Question de M. WATRIN Dominique (Pas-de-Calais - Communiste républicain et citoyen) publiée le 01/06/2016

Question posée en séance publique le 31/05/2016

M. Dominique Watrin. Madame la ministre du travail, depuis trois mois maintenant, le Président de la République, le Gouvernement et vous-même êtes arc-boutés sur un texte massivement rejeté par la population, plus massivement encore par les salariés, et qui n'a d'ailleurs pas réuni de majorité à l'Assemblée nationale.

Vous êtes passés en force en utilisant l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, et ce avant même l'examen de l'article 2, article par lequel, via l'inversion de la hiérarchie des normes, le salarié serait placé seul ou presque face au patron. Madame la ministre, il faut savoir reconnaître les faits : la colonne vertébrale de votre texte, l'article 2, constitue un véritable retour en arrière, et un très mauvais coup contre les salariés.

L'article 2, c'est en effet la possibilité que des accords d'entreprise soient défavorables aux salariés en matière d'aménagement du temps de travail – il s'agit de choses très concrètes : le temps d'habillage, le travail effectif, la pose des congés ou la fixation des jours fériés chômés. C'est la vraie vie des salariés, leur quotidien, qui est concerné !

Madame la ministre, il est temps, grand temps, d'écouter le pays et de cesser les invectives. L'article 2 doit être retiré !

Mon intervention s'adresse aussi à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ah !

M. Dominique Watrin. Il faut immédiatement suspendre le débat parlementaire et ouvrir au plus vite de vraies négociations, pour un code du travail de progrès et de justice sociale ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

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Réponse du Ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social publiée le 01/06/2016

Réponse apportée en séance publique le 31/05/2016

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le sénateur Watrin, vous avez cosigné, avec les membres de votre groupe, dès le stade de l'examen en commission, dix-neuf amendements visant la suppression de pas moins de dix-neuf articles sur les cinquante-quatre que comprend le projet de loi que je m'apprête à défendre devant la Haute Assemblée.

Nous avons des désaccords de fond ; ces désaccords traversent aussi le monde syndical. Assumons-les, sereinement, mais clairement !

Nous croyons en effet à la modernisation du dialogue social dans notre pays. Comment croire que les intérêts des salariés, s'agissant de sujets aussi structurants que ceux qui touchent à leur quotidien, ne seront pas mieux défendus au plus près de l'entreprise, sur le fondement d'accords majoritaires négociés avec leurs représentants syndicaux ? (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Éliane Assassi. Vous ne croyez même pas à ce que vous dites ! Le XIXe siècle, c'est fini !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Pourquoi taire toutes les avancées en direction des salariés contenues dans ce projet de loi ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Absolument !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Elles sont nombreuses : lutte contre les fraudes au détachement - je participais hier, avec le Premier ministre, à la Commission nationale de lutte contre le travail illégal -, amélioration du compte personnel d'activité, reconnaissance d'un droit à la déconnexion, modernisation de la médecine du travail !

Nous avons donc un véritable désaccord de fond, monsieur Watrin. Mais la droite sénatoriale a elle aussi déposé, en commission, des amendements au projet de loi.

L'une des mesures phares proposées concerne la durée légale hebdomadaire du travail : celle-ci pourrait, par accord d'entreprise, être portée à 40, 41, 42 heures ! À défaut d'accord, elle serait fixée à 39 heures.

Certes, monsieur Watrin, comme je l'ai dit, nous avons un désaccord de fond s'agissant de la négociation collective. Je crois cependant que nous saurons nous mettre d'accord pour combattre les propositions qui émanent de la droite de cet hémicycle. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains ainsi que sur les travées du groupe CRC. - Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.)

Vous n'avez pas le monopole de la protection des salariés, et ce projet de loi est un outil pour moderniser notre modèle social ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour la réplique.

M. Dominique Watrin. Madame la ministre, la réalité est que ce texte n'a pas été négocié : il est imposé autoritairement sur demande du patronat et de Bruxelles.

Le débat au Sénat - nous le mènerons ! - soulignera d'ailleurs votre connivence avec la droite sur l'article 2. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Nous avons bien lu votre projet de loi, et s'il y a blocage aujourd'hui, c'est de votre fait !

Ne croyez pas, madame la ministre, que les salariés qui sont dans la rue n'ont pas lu votre texte ou n'y ont rien compris ! Nous vous démontrerons, à travers plusieurs centaines d'amendements, que votre projet de loi, en prônant l'inversion de la hiérarchie des normes, constitue un retour en arrière. (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Dominique Watrin. Saisissez les perches qui vous sont tendues ! Engagez enfin une vraie négociation ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

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