Question de M. LE SCOUARNEC Michel (Morbihan - Communiste républicain et citoyen) publiée le 12/05/2016

M. Michel Le Scouarnec attire l'attention de Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur le regroupement et la contractualisation des écoles rurales. En effet, une réorganisation du tissu scolaire dans les zones rurales est actuellement menée. Les préfets ont, ainsi, pour mission de faire signer des conventions « ruralités » aux élus locaux. Dans l'académie de Rennes, dont dépend le département du Morbihan, le recteur d'académie a déjà rencontré les présidents de communautés de communes du centre-ouest de la Bretagne, pour leur faire signer une convention qui restructure les écoles publiques du secteur. Or, en 2014, les services du ministère de l'éducation nationale demandaient déjà de travailler les projets éducatifs en lien avec les partenaires de l'école, en particulier les établissement publics de coopération intercommunale (EPCI), en envisageant de contractualiser, à moyen terme, un réseau renouvelé et une ambition éducative réaffirmée, afin de limiter, en restructurant le réseau, le nombre de petites écoles de une à trois classes, notamment dans le Morbihan. Or, il apparaît que le seul objectif poursuivi soit la fermeture des petites écoles publiques, sans tenir compte de l'avis des maires, en passant par le seul prisme de l'intercommunalité. Une telle stratégie s'inscrit clairement dans une volonté de regroupement des écoles et de contractualisation sur un territoire, sans concertation avec les premiers acteurs et sans tenir compte des spécificités locales et des besoins. C'est pourquoi il lui demande de préciser ses intentions en la matière et de lui indiquer les mesures envisagées en faveur des écoles rurales.

- page 1954


Réponse du Secrétariat d'État, auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification publiée le 01/07/2016

Réponse apportée en séance publique le 30/06/2016

M. Michel Le Scouarnec. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la classe à cours unique a été érigée en modèle dans notre pays. Née au XIXe siècle, elle a été plébiscitée dans les villes, alors que les classes multiniveaux, très fréquentes dans nos communes rurales, étaient peu appréciées en milieu urbain.

Cette dernière appréciation retrouve aujourd'hui toute sa vigueur, pour justifier notamment la fermeture de petites écoles. En effet, l'administration a pour mission de proposer des conventions dites ruralité aux élus locaux, afin de restructurer l'offre d'enseignement de leur secteur.

Or, en 2014, les services du ministère de l'éducation nationale donnaient déjà mission aux recteurs d'académie de « travailler les projets éducatifs en lien avec les partenaires de l'école, en particulier les EPCI, en envisageant à moyen terme un réseau renouvelé [...] afin de limiter [...] le nombre de petites écoles de une à trois classes », situation particulièrement répandue dans le Morbihan.

Ainsi, l'objectif poursuivi est celui de la réduction du nombre de petites écoles, sans tenir compte, bien souvent, de l'avis des maires. Une telle stratégie ne devrait pourtant pas être conduite sans concertation avec les enseignants, les parents d'élèves et les élus, et sans tenir compte des spécificités et des besoins locaux.

Pas moins de 77 écoles morbihannaises, membres d'un réseau d'écoles rurales, sont ainsi touchées. La subvention versée par le conseil départemental au réseau des dix-neuf écoles rurales du pays du Roi Morvan vient d'être annulée au motif des dispositions de la loi NOTRe visant la prise en charge des frais de transport par les régions. Or les activités financées par le réseau ne se limitent pas aux seuls déplacements des élèves : des projets culturels ne pourront voir le jour, faute de cette subvention.

Pourtant, depuis les années 1990, toutes les études menées mettent en évidence la plus grande efficacité pédagogique des classes à plusieurs niveaux.

Moi-même instituteur, j'ai commencé ma carrière dans une classe unique de vingt et un élèves à Guern, près de Pontivy, avant de la poursuivre, à Lignol, dans des classes à trois niveaux ; j'ai pu constater l'intérêt d'un maillage dense d'écoles en milieu rural.

Il n'est pas question de revenir en arrière. Pour autant, la redéfinition du périmètre de scolarisation ne devrait se faire que dans le seul objectif d'améliorer les conditions de scolarité des élèves, afin de leur garantir les meilleures chances de réussite et d'épanouissement.

Dans le Morbihan, une école sur sept et un écolier sur dix relèvent d'un réseau d'écoles rurales. Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'État, que vous précisiez la teneur des projets que le Gouvernement entend mettre en œuvre, dans le cadre de la politique d'aménagement du territoire, pour l'école en milieu rural.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification. Monsieur le sénateur Michel Le Scouarnec, vous le savez, les nouvelles modalités de répartition des moyens entre les académies prennent désormais en compte le caractère rural des territoires. J'y suis particulièrement attaché. Certes, comme Annick Billon pourra vous l'apprendre, mes grands-parents sont originaires de la Sarthe, mais j'ai eu également l'occasion de connaître Lignol, dans le Morbihan, car mes parents possédaient, sur ce territoire particulièrement remarquable, chaleureux et accueillant, une maison de campagne. (Sourires.)

Des postes sont ainsi spécifiquement attribués au titre des conventions ruralité, permettant de préserver, malgré la tendance démographique, tout ou partie des postes d'enseignants. Votre collègue Alain Duran a remis à la ministre de l'éducation nationale un excellent rapport sur ce sujet.

S'agissant plus particulièrement du Morbihan, comme vous venez de le rappeler, monsieur le sénateur, son réseau d'écoles publiques est caractérisé par une proportion importante de petites écoles, dont plus de la moitié, localisées en grande partie dans les zones rurales et isolées du département, a quatre classes ou moins.

Dans ces mêmes zones, le réseau privé s'est organisé de longue date en regroupements pédagogiques intercommunaux, ce qui évite les classes multiniveaux ainsi que l'isolement pédagogique des maîtres, tout en favorisant la stabilité des équipes pédagogiques. Malgré tout, la baisse du nombre d'enfants en âge de scolarisation contraint le réseau privé lui-même à fermer des écoles.

Pour lutter contre les fragilités du réseau scolaire dans un contexte de baisse démographique dans certains territoires, des conventions ruralité sont en cours de négociation avec les associations de maires ruraux. Ces conventions fondées sur le principe d'un appel à projets visent à réorganiser le réseau des écoles, l'objectif étant la qualité du service offert aux familles et aux élèves. Ces accords ont aussi pour objet de maintenir les postes d'enseignants et d'installer des directions d'école multisites permettant aux directeurs de bénéficier d'un ou de plusieurs jours de décharge, et d'être ainsi plus disponibles pour mener à bien le développement du projet de territoire et assurer le lien avec les familles et les élus.

Vous le constatez, monsieur le sénateur, le ministère de l'éducation nationale est soucieux de promouvoir une école rurale de qualité et un partenariat nouveau avec les élus. Sa volonté est de faire exister, dans ce département du Morbihan, mais aussi, de façon générale, dans tous les départements ruraux, un réseau de service public de l'éducation pérenne, contribuant efficacement à la réussite des élèves.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État. Elle ne me satisfait que partiellement. De nombreux maires et élus sont aujourd'hui insatisfaits. Je reconnais toutefois que l'attribution d'une décharge aux directeurs exerçant dans plusieurs écoles est une bonne idée.

Mais les enjeux sont importants et ne pourront être traités qu'en concertation très étroite avec les élus de chaque commune, les enseignants et les citoyens des territoires.

Je vous rappelle, monsieur le secrétaire d'État, que le réseau d'écoles rurales est une organisation pédagogique qui fonctionne. Les écoles ont déjà développé une habitude de travail en équipe, afin de lutter contre l'isolement des élèves et des enseignants, de mettre en place de nouvelles activités et de favoriser la réussite scolaire et l'épanouissement des enfants.

Il faudrait peut-être - je défends cette idée depuis longtemps - revoir la grille d'ouverture et de fermeture des classes en milieu rural. Les données n'y sont pas les mêmes que dans les villes où, la plupart du temps, les classes sont à cours unique. Une nouvelle grille serait nécessaire, dans bien des cas, pour sauver l'école rurale. La concentration de l'offre scolaire dans les pôles urbains n'est pas une bonne idée et ne saurait contribuer à un aménagement harmonieux du territoire. La fermeture des écoles dans les bourgs ruraux revient à appauvrir encore davantage des secteurs qui se sentent déjà éloignés des services publics.

L'absence de services publics, d'écoles, d'offre culturelle ou sportive, fait d'ailleurs, dans les communes rurales, le lit du Front national, comme j'ai pu le constater à l'occasion des dernières élections.

C'est une véritable alerte que lancent tous les acteurs concernés à propos de cette stratégie manifeste de regroupement et de contractualisation des écoles sur un territoire donné, dont l'un des effets est de transférer aux élus la responsabilité de gérer et d'assumer les conséquences de la carte scolaire - je pense aux déplacements, qui sont coûteux pour les communes et, surtout, source de fatigue pour les enfants.

C'est inefficace et inacceptable !

Si les regroupements signifient une économie pour l'État, ils signifient aussi, pour nos territoires ruraux, la désertification. L'école, c'est la vie au village ; c'est le savoir ! Voilà précisément ce que vous allez fragiliser, monsieur le secrétaire d'État, au risque de sa disparition !

- page 12039

Page mise à jour le