Question de M. ANTISTE Maurice (Martinique - Socialiste et républicain) publiée le 05/05/2016

M. Maurice Antiste attire l'attention de M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur la question des chèques dits « hors place », refusées quasi systématiquement par les commerçants et prestataires de services, en plus de la plupart des bailleurs et propriétaires.

Pour rappel, dans le jargon bancaire, il existe deux types de chèques : ceux qui sont émis à l'intérieur de la ville où le compte est domicilié, désignés communément comme des « chèques sur place », et les autres, « chèques hors place », émis à l'extérieur de cette ville. Avec l'avènement des systèmes d'échange entièrement informatisés, cette notion a évolué et il existe dorénavant un périmètre bancaire « géographique métropolitain » et un périmètre géographique hors métropole.

L'espace bancaire ultramarin (notamment de la Caraïbe) est ainsi considéré par le système bancaire métropolitain comme étranger, alors même qu'il dispose pour l'essentiel des mêmes enseignes bancaires. Il estime qu'il s'agit d'une atteinte illégitime au principe de la continuité territoriale des territoires ultramarins, en plus de constituer une pratique inégalitaire.

Cela pose par conséquent de nombreux et sérieux problèmes aux milliers de nos concitoyens ultramarins (jeunes et moins jeunes, avec ou sans emploi, étudiants partis faire leurs études dans l'hexagone) qui voient les bailleurs et propriétaires refuser quasi systématiquement tous leurs garants (cautions) à cause de la domiciliation de leurs comptes bancaires.

Cette « discrimination bancaire » basée sur les coordonnées géographiques du relevé d'identité bancaire (RIB) est un problème très important pour les Antillais parce qu'elle révèle une inégalité structurelle et est contraire à la valeur d'égalité si chère à notre République. Mais au-delà du seul domaine du logement, cette discrimination bancaire s'applique au quotidien pour tous les actes de la vie courante : logement donc, tout achat en ligne et en magasins ; elle conduit à l'obligation de payer le montant total des achats sans pouvoir bénéficier du paiement en trois ou dix fois sans frais (notamment quand il s'agit de se meubler), etc.

Le discours des citoyens ultramarins est celui-ci : « nous sommes Français, nous sommes souvent diplômés, nous travaillons souvent dans des administrations, nous sommes redevables de nos impôts… et pourtant nous sommes discriminés, nous sommes lésés et victimes d'un racisme structurel bancaire omniprésent au quotidien et qui nous porte grandement préjudice ! »

C'est pourquoi il souhaite savoir quelles mesures concrètes le Gouvernement entend mettre en place très rapidement concernant cette situation contraire à l'égalité réelle vers laquelle la France s'est engagée à aller par la voix du président de la République.

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Transmise au Ministère des finances et des comptes publics


Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des finances et des comptes publics, chargé du budget publiée le 20/07/2016

Réponse apportée en séance publique le 19/07/2016

M. Maurice Antiste. Ma question porte sur les chèques dits « hors place » et leur refus quasi systématique par les commerçants et les prestataires de services, en plus de la plupart des bailleurs et propriétaires.

Dans le jargon bancaire, on distingue deux types de chèques : les « chèques sur place », émis à l'intérieur de la ville où le compte est domicilié, et les « chèques hors place », émis à l'extérieur de cette ville. Avec l'avènement des systèmes d'échange entièrement informatisés, ces notions ont évolué et il existe dorénavant un périmètre bancaire géographique métropolitain et un périmètre géographique hors métropole.

L'espace bancaire ultramarin, notamment celui de la Caraïbe, est ainsi considéré par le système bancaire métropolitain comme étranger, alors même qu'il relève, pour l'essentiel, des mêmes enseignes bancaires. Cela constitue à mon sens, outre une pratique inégalitaire, une atteinte illégitime au principe de la continuité territoriale des territoires ultramarins.

Cela pose de nombreux et sérieux problèmes aux milliers de nos concitoyens ultramarins - jeunes et moins jeunes, avec ou sans emploi, étudiants partis faire leurs études dans l'Hexagone - qui voient les bailleurs et propriétaires refuser presque systématiquement tous leurs garants à cause de la domiciliation de leurs comptes bancaires.

Cette « discrimination bancaire » fondée sur les coordonnées géographiques du relevé d'identité bancaire est un problème très important pour nous, ultramarins, parce qu'elle révèle une inégalité structurelle et contrevient au principe d'égalité si cher à notre République.

Au-delà du seul domaine du logement, cette discrimination bancaire s'applique au quotidien dans tous les actes de la vie courante des ultramarins. Ainsi, pour tout achat en ligne ou en magasin, notamment de meubles, ils se trouvent contraints de payer le montant total, sans pouvoir bénéficier du paiement en trois ou dix fois sans frais.

Nos concitoyens ultramarins, monsieur le secrétaire d'État, sont Français, souvent diplômés, ils travaillent souvent dans l'administration, paient leurs impôts ; pourtant ils sont lésés par une discrimination bancaire structurelle et omniprésente, qui leur porte grandement préjudice au quotidien !

C'est pourquoi je souhaiterais savoir, monsieur le secrétaire d'État, quelles mesures concrètes le Gouvernement entend mettre en place très rapidement pour remédier à cette situation, contraire à l'égalité réelle vers laquelle la France s'est engagée, par la voix du président François Hollande, à tendre.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le sénateur Maurice Antiste, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Michel Sapin, qui participe ce matin au conseil des ministres et m'a chargé de vous répondre en son nom.

En premier lieu, s'agissant de l'espace bancaire ultramarin, je voudrais redire l'état du droit : la réglementation bancaire applicable dans les départements d'outre-mer est identique - sous la réserve de quelques spécificités concernant les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy - à celle qui s'applique aux établissements de crédit de métropole.

En particulier dans les départements d'outre-mer, le système bancaire ultramarin est composé d'établissements de crédit relevant, pour la plupart, de groupes dont la société mère a son siège social en métropole. Les places bancaires ultramarines appartiennent à la place bancaire nationale ; elles n'y sont pas étrangères.

Pour autant, votre question est légitime et vous avez décrit des difficultés connues dans la pratique, auxquelles le Gouvernement ne se résigne évidemment pas.

Le Défenseur des droits a pu intervenir, par le passé, à propos de plusieurs situations caractérisant un traitement discriminatoire fondé sur l'origine ultramarine des réclamants. Il a souligné que ces refus, constitutifs d'une atteinte au principe d'égalité de traitement, sont explicitement prohibés par l'article 22-1 de la loi modifiée n° 89-462 du 6 juillet 1989, qui dispose que « lorsqu'un cautionnement pour les sommes dont le locataire serait débiteur dans le cadre d'un contrat de location conclu en application du présent titre est exigé par le bailleur, celui-ci ne peut refuser la caution présentée au motif qu'elle ne possède pas la nationalité française ou qu'elle ne réside pas sur le territoire métropolitain ».

Dans l'hypothèse de pratiques susceptibles d'être discriminatoires, la possibilité est offerte à la personne qui s'estime lésée de saisir le Défenseur des droits ou même, le cas échéant, de recourir à la voie contentieuse.

En outre, comme vous le savez, le Gouvernement fait de la politique en faveur de l'inclusion sociale et de l'égalité entre tous les citoyens une priorité.

À cette fin, le projet de loi de programmation en faveur de l'égalité réelle outre-mer en préparation vise à apporter une réponse en matière de lutte contre les inégalités et les discriminations. Conformément à la communication en conseil des ministres du 18 mai 2016 sur la mise en œuvre de la politique en faveur de l'égalité réelle, ce projet de loi tendra notamment à renforcer la protection de ceux qui subissent la discrimination dans l'accès à l'emploi ou au logement, mais aussi dans la vie quotidienne.

Je ne doute pas que vous saurez, monsieur le sénateur, vous saisir de ce rendez-vous pour proposer des adaptations législatives si elles s'avéraient nécessaires. Le Gouvernement est prêt à y travailler et accueillera avec bienveillance d'éventuelles propositions d'amendement.

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