toute l'attention du Gouvernement. Ainsi, à quelques kilomètres de Calais, Grande-Synthe, où je me suis rendu récemment avec François-Noël Buffet, doit faire face à une affluence importante de migrants. Vous le savez, monsieur le Premier ministre, on ne ressort pas moralement indemne de ces visites.

Au regard de cette situation, les élus locaux ont souhaité offrir des conditions d'accueil supportables à ces abandonnés de la planète, en créant un camp coconstruit et cofinancé avec Médecins sans frontières.

Dans le cadre du débat portant sur le dispositif exceptionnel d'accueil des réfugiés, le 1er mars dernier, j'ai fait part à M. Cazeneuve de plusieurs de mes interrogations. Celui-ci m'a apporté des réponses concernant la situation calaisienne, mais trop peu sur celle de Grande-Synthe.

Pourquoi y a-t-il une différence de traitement ? Pourquoi y aurait-il plus d'État d'un côté et moins de l'autre ?

La commune a besoin de soutien : soutien de l'État, soutien financier, soutien humain. Encore quelques mois et, selon son maire, Grande-Synthe ne pourra plus faire face aux dépenses de fonctionnement exposées au titre de cet accueil !

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous garantir que les dépenses nécessaires pour accueillir ces personnes ne seront plus supportées par la seule commune de Grande-Synthe ?

Enfin, allons-nous donner à cette partie du littoral, qui est l'un des carrefours essentiels des stratégies économiques de notre région, de notre pays et de l'Europe, un avenir autre que celui d'un « mur de la Manche » ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 18/03/2016

Réponse apportée en séance publique le 17/03/2016

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le sénateur, il me paraît important, puisqu'il y a eu de nombreuses questions sur Calais, parfois des approximations, voire des accusations sur l'absence de l'autorité de l'État dans ce secteur, de commencer par vous confirmer l'achèvement dans le calme des opérations d'évacuation de la zone sud du campement dit « de la lande », à Calais, opérations que Bernard Cazeneuve a évidemment suivies attentivement.

Je salue l'ensemble de ceux qui sont intervenus pour qu'elles se déroulent en bon ordre : les services de l'État, les forces de l'ordre, bien sûr, mais également les associations calaisiennes et leurs travailleurs sociaux, qui œuvrent sur place depuis plusieurs mois dans des conditions difficiles. Je tiens à saluer aussi la bonne coopération entre l'État et la ville de Calais.

Des solutions ont été apportées à toutes les situations individuelles. Des abris solides ont été installés dans la partie nord du camp. Des centres d'accueil et d'orientation ont été répartis sur l'ensemble du territoire national, vous le savez. Des départs ont encore été organisés hier.

Je précise que 80 % des migrants se rendant dans ces centres ne reviennent jamais à Calais. Nous sommes passés de 6 000 à 3 700 personnes à Calais en moins de six mois. Mais, à travers ces chiffres, chacun mesure la difficulté et la nécessité de maîtriser le dossier des réfugiés et de leur accueil.

La situation est différente, en effet, à Grande-Synthe.

Le campement, installé depuis plusieurs années, présentait une situation très dégradée, sur le plan tant sanitaire que sur celui de la sécurité. Je rappelle aussi que l'emprise des réseaux d'immigration irrégulière y était très forte.

Comme l'a indiqué Bernard Cazeneuve, déplacer ce campement n'est pas une solution durable. Depuis plusieurs mois, l'État a intensifié ce que l'on appelle les « maraudes sociales », avec des résultats significatifs : de 3 000, le nombre des migrants est passé sous la barre des 1 000. L'installation d'un nouveau campement sans que toutes les procédures garantissant sa sécurité aient été accomplies créera demain d'autres difficultés pour les élus qui ont pris cette initiative et pour l'État.

J'en appelle donc à la responsabilité, à une coopération de meilleure qualité entre les élus de ce secteur, entre le maire et l'État, pour éviter que nous ne nous retrouvions avec des problèmes qui nécessiteront alors de nouveau une opération très importante de l'État.

Sur le dossier de Calais comme sur celui de Grande-Synthe, ou d'autres, comme celui de Lampedusa, où trois d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, dont le président Larcher, se sont rendus récemment, je mets en garde contre toute position idéologique, mais vous n'êtes pas dans ce cas, car il faut agir de manière concrète.

Il n'y a pas de solution miracle : il y a un travail patient, quotidien, difficile pour lutter contre l'immigration irrégulière et les réseaux criminels qui l'exploitent, pour convaincre les migrants que Calais n'est plus une voie de passage vers le Royaume-Uni et pour garantir une solution digne pour les personnes et sécurisée - j'insiste sur ce point - pour les migrants.

Sur le plan européen, la France est pleinement engagée sur ce dossier. Le Conseil européen qui se réunit aujourd'hui et demain est particulièrement important puisqu'il est consacré à la question migratoire et aux réfugiés. La France y porte actuellement, par la voix du Président de la République, trois messages principaux.

D'abord, il est impératif de retrouver la maîtrise de l'espace Schengen en renforçant le contrôle aux frontières extérieures. C'est un enjeu de sécurité majeur et la condition pour accueillir au mieux ceux qui demandent légitimement une protection.

Ensuite, il faut définir une coopération efficace avec la Turquie sans remettre en cause les cadres des relations avec l'Union européenne. C'est indispensable pour endiguer le flux des migrants.

Enfin, il faut souligner l'urgence d'une réponse efficace pour prévenir la crise humanitaire qui risque de se développer en Grèce du fait de la fermeture de la route des Balkans.

Sur ces sujets, il ne faut pas uniquement parler. Il faut agir, en traitant les dossiers les uns après les autres. À cet égard, vous pouvez compter, monsieur le sénateur, sur l'engagement du Gouvernement, et notamment du ministre de l'intérieur, pour apporter vite une solution à celui que vous avez évoqué. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.)

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