Question de Mme TROENDLÉ Catherine (Haut-Rhin - Les Républicains) publiée le 17/03/2016

Mme Catherine Troendlé attire l'attention de Mme la ministre du logement et de l'habitat durable sur la mise en œuvre de la procédure de rétablissement personnel, disposition instaurée par la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, portant réforme du crédit à la consommation et complétée par la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires.

La procédure de rétablissement personnel permet l'effacement des dettes d'une personne surendettée dont la situation financière est tellement dégradée qu'aucun plan de redressement n'est envisageable. L'application de ce dispositif concerne, tout particulièrement, les bailleurs sociaux.

En effet, par vocation et par nature, ceux-ci accueillent les familles les plus modestes et donc celles qui représentent une part significative des dossiers de surendettement. L'exemple de Pôle habitat Colmar semble éclairant. Entre 2011, première année de mise en œuvre de la mesure, et 2015, dernier exercice complet, il est relevé que le nombre de familles ayant bénéficié d'une procédure de rétablissement personnel est passé de sept à quatre-vingt-sept. Le montant des dettes de loyers effacé a été porté de 21 640 euros à 297 394 euros.

Ainsi, la procédure de rétablissement personnel fait supporter aux locataires scrupuleux, c‘est à dire aux familles les plus modestes, le coût des difficultés financières rencontrées par les ménages qui occupent le même parc social et qui profitent de cette mesure, en organisant les conditions d'effacement de la dette. Au-delà de l'iniquité d'une telle situation, on constate que cette perte - de l'ordre de 1 % de son budget général - représente, pour l'office de Colmar pris en exemple, les fonds propres nécessaires pour la construction annuelle de dix logements. Il est évident que laisser ce dispositif en l'état, sans se donner les moyens de le réguler, risque, très rapidement, de rendre son impact économique insoutenable, injuste et compromettra la réalisation de chantiers nouveaux.

Aussi lui demande-t-elle de lui faire connaître les mesures qu'elle envisage de prendre, afin de corriger la dérive inflationniste qui s'installe et compromet les capacités d'agir des bailleurs sociaux.

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Transmise au Ministère du logement et de l'habitat durable


Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage publiée le 12/10/2016

Réponse apportée en séance publique le 11/10/2016

Mme Catherine Troendlé. D'abord, permettez-moi, madame la secrétaire d'État, de vous remercier infiniment de répondre à la place de Mme Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable.

Je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur la mise en œuvre de la procédure de rétablissement personnel, disposition instaurée par la loi n° 2010–737 du 1er juillet 2010, portant réforme du crédit à la consommation et complétée par la loi n° 2013–672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires.

La procédure de rétablissement personnel permet l'effacement des dettes d'une personne surendettée dont la situation financière est tellement dégradée qu'aucun plan de redressement n'est envisageable. L'application de ce dispositif concerne, tout particulièrement, les bailleurs sociaux.

En effet, par vocation et par nature, ceux-ci accueillent les familles les plus modestes et, donc, celles qui représentent une part significative des dossiers de surendettement. Permettez-moi de prendre l'exemple de Pôle Habitat Colmar-Centre Alsace.

Entre 2011, première année de mise en œuvre de la mesure, et 2015, dernier exercice complet, il est relevé que le nombre de familles ayant bénéficié d'une procédure de rétablissement personnel est passé de 7 à 87. Le montant des dettes de loyers effacées a été porté de 21 640 euros à 297 394 euros.

Ainsi, la procédure de rétablissement personnel fait supporter aux locataires scrupuleux, c'est-à-dire aux familles les plus modestes, le coût des difficultés financières rencontrées par les ménages qui occupent le même parc social et qui profitent de cette mesure, en organisant, pour certains, les conditions d'effacement de la dette.

Au-delà de l'iniquité d'une telle situation, on constate que cette perte, qui est de l'ordre de 1 % de son budget général, représente, pour l'office de Colmar, les fonds propres nécessaires à la construction annuelle de 10 logements !

Même s'il est précisé que pour bénéficier d'une procédure de surendettement il convient d'être un débiteur de bonne foi, la nature de ce dernier est difficile à appréhender.

Par ailleurs, le recours proposé quant à la recevabilité de la procédure est une solution fortuite, qui ne garantit en aucun cas la sincérité du débiteur.

Il est évident que laisser ce dispositif en l'état, sans se donner les moyens de le réguler, risque très rapidement de rendre son impact économique insoutenable, injuste et compromettra la réalisation de chantiers nouveaux.

Aussi je vous serai reconnaissante, madame la secrétaire d'État, de bien vouloir me faire connaître les mesures envisagées pour corriger la dérive inflationniste qui s'installe et compromet les capacités d'agir des bailleurs sociaux.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Madame la sénatrice, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de Mme la ministre du logement et de l'habitat durable retenue à une réunion avec le ministre de l'intérieur sur la situation des migrants à Calais.

Vous attirez l'attention de Mme Cosse sur la mise en œuvre de la procédure de rétablissement personnel, en citant, à titre d'exemple, Pôle Habitat Colmar-Centre Alsace, avec les conséquences induites.

Vous l'avez rappelé, il convient d'être un débiteur de bonne foi pour bénéficier d'une procédure de surendettement.

Les personnes siégeant dans les commissions de surendettement font leur travail en ce sens. Nous sommes attentifs au cas que vous avez décrit, sachant que les commissions cherchent à identifier au mieux les situations.

Par ailleurs, vous avez interrogé Mme la ministre du logement sur l'impact économique de la procédure de rétablissement personnel pour les bailleurs sociaux. En fait, cet impact est très limité.

En effet, le paiement du loyer est assuré à titre principal par le dispositif d'aide personnalisée au logement, dit APL, dès lors que le public effectif des locataires correspond à la cible. Les plafonds de ressources APL et les plafonds de ressources des constructions étant globalement alignés, le risque est donc très largement amorti (Mme Catherine Troendlé hoche la tête en signe de doute.) : jusqu'à 80 %. Dès lors, au regard du volume de son parc, il est peu probable qu'un bailleur soit réellement mis en difficulté.

Toutefois, si un bailleur se trouvait réellement en difficulté, il pourrait faire appel à la Caisse de garantie du logement locatif social, la CGLLS. Cet établissement public à caractère administratif recueillant des ressources auprès des bailleurs peut venir en aide à n'importe lequel d'entre eux, qui, pour une raison ou une autre, y compris du fait d'une difficulté liée à des effacements de dettes, serait amené à y avoir recours.

De son côté, la Banque de France a développé un partenariat avec le ministère du logement pour mieux travailler sur l'articulation avec les commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives, les CCAPEX. Depuis le début de l'année 2015, les secrétariats des commissions adressent mensuellement aux correspondants des CCAPEX un fichier reprenant les dossiers recevables avec la présence d'une dette locative ; c'est le travail auquel je faisais référence il y a un instant.

La loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, la loi ALUR, prévoit des dispositions de nature à permettre une réaction plus rapide des bailleurs sociaux lors des premiers impayés, notamment une obligation de déclaration à la CCAPEX.

Au-delà de cette réponse, je puis vous assurer de la disponibilité d'Emmanuelle Cosse si vous souhaitez approfondir cette question.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendlé.

Mme Catherine Troendlé. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de cette réponse.

Loin de moi l'idée de jeter la pierre aux services chargés de l'examen des dossiers de surendettement ! Ceux-ci font un travail remarquable, mais, comme je l'ai indiqué il y a quelques instants, la notion de bonne foi est difficile à appréhender.

Les bailleurs sociaux sont, vous le savez, des partenaires incontournables pour les élus locaux et tout particulièrement pour ceux qui doivent atteindre le seuil de 25 % de logements sociaux sur leur territoire, au risque de subir des pénalités financières. Soumis à cette contrainte et à la tension liée aux loyers impayés, ils ne peuvent pas être aussi offensifs qu'ils pourraient l'être aux côtés des élus locaux.

Toutefois, j'ai bien entendu les mesures que vous avez déclinées, et je prendrai évidemment l'attache de Mme Cosse pour approfondir les mesures permettant de résoudre cette difficulté.

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