Question de M. PERRIN Cédric (Territoire de Belfort - Les Républicains) publiée le 01/04/2016

Question posée en séance publique le 31/03/2016

M. Cédric Perrin. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, vous venez de le rappeler : hier, après quatre mois de tergiversations, le Président de la République a enterré la réforme constitutionnelle. Au cours de ces quatre mois, le Sénat aura adopté cinq textes du Gouvernement consacrés à la lutte contre le terrorisme ; il n'a, lui, jamais varié ! Le texte voté par la majorité sénatoriale unie est la transcription conforme des engagements pris par le Président de la République à Versailles le 16 novembre dernier ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Gournac. Oui !

M. Cédric Perrin. En réalité, c'est la gauche qui s'est éloignée de la parole présidentielle (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.),…

M. Alain Gournac. Eh oui !

M. Cédric Perrin. … ce qui a entraîné d'abord la démission de la ministre de la justice, puis un bricolage juridique absurde, dont le seul objectif était de rallier une majorité de circonstance au sein de vos propres rangs, majorité qui se révèle de plus en plus introuvable.

Vous avez contourné la difficulté en recourant au 49-3 pour faire adopter une loi Macron anémiée. Bientôt, vous allez être contraints de vider de sa substance la loi El Khomri ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Monsieur le Premier ministre, avez-vous conscience de ne pas avoir de majorité sur des sujets aussi emblématiques ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 01/04/2016

Réponse apportée en séance publique le 31/03/2016

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le sénateur, on peut analyser les lignes de force dans chacune des assemblées et dans chacune des majorités. Je vais d'ailleurs le faire avec grand plaisir.

Nous avons en effet eu un débat difficile et douloureux à l'Assemblée nationale. Comme je l'ai rappelé il y a un instant, le Président de la République a décidé, à la suite des consultations qu'il a menées quelques heures après les attentats, le samedi 14 et le dimanche 15 novembre, de reprendre une proposition émanant des responsables de l'opposition et s'inscrivant d'ailleurs dans une tradition républicaine. C'est sur cette base que s'est engagée la discussion.

Pour moi, l'essentiel était de trouver une majorité des trois cinquièmes. Cette majorité n'était pas introuvable puisque, à l'Assemblée nationale, une grande majorité des députés socialistes ont voté pour le texte, de même que la majorité des députés du groupe Les Républicains et la quasi-totalité des députés de l'UDI, madame Férat (Mme Françoise Férat proteste.), le président Lagarde considérant qu'il ne fallait pas que la déchéance de nationalité concerne uniquement une catégorie spécifique de citoyens, à savoir les binationaux. La majorité obtenue à l'Assemblée nationale ne résultait donc pas d'un arrangement au sein de la gauche !

Le retrait de la réforme constitutionnelle conduira à ce que la déchéance de nationalité ne soit possible que pour les seuls binationaux ayant été naturalisés français. En termes d'équité, d'égalité et d'efficacité, c'est une drôle de régression !

En ce qui concerne le Sénat, à chacun ses problèmes ! La majorité sénatoriale a privilégié l'unité en son sein, pour des raisons que je ne souhaite même pas évoquer, au détriment de l'unité nationale ; je le regrette ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. - Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour la réplique.

M. Cédric Perrin. Monsieur le Premier ministre, je peux comprendre votre énervement, auquel nous sommes malheureusement habitués dans cet hémicycle, mais permettez-moi de vous rappeler que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Permettez-moi également de vous rappeler les commentaires de certains de vos amis à propos de cette réforme constitutionnelle.

Selon Christian Paul, « il fallait tourner la page » et « on ne peut pas réussir l'unité nationale [...] contre les principes républicains ».

Nos amis écologistes se félicitent de la décision du Président de la République, « obtenue de haute lutte grâce à la mobilisation des parlementaires et de la société civile ».

Quant au groupe communiste républicain et citoyen du Sénat, il a indiqué que « les démocrates, les républicains et les femmes et les hommes de gauche ont refusé, dans leur grande majorité, une révision qui sacrifiait une certaine idée de la France au profit d'une stratégie électorale et partisane ».

Je conclurai en citant Malek Boutih : « Il faut être honnête, le problème politique est venu de notre propre camp. » On ne saurait dire mieux, monsieur le Premier ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)

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