Question de Mme ASSASSI Éliane (Seine-Saint-Denis - Communiste républicain et citoyen) publiée le 01/04/2016

Question posée en séance publique le 31/03/2016

Mme Éliane Assassi. Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Alors que des centaines de milliers de salariés, de retraités, de jeunes, d'étudiants manifestent actuellement contre votre projet de casse du code du travail, pourquoi, madame la ministre, persistez-vous dans cette impasse libérale ?

Ce projet va anéantir les protections collectives des salariés, puisque, désormais, un code du travail différent s'appliquera dans chaque entreprise. Pour nous, le code du travail, c'est la loi, et la même protection doit être assurée à tous !

Vous voulez faciliter les licenciements pour les patrons. Qui peut croire, madame la ministre, que cela favorisera la création d'emplois ? L'affirmer relève soit de la naïveté, soit de la tromperie.

Vous préférez précariser davantage encore les travailleurs et augmenter le nombre de chômeurs, plutôt que de vous attaquer aux groupes français champions des dividendes versés aux actionnaires. Il serait temps d'arrêter de faire des cadeaux à M. Gattaz et d'entendre la souffrance des salariés ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Votre projet, madame la ministre, doit être retiré ! (Mmes et MM. les sénateurs du groupe CRC se lèvent et brandissent des pancartes signifiant leur opposition au projet de loi sur le travail. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Ridicule !

Mme Éliane Assassi. La jeunesse se mobilise, car elle a bien lu votre projet et compris qu'il lui réserve un avenir de précarité. Alors que la jeunesse a soif de bonheur et de liberté, votre projet de loi suscite l'angoisse du lendemain et traduit la soumission au patronat et aux actionnaires ! Allez-vous le retirer, comme vous le demandent la jeunesse et les salariés ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Vous pouvez ranger le décor, chers collègues… (Rires.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 01/04/2016

Réponse apportée en séance publique le 31/03/2016

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame Assassi, je tiens à vous répondre moi-même, parce que vous êtes présidente de groupe, et aussi pour permettre à Mme la ministre du travail de ménager un peu sa voix, très sollicitée ces jours-ci... Je veux d'ailleurs saluer le courage et le panache avec lesquels elle défend le projet de loi sur le travail ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. - Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Nicole Bricq. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je le dis avec le plus grand respect des positions des uns et des autres, en particulier de ceux de nos concitoyens qui manifestent aujourd'hui, comme il est normal dans une grande démocratie : à propos de ce texte s'expriment, comme souvent dans le débat public dans notre pays, des approches particulièrement caricaturales, binaires. Certains affirment qu'il ne servira à rien, qu'il ne va pas assez loin, d'autres, comme vous, madame Assassi, disent le contraire.

Mme Éliane Assassi. Nous sommes des milliers !

M. Thierry Foucaud. Il y a des socialistes dans les manifestations !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le débat sur ce projet de loi met en lumière une profonde différence de conceptions, qui traverse les diverses familles politiques, mais aussi les partenaires sociaux, en ce qui concerne la nature du dialogue social.

Oui, nous avons souhaité, à l'instar d'ailleurs d'organisations syndicales qui ne manifestent pas aujourd'hui et que l'on appelle réformistes, que la négociation se déroule d'abord à l'échelon des entreprises et des branches, les protections nécessaires étant assurées aux salariés, notamment dans les petites entreprises, les PME, où il n'y a pas de représentation syndicale. Le dialogue social sera ainsi rapproché des entreprises, au bénéfice de celles-ci comme de leurs salariés, sans que les normes soient inversées.

Mme Nicole Bricq. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. J'assume, madame Assassi, cette différence entre nos visions de la démocratie sociale.

Je ne vous ai pas entendue évoquer le chômage de masse que nous connaissons depuis des années et qui touche particulièrement les salariés peu ou mal formés, peu qualifiés, les personnes issues des quartiers populaires, les femmes : c'est ce que l'on appelle la dualité du marché du travail.

Aujourd'hui, dans neuf cas sur dix, la première embauche se fait en contrat à durée déterminée, même si le contrat à durée indéterminée reste la norme. L'assouplissement que nous proposons vise à faciliter non pas les licenciements, mais les embauches !

M. Thierry Foucaud. On ne facilite pas les embauches en réduisant les droits !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Sortons des caricatures : on trouvera toujours des contre-exemples, qui n'infirmeront pas la règle, mais aucun chef d'entreprise n'a envie de licencier, notamment dans les petites et moyennes entreprises, qui emploient l'immense majorité de nos concitoyens. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Vous invoquez volontiers la démocratie, mais c'est une drôle de façon de la faire vivre que de chercher à m'empêcher de m'exprimer ! (Protestations sur les travées du groupe CRC. - Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

Par ailleurs, ce texte comporte une avancée majeure, à savoir le compte personnel d'activité, qui représente une véritable sécurité sociale professionnelle, que vous devriez défendre. Je ne vous ai pas non plus entendue vous exprimer sur ce point, madame Assassi !

Enfin, la garantie jeunes, qui va devenir universelle, peut être considérée comme une sorte de revenu minimum ou d'allocation universelle. Elle représente en tous cas une véritable chance pour la jeunesse de ce pays.

Madame la présidente Assassi, cessez les caricatures, participez au débat !

Mme Éliane Assassi. On n'arrête pas !

M. Manuel Valls, Premier ministre. La discussion du projet de loi est en cours à l'Assemblée nationale. Elle s'engagera bientôt au Sénat.

Je pense que nous avons déjà levé nombre d'inquiétudes. La porte des ministres du travail et de l'éducation nationale reste ouverte aux organisations syndicales, étudiantes ou lycéennes qui, à la différence d'autres, se sont jointes au mouvement de contestation. Continuons à œuvrer pour les entreprises, pour les salariés et pour la jeunesse de ce pays : telle doit être notre préoccupation essentielle ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour la réplique.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le Premier ministre, je crois que vous vous êtes quelque peu enfermé dans un raisonnement dogmatique ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain. - Rires sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.) Vous répétez à l'envi les mêmes arguments, mais force est de constater que cela ne marche pas !

Vous refusez d'entendre toutes propositions alternatives, notamment celles qui émanent de notre formation ou de certains syndicats. Vous n'entendez pas ce que dit la rue aujourd'hui, particulièrement la jeunesse, qui demande le retrait de ce texte ! Partageant pleinement cette revendication, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen quitteront l'hémicycle à l'issue de cette séance de questions d'actualité, pour rejoindre les manifestants dans Paris ! (Mmes et MM. les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen se lèvent et applaudissent longuement. - Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Quel dommage ! (Sourires.)

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