Question de Mme COHEN Laurence (Val-de-Marne - Communiste républicain et citoyen) publiée le 05/05/2016

Mme Laurence Cohen interroge M. le ministre de l'intérieur à propos des violences policières qui sont perpétrées, depuis plusieurs semaines, lors des manifestations contre le projet de loi n° 3600 (Assemblée nationale, XIVe législature) visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs.

Elle tient à rappeler que l'essentiel des salariés et des jeunes font usage, à ces occasions, de leur droit de manifester de manière pacifique, au sein de cortèges organisés en lien avec les force de l'ordre, les parcours de manifestations ayant été déposés en préfecture.

Si l'intervention des forces de l'ordre semble totalement justifiée face à des groupes d'individus minoritaires, étant identifiés comme étant des « casseurs », et particulièrement motivés pour faire dégénérer ces manifestations pacifiques, il est inquiétant de constater que certains policiers en profitent pour se laisser aller à des débordements dont les cibles sont des manifestants et non des casseurs. C'est d'autant plus incompréhensible que ces groupes minoritaires, particulièrement organisés et renseignés, se trouvent écartés du reste des manifestants, des cortèges organisés par des organisations syndicales et de jeunesses reconnues d'utilité publique.

L'utilisation des gaz lacrymogènes et grenades assourdissantes, contre l'ensemble des
manifestants, ne semble ainsi aucunement justifiée, d'autant que beaucoup de lycéens mineurs défilent dans les cortèges, ainsi que des familles avec des enfants. Ce sont des dizaines de personnes qui ont en effet été blessées (attestations du corps médical faisant foi).
Cette escalade de violences est lourde de dangers et elle déplore que des policiers en soient eux-mêmes victimes.

C'est pourquoi elle l'interroge pour savoir quelles dispositions il compte prendre, d'une part, pour créer les conditions afin que les forces de police ne soient pas utilisées de manière provocatrice tout au long des parcours mais plutôt en renfort pour faire face à d'éventuels débordements et, d'autre part, pour isoler les casseurs bien repérables dans les défilés.
Elle demande également si des sanctions seront prises contre les policiers ayant commis des abus.

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 02/03/2017

Corollaire de la liberté d'expression, le droit de manifester est une liberté garantie par la Constitution et par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les services d'ordre mis en place par les forces de sécurité de l'État ont pour but d'assurer la sécurité des biens et des personnes et donc le libre exercice de ce droit. En revanche, dans un État de droit où les opinions peuvent librement s'exprimer, les violences ou exactions de toutes sortes qui peuvent se produire en marge de manifestations sont inacceptables. Policiers et gendarmes sont chargés de protéger les libertés publiques autant que de faire respecter l'ordre public. En matière de violences et de maintien de l'ordre, il n'y a donc pas de place pour le laxisme ou la complaisance. Tout en agissant de manière responsable, l'État doit en effet être intransigeant pour faire respecter l'ordre républicain, par exemple face aux casseurs. Le rôle des forces de l'ordre est, chaque fois que nécessaire et dans le respect rigoureux du droit et notamment des personnes, d'intervenir pour mettre fin aux dérives violentes. Ces exigences s'appliquent à toutes les manifestations, quelles qu'elles soient. Il en a ainsi été pour les manifestations du printemps 2016 contre la loi « travail », pour lesquelles le ministre de l'intérieur a donné aux forces de l'ordre des consignes claires et constantes relayées par les préfets : garantie du droit de manifester librement et en toute sécurité, usage proportionné de la force publique pour assurer la sécurité des manifestants et des riverains et interpellation systématique des casseurs. Ces instructions ont été transmises au Parlement. Des violences et des dégradations inadmissibles se sont produites à plusieurs reprises en marge des manifestations. La réaction de l'État a été déterminée. L'application des consignes données par le ministre de l'intérieur a permis d'interpeller entre mars et juin près de 1 800 individus. La distinction entre manifestants pacifiques et casseurs a constamment été opérée. Plus de 550 policiers et gendarmes ont été blessés dans le cadre de ces actions d'interpellations et de rétablissement de l'ordre public. À plusieurs reprises, les forces de l'ordre ont en effet été volontairement et violemment prises à partie par des activistes de l'ultra-gauche qui cherchaient volontairement l'affrontement et exprimaient parfois une véritable volonté de « casser » du policier. Les forces de l'ordre ont aussi été mises en cause de manière particulièrement scandaleuse et insupportable, notamment par voie de tracts. Le Gouvernement a condamné avec la plus grande fermeté ces agissements. Sa détermination à faire respecter l'ordre républicain, dans le strict respect des principes du droit, a été constante et totale. Policiers et gendarmes ont agi avec un professionnalisme et un sang-froid remarquables pour assurer la sécurité des citoyens et des manifestants, alors même qu'ils doivent assumer depuis plusieurs mois des missions extrêmement lourdes, qui s'ajoutent à leurs missions quotidiennes de lutte contre la délinquance : lutte contre le terrorisme, état d'urgence, Euro 2016, crise migratoire, etc. Dans le contexte toujours difficile et délicat du maintien de l'ordre, les forces de l'ordre ont, chaque fois que cela s'est avéré nécessaire et conformément au droit, fait usage de la force, de manière graduée et proportionnée, dans le respect des libertés individuelles et publiques. Elles ont agi dans le cadre des instructions rappelées plus haut, avec toutes les précautions nécessaires, et avec pour objectif de protéger, de prévenir les violences et d'interpeller les fauteurs de troubles. Dans la majorité des cas, le travail d'anticipation et l'action des forces de l'ordre sur le terrain ont permis de prévenir les débordements et ont ainsi permis à tous ceux qui le souhaitaient de manifester librement. Les incidents, très rares, qui ont pu se produire en matière d'emploi de la force font l'objet d'enquêtes. Le ministre de l'intérieur est particulièrement attentif à ce que les forces de l'ordre agissent toujours dans le strict respect du cadre légal et de la déontologie. Aucun écart de conduite n'est toléré et les fautes, lorsqu'elles sont établies, font l'objet d'une politique disciplinaire particulièrement rigoureuse. Il convient à cet égard de rappeler que les forces de police et de gendarmerie sont soumises à un contrôle étroit et exigeant de nature hiérarchique et judiciaire ainsi qu'à un contrôle exercé par diverses autorités indépendantes. Depuis des mois, policiers et gendarmes témoignent d'une mobilisation exceptionnelle pour faire respecter l'ordre républicain et pour protéger nos concitoyens, notamment durant les manifestations du printemps 2016, dans un contexte particulièrement difficile. Des dizaines d'entre eux ont été blessés au cours de ce mouvement social. Leur engagement sans faille, leur courage et leur professionnalisme doivent être salués et méritent la reconnaissance de la Nation.

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