Question de M. DESESSARD Jean (Paris - Écologiste) publiée le 04/05/2016

Question posée en séance publique le 03/05/2016

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, à qui j'adresse tous mes vœux dans ses fonctions de président du groupe écologiste !

M. Jean Desessard. Je vous remercie, monsieur le président.

L'entreprise EDF a annoncé vouloir procéder à une augmentation de capital de 4 milliards d'euros. L'État entend y participer à hauteur de 3 milliards d'euros. Ce plan de renflouement intervient alors que la dette du groupe atteint aujourd'hui 37,5 milliards d'euros.

En complément d'une telle augmentation de capital, l'entreprise compte réduire ses dépenses d'un milliard d'euros en 2019 par rapport à 2015, céder 10 milliards d'euros d'actifs jusqu'en 2020 et réduire de 2 milliards d'euros ses investissements jusqu'en 2018.

D'un point de vue purement arithmétique, on voit bien que le compte n'y est pas ! Les économies, en l'occurrence 13 milliards d'euros sur cinq ans, ne permettront pas de résorber une dette aussi colossale.

J'en viens à l'enjeu principal, celui du coût. Le nucléaire est de plus en plus cher à produire.

M. Jean Bizet. C'est faux !

M. Jean Desessard. Selon une étude de Greenpeace du mois de juin 2014, cela deviendra l'énergie la plus coûteuse dès 2025, avec 133 euros le mégawattheure. C'est bien au-dessus de toutes les énergies renouvelables, dont le prix serait compris entre 60 euros et 120 euros le mégawattheure. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Pourquoi s'entêter en faveur du nucléaire, qui ne peut manifestement pas être rentable dans un marché sur lequel le prix de vente en gros de l'électricité est passé de 40 euros le mégawattheure en 2015 à 30 euros aujourd'hui ?

Pourquoi continuer à investir massivement – je pourrais évoquer les 10,5 milliards d'euros à Flamanville, les 16 à 24 milliards d'euros pour Hinkley Point ou les 51 milliards d'euros dans le grand carénage – dans une énergie qui n'est plus rentable ?

Pourquoi l'État, qui, je le rappelle, détient 85 % du capital de l'entreprise, n'impulse-t-il pas dès aujourd'hui un changement responsable dans les orientations stratégiques d'EDF, en mettant résolument le cap vers le renouvelable et en cessant de promouvoir une énergie dangereuse, dépassée et coûteuse ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

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Réponse du Ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique publiée le 04/05/2016

Réponse apportée en séance publique le 03/05/2016

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Éric Doligé. Ah ! Il va nous dire la vérité !

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Monsieur Desessard, avec un raisonnement comme le vôtre, nous n'ouvririons plus que des centrales à charbon ! (Exclamations sur les travées du groupe écologiste.)

M. Gérard Longuet. En arrière toute !

M. Emmanuel Macron, ministre. Aujourd'hui, l'électricité, c'est 26 euros du mégawattheure, en raison de la baisse du coût du lignite et du charbon importé. Le rééquilibrage de l'économie mondiale est l'une des conséquences du gaz de schiste.

À l'exception du charbon importé, aucune production énergétique n'est rentable aujourd'hui !

M. Jean Bizet. Exact !

M. Emmanuel Macron, ministre. Ni le nucléaire, dont le coût cash est d'environ 30 euros du mégawattheure, ni les énergies renouvelables, ni le gaz ne sont rentables à court terme. Votre raisonnement ne tient donc pas !

Nous devons avoir une politique de long terme pour la production énergétique ; c'est la clé de notre souveraineté énergétique ! Cela va aussi avec une vision plus large sur le plan environnemental.

Le nucléaire ne règle pas tout. Le Gouvernement a précisément souhaité diminuer notre dépendance à son égard, mais de manière réaliste, en respectant notre souveraineté énergétique, sans sacrifier l'emploi, et en faisant monter en parallèle les énergies renouvelables. Encore faut-il le faire au bon rythme et en bon ordre ! C'est notre politique.

Le nucléaire permet de maintenir notre souveraineté. Nos voisins allemands dépendent actuellement du gaz russe, du charbon et de beaucoup d'autres formes d'énergie. Nous avons besoin du nucléaire, en complément des énergies renouvelables, qui vont progressivement monter en puissance.

La stratégie du groupe EDF et, évidemment, de l'État actionnaire est de renforcer les investissements sur le parc existant, de réinvestir pour une nouvelle génération de centrales, plus sûres.

M. le président. Il faut conclure.

M. Emmanuel Macron, ministre. Nous voulons aussi investir dans le renouvelable, qui va monter en capacité, à côté des sources d'énergie traditionnelles.

M. le président. Concluez, monsieur le ministre !

M. Emmanuel Macron, ministre. Le nucléaire est aujourd'hui au cœur de notre souveraineté énergétique. Il ne s'agit pas simplement de lui faire des déclarations d'amour ou de le conspuer. (Marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Grosdidier. Il n'est pas encore Premier ministre !

M. Emmanuel Macron, ministre. Il faut agir de manière organisée, comme nous le faisons, avec une vraie stratégie de refonte de la filière. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)

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