Question de Mme MERCIER Marie (Saône-et-Loire - Les Républicains) publiée le 14/04/2016

Mme Marie Mercier attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la situation des experts judiciaires collaborateurs occasionnels du service public (COSP).

Le 18 juillet 2014, un rapport de la mission interministérielle sur le statut des COSP a révélé l'absence d'assujettissement aux cotisations sociales, ainsi que l'assimilation des indemnités perçues à des prestations, sans que soient mises en place les conditions de leur assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). La presse s'en est fait l'écho, au cours de l'été de 2015, révélant ainsi au grand jour le travail « au noir » pratiqué par le ministère de la justice. Le décret n° 2015-1869, publié au Journal officiel le 31 décembre 2015, a entériné l'exclusion du régime général des COSP du ministère de la justice, pour les affilier au régime social des indépendants. Le recours à cette mesure était déjà vivement critiqué dans le rapport de la mission interministérielle.

En effet, cette mesure repose sur une mauvaise interprétation des notions d'indépendance et de subordination. Un argument en faveur du rattachement au régime des indépendants est qu'aucun lien ne doit exister entre l'administration et le COSP, afin de garantir son émancipation de toute influence qui nuirait à l'objectivité de son travail. Ce raisonnement ne saurait constituer une raison valable, puisqu'il repose sur une confusion entre indépendance salariale et indépendance intellectuelle.

Il faut également rappeler que cette affiliation se fait contre la volonté des COSP, qui y voient, à juste titre, une importante perte de revenu, estimée à 40 % par expertise. Or, cette modification a été effectuée sans aucune revalorisation du coût de la prestation. Cette mesure entraîne donc une perte d'attractivité pour l'expertise judiciaire. Pour preuve : le nombre conséquent de démissions, de demandes de radiation ou de suspensions d'activité et même de refus de réquisition. Les déclarations relatives au délabrement des finances du ministère de la justice sont la preuve évidente que cette décision a été prise pour les seuls motifs budgétaires.

Cependant, force est de reconnaître que les missions des COSP experts judiciaires représentent une part importante du dénouement de nombreuses affaires. La situation actuelle porte, en elle, de véritables risques pour la qualité de la justice.

Aussi souhaiterait-elle savoir quelles sont les pistes de réflexion pour trouver un équilibre acceptable pour chacune des parties en présence.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage publiée le 12/10/2016

Réponse apportée en séance publique le 11/10/2016

Mme Marie Mercier. Ma question porte sur la situation des experts judiciaires, dits collaborateurs occasionnels du service public, les COSP.

Le 18 juillet 2014, un rapport de la mission interministérielle sur le statut des COSP a révélé que ceux-ci ne payaient pas de cotisations sociales et qu'ils percevaient des prestations non soumises à la TVA. La presse s'en est fait l'écho au cours de l'été de 2015, dévoilant le « travail au noir » pratiqué par le ministère de la justice.

À la suite de cette situation, le décret n° 2015–1869 du 30 décembre 2015 a affilié les COSP au régime social des indépendants, alors même que le recours à ce régime était critiqué dans le rapport de la mission interministérielle.

En effet, cette mesure repose sur une mauvaise interprétation des notions d'indépendance et de subordination.

Le rattachement au régime des indépendants serait censé garantir l'objectivité des COSP à l'égard de l'administration. Or ce raisonnement ne saurait constituer une raison valable puisqu'il s'appuie sur une confusion entre indépendance salariale et indépendance intellectuelle.

De plus, il faut rappeler que cette affiliation se fait contre la volonté des COSP, car elle entraîne une perte de revenus importante, estimée à 40 % par expertise. Cette mesure a donc pour conséquence une perte d'attractivité pour l'expertise judiciaire. J'en veux pour preuve le nombre important de démissions, de demandes de radiation ou de suspension d'activité, voire de refus de réquisition.

Les déclarations passées du garde des sceaux relatives au délabrement des finances du ministère de la justice expliqueraient-elles que cette décision ait été prise uniquement pour des motifs budgétaires ?

Vous en conviendrez, les missions des COSP, experts judiciaires, représentent une part importante du dénouement de nombreuses affaires.

Aussi, j'aimerais connaître les pistes de réflexion de M. le garde des sceaux pour trouver un équilibre acceptable pour chacune des parties en présence, à savoir le budget d'un ministère et une justice qui ne peut être que de qualité.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Madame la sénatrice, la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 prévoyait l'affiliation au régime général d'un grand nombre de collaborateurs occasionnels du service public, notamment de la justice, énumérés dans un décret du 17 janvier 2000 modifié.

La mise en œuvre de ce dispositif s'est révélée particulièrement complexe en raison du nombre important de collaborateurs de statuts différents travaillant pour l'institution judiciaire.

À la suite d'une mission d'inspection interministérielle, un décret du 30 décembre 2015 a cherché à définir une liste des collaborateurs occasionnels du service public de la justice, en se fondant sur ceux qui étaient considérés comme subordonnés à l'autorité judiciaire.

Un mouvement de mécontentement des professionnels concernés a marqué le début de l'année 2016. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a souhaité modifier le décret précité. Les discussions engagées par le ministère de la justice, le ministère des affaires sociales, le secrétariat d'État au budget et les organisations représentatives des professions concernées ont permis d'aboutir à un consensus matérialisé par le décret du 2 juin 2016. Aux termes de ce décret, sont désormais affiliés au régime général les médecins et les psychologues exerçant des activités d'expertises médicales, psychiatriques, psychologiques ou des examens médicaux, rémunérés sur frais de justice et qui ne sont pas affiliés à un régime de travailleurs non-salariés.

Parallèlement, et sous l'égide du ministère de la justice, d'importantes discussions ont été menées avec les représentants des professions de psychologue et psychiatre afin d'aboutir à une revalorisation de leur indemnisation en tenant compte, pour ceux qui ne seraient pas collaborateurs, du coût supplémentaire qu'ils devront assumer au titre des charges sociales.

Ce travail entamé depuis le mois de février dernier a permis de lever les blocages constatés dans les juridictions.

Cette réforme ambitieuse et nécessaire va donc permettre, à terme, de clarifier la situation fiscale et sociale de ces experts.

M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier.

Mme Marie Mercier. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de ces précisions, que je ne manquerai pas de relayer auprès des experts, mais aussi de mes collègues. Nous avons enfin un début de réponse à la question écrite que j'avais adressée le 17 décembre 2015. Je me ferai donc l'écho de vos propos.

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