Question de Mme AÏCHI Leila (Paris - Écologiste) publiée le 29/04/2016

Question posée en séance publique le 28/04/2016

Mme Leila Aïchi. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé.

Je prends acte de la décision de la Haute Assemblée de transmettre le dossier du professeur Michel Aubier à la justice et je salue la décision courageuse et exemplaire prise par le bureau du Sénat et son président, Gérard Larcher. Mes chers collègues, la lutte contre les faux témoignages et, par extension, contre les conflits d'intérêts, n'est pas une lubie d'écologiste ; il s'agit au contraire d'un enjeu démocratique et d'intérêt général.

Les politiques publiques ne peuvent être fondées sur des mensonges. Mentir devant la représentation nationale est inacceptable, et je suis scandalisée par la cupidité de certains, de surcroît sur un sujet aussi grave et qui nous concerne tous : la pollution de l'air.

En mentant devant la commission d'enquête, dont Jean-François Husson était le président et dont j'ai eu l'honneur d'être rapporteur, le professeur Aubier a tenté d'influencer, au service d'intérêts économiques privés, des politiques publiques et a ainsi volontairement minimisé un enjeu majeur de santé publique.

Plus grave encore, en mentant devant les parlementaires, le professeur Aubier a menti aux Français.

Encore une fois, chers collègues, une société démocratique ne peut pas reposer sur le mensonge. Cela fait longtemps que nous dénonçons ces pratiques, qui sont une menace et une atteinte directe au bon fonctionnement de notre société, ce d'autant plus dans le contexte social et économique difficile que nous traversons.

Mais faute de preuve et de volonté, de telles pratiques ne sont malheureusement que trop peu révélées et condamnées, alors que, manifestement, nous le savons tous, elles ne sont que trop nombreuses.

En ce sens, nous saluons l'effort consenti par le directeur général de l'AP-HP, Martin Hirsch, qui a proposé un plan de prévention des conflits d'intérêts.

Ma question est simple, madame la ministre : que comptez-vous faire pour mettre fin aux conflits d'intérêts ? (Applaudissements sur de nombreuses travées.)

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Réponse du Ministère des affaires sociales et de la santé publiée le 29/04/2016

Réponse apportée en séance publique le 28/04/2016

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la sénatrice Leila Aïchi, comme vous et comme beaucoup de Français, j'ai été très profondément choquée par la façon dont s'est comporté le professeur Aubier. Qu'un médecin renommé - mais son renom ne change rien à l'affaire -, alors qu'il est auditionné sous serment, oublie de mentionner qu'il est rémunéré par un acteur directement concerné est purement et simplement inadmissible.

La décision, rare, qu'a prise le bureau du Sénat est à la hauteur de la gravité des faits.

De son côté, l'AP-HP étudie la situation individuelle de M. Aubier...

M. Thierry Foucaud. Il y en a d'autres !

Mme Marisol Touraine, ministre. ... et examine les conditions d'une éventuelle procédure.

Au-delà du cas personnel de M. Aubier, la communauté médicale de l'AP-HP qui a été profondément atteinte par ces faits a élaboré un guide, afin de définir plus précisément la façon dont les médecins doivent se comporter face aux conflits d'intérêts.

Pour ma part, j'ai fait de la lutte contre de tels conflits une priorité. J'ai mis en place une base, pouvant être exploitée par qui le souhaite, qui permet de repérer les rémunérations en provenance de l'industrie pharmaceutique dont bénéficient les médecins.

À l'occasion de l'examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé, nous avons renforcé, grâce notamment aux apports extrêmement utiles et intéressants du Sénat, le cadre législatif, afin de lutter contre les conflits d'intérêts.

Madame la sénatrice, je souhaite que ces règles puissent être appliquées, y compris pour d'autres secteurs que l'industrie pharmaceutique, car certains médecins peuvent travailler ailleurs que dans ce secteur. C'était le cas notamment du professeur Aubier.

Telle est ma position. Il ne doit en tout cas y avoir aucune tolérance, aucune acceptation de comportement susceptible de jeter le discrédit sur la déontologie médicale et l'excellence des médecins dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi, pour la réplique.

Mme Leila Aïchi. Madame la ministre, je prends acte de la volonté du Gouvernement de lutter contre les conflits d'intérêts. Nous resterons vigilants sur les futures mesures que vous proposerez.

À l'instant où je vous parle, je ne peux pas m'empêcher d'avoir une pensée toute particulière pour ces personnes, parfois dénommées « lanceurs d'alerte », qui sacrifient leur vie pour l'intérêt général, mais qui bien souvent, trop souvent, restent dans l'ombre, alors que d'autres, avides d'argent, sont prêtes, sans scrupule aucun, à mettre en péril jusqu'à la santé et la vie de nos concitoyens pour quelques euros. Il est de notre devoir de protéger et de reconnaître les unes tout en combattant et en condamnant les autres. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du RDSE.)

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