Question de M. de NICOLAY Louis-Jean (Sarthe - Les Républicains) publiée le 19/05/2016

M. Louis-Jean de Nicolaÿ attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur les problématiques phytosanitaires touchant les buis, essence majeure des jardins à la française, et, plus particulièrement, sur le cylindrocladium, champignon qui les décime littéralement et contre lequel aucune solution biologique n'existe aujourd'hui.

En effet, en l'état actuel de la connaissance scientifique, il n'existe que deux possibilités pour éviter leur disparition : remplacer tous les buis par des espèces plus résistantes, étant précisé que la recherche est en cours et que de nouvelles variétés sont à l'essai et en voie d'introduction dans la filière horticole mais à échéance de plusieurs années, ou le traitement préventif et curatif par fongicide homologué (ce que font actuellement tous les jardins comportant des buis).

Or, ces deux solutions se heurtent au cadre législatif actuel, c'est à dire la loi n° 2014-110 du 6 février 2014 visant à mieux encadrer l'utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national, modifiée par l'article 68 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui interdit, à partir du 1er janvier 2017, l'usage des produits phytopharmaceutiques par les personnes publiques pour l'entretien des espaces verts, promenades, forêts, accessibles ou ouverts au public et relevant de leur domaine public ou privé, mais aussi pour les personnes privées à plus large échéance.

Parallèlement, les dispositions du code rural et de la pêche maritime donnent compétence au ministère pour inscrire, par voie d'arrêté, les organismes nuisibles reconnus comme étant des dangers sanitaires pour les végétaux, et à l'encontre desquels des dérogations de traitement sont envisageables.

Dans la mesure où le cylindrocladium ne fait pas partie de la liste des « organismes nuisibles aux végétaux soumis à des mesures de lutte obligatoire, de façon permanente, sur tout le territoire » établie par le dernier arrêté en date du 31 juillet 2000, dans sa version en vigueur du 4 mai 2016, le cadre des dérogations prévu ne peut lui être applicable.

Il est cependant urgent d'intervenir sur la menace que ce champignon représente pour la survie des buis et dont l'impact sur les jardins au niveau culturel, économique, touristique (en termes de fréquentation mais aussi d'emplois) sera désastreux si rien n'est engagé.

Au surplus, éléments du patrimoine classé au titre des monuments historiques, les buis en question doivent faire l'objet d'une préservation ou, à tout le moins, d'un entretien.

Aussi, au vu de ces éléments ainsi que de l'urgence actuelle, souhaite-t-il connaître sa position sur ce sujet, ainsi que les aménagements et mesures concrètes qu'il entend mettre en place le cas échéant, notamment intégrer ce champignon à la liste des nuisibles bénéficiant des dérogations prévues.

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 12/10/2016

Réponse apportée en séance publique le 11/10/2016

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Monsieur le ministre, je tiens à vous alerter sur la délicate question de la préservation des buis. La situation est très alarmante. En effet, de Versailles à Vaux-le-Vicomte, en passant par nombre de jardins très connus, les massifs de buis, qui font la renommée des jardins à la française, sont littéralement décimés par la pyrale et deux maladies du dépérissement liées à des champignons.

J'insiste plus particulièrement sur le champignon nommé cylindrocladium, contre lequel aucune solution biologique n'existe aujourd'hui, ni en préventif, ni en curatif.

En l'état actuel de la connaissance scientifique, il n'existe que deux possibilités pour éviter la disparition des buis : les remplacer tous par des espèces plus résistantes, ou les traiter par fongicide homologué, ce que font actuellement tous les jardins comportant des buis.

Or ces deux solutions se heurtent au cadre législatif actuel et au calendrier qui en découle, puisque sera interdit, à partir du 1er janvier 2017, l'usage des produits phytopharmaceutiques par les personnes publiques pour l'entretien des espaces verts accessibles ou ouverts au public et relevant de leur domaine public ou privé, mais aussi pour les personnes privées à plus longue échéance.

Il est cependant urgent d'intervenir sur la menace que ce champignon représente pour la survie des buis, et dont l'impact sur les jardins au niveau culturel, économique, touristique, en termes de fréquentation, mais aussi d'emplois, sera désastreux si rien n'est engagé. Un communiqué de l'Agence France-Presse du 9 septembre dernier s'en émeut d'ailleurs largement.

Je rappelle par ailleurs qu'en tant qu'éléments du patrimoine classé au titre des monuments historiques, les buis en question doivent faire l'objet d'une préservation ou, à tout le moins, d'un entretien.

Au vu de ces éléments ainsi que de l'urgence actuelle, je me permets donc de vous interroger sur les solutions qui pourraient être envisagées, même à titre transitoire, pour remédier à ce fléau, notamment l'inscription, par voie d'arrêté, comme le code rural et de la pêche vous en donne compétence, du cylindrocladium sur la liste des « organismes nuisibles aux végétaux […] soumis à des mesures de lutte obligatoire, de façon permanente, sur tout le territoire » ; voire l'autorisation à titre dérogatoire de produits phytopharmaceutiques homologués en faible quantité pour le combattre à titre préventif.

En tout état de cause, je reste persuadé, au regard de l'approche que vous préconisiez dans votre courrier du 11 mars dernier à mes collègues députés et relatif aux néonicotinoïdes, que vous êtes ouvert à trouver le meilleur compromis tant que des mesures de biocontrôle n'existent pas.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, cher Louis-Jean, nous venons tous les deux de ce beau département de la Sarthe. Dans les jardins du château du Lude, on trouve des buis.

Je sais que vous êtes sensible, comme chacun, aux deux problèmes que l'on rencontre aujourd'hui avec les buis. J'ai moi-même été saisi à plusieurs reprises sur ces sujets, que sont, d'une part, la pyrale – j'ai pu en observer les conséquences catastrophiques sur les buis du Vercors lors d'un déplacement récent –, et, d'autre part, le champignon que vous avez cité, responsable de la cylindrocladiose, qui touche les buis de manière très dure.

Comme vous l'avez dit, nous disposons de deux moyens d'action.

Tout d'abord, nous devons essayer de faire en sorte que les essences de buis soient plus résistantes – on doit travailler sur un certain nombre de pistes –, éviter les plus fragiles et favoriser les plus résistantes. Mais cela ne résout pas la virulence des attaques que nous connaissons aujourd'hui.

Sur ce sujet, vous l'avez très bien dit, il faut privilégier la lutte intégrée par le biocontrôle, et des méthodes plus naturelles comme le développement de parasites permettant de lutter contre les parasites du buis. L'INRA dispose déjà de résultats encourageants, notamment en matière de lutte contre la pyrale du buis, que je vous transmettrai. Je souhaite développer rapidement, avec les Directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, les DRAAF, et les Fédérations régionales de défense contre les organismes nuisibles, les FREDON, des stratégies pour permettre la diffusion de ces pratiques nouvelles, qui, semble-t-il, donnent de bons résultats sur la pyrale et pourraient aussi, je l'espère, avoir un impact sur la cylindrocladiose.

Après la loi « Labbé », qui visait à interdire l'utilisation de phytosanitaires pour les amateurs d'ici à 2020, la loi sur la transition énergétique a interdit l'utilisation de phytosanitaires par les collectivités locales d'ici à 2017, et pour les amateurs, d'ici à 2019. Ces échéances, en particulier celle de 2017, nous laissent très peu de temps pour trouver des stratégies de lutte alternatives à base de biocontrôle, et peut-être faudra-t-il autoriser le recours à des doses extrêmement faibles de phytosanitaires durant ces périodes transitoires pour sauver les buis et les jardins à la française, qui, vous l'avez rappelé, font partie de notre patrimoine.

Monsieur le sénateur, je vous envoie donc les premiers résultats de l'INRA, et d'ici à la fin de l'année, j'aurai l'occasion de revenir sur la meilleure stratégie que l'on devra adopter afin de protéger les buis de France.

M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Je remercie M. le ministre de sa réponse.

Concernant la pyrale, la nouvelle stratégie de lutte que vous avez évoquée a déjà des effets reconnus.

Concernant le champignon, je crois que le dialogue est important. Il faudra, si cela est nécessaire, continuer, pendant au moins quelques années, les traitements à titre préventif, sinon les dégâts pourraient en effet être irréparables pour l'ensemble des jardins.

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