Question de M. DÉTRAIGNE Yves (Marne - UDI-UC) publiée le 01/06/2016

Question posée en séance publique le 31/05/2016

M. Yves Détraigne. L'article 45 de la Constitution prévoit, pour l'examen d'un projet de loi, deux lectures dans chaque chambre, la procédure accélérée étant une exception...

Pour ce qui concerne le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, le Gouvernement refuse qu'il y ait deux lectures dans chaque assemblée, alors que, depuis la première lecture qui a eu lieu au Sénat au mois de novembre 2015, l'Assemblée nationale a ajouté cinquante-cinq articles, dont trente-sept d'origine gouvernementale, à un texte qui en comptait initialement cinquante-quatre.

Certaines des nouvelles dispositions vont modifier considérablement notre organisation judiciaire en bouleversant des pans entiers de notre droit civil ou pénal : divorce par consentement mutuel sans juge, suppression du juge d'instruction quand il n'y a pas de pôle d'instruction, mesures contre la conduite sans permis et sans assurance, changement d'état civil pour les transgenres, etc.

Comment peut-on admettre que le Sénat ne puisse pas discuter de mesures nouvelles aussi importantes et doive accepter de voir figurer dans une loi touchant à la justice – élément majeur de régulation de notre société – 50 % de dispositions dont il n'aura pas débattu ?

Il n'est pas acceptable que les sénateurs découvrent autant de mesures nouvelles sur des sujets aussi sensibles en commission mixte paritaire. Nous avons vraiment le sentiment que le Gouvernement fait bien peu de cas de l'avis du Sénat

Monsieur Premier ministre, monsieur le garde des sceaux, comptez-vous entendre notre demande et revenir sur cette décision, afin de permettre une deuxième lecture devant la Haute Assemblée, et témoigner ainsi de votre attachement au bicamérisme et à l'ensemble de la représentation parlementaire ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 01/06/2016

Réponse apportée en séance publique le 31/05/2016

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, le processus législatif se joue à trois : Assemblée nationale, Sénat et Gouvernement. Chacun exerce naturellement la plénitude de ses prérogatives. Le Gouvernement a déposé le projet de loi que vous avez évoqué le 31 juillet sur le bureau du Sénat. Il a choisi de saisir d'abord le Sénat de l'examen de ce texte : c'est une marque de considération à l'égard de votre assemblée. Ce projet de loi, vous l'avez souligné, comptait initialement cinquante-quatre articles.

Sous votre responsabilité, monsieur le sénateur, la commission des lois du Sénat a adopté un grand nombre d'amendements visant à confier des compétences nouvelles en matière d'organisation judiciaire. Vous avez introduit des articles nouveaux. Le texte est ainsi passé de cinquante-quatre à soixante-trois articles. Le Sénat, au cours de son travail légitime, a abrogé de nombreuses dispositions du Gouvernement et a inscrit dans le texte des mesures nouvelles. Je pense, par exemple, à la mutualisation des greffes, qui a immédiatement suscité l'opposition unanime de tous les syndicats dans les juridictions.

La commission des lois du Sénat a même été jusqu'à conserver - et je l'en remercie - le titre initial du projet de loi, à savoir « Projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle ». Cependant, je le rappelle, après le vote de la Haute Assemblée, le texte s'intitulait : « Projet de loi relatif à l'action de groupe et à l'organisation judiciaire ». C'est donc très naturellement que, le 6 octobre dernier, la commission des lois de l'Assemblée nationale, sous la responsabilité de ses deux rapporteurs, Jean-Yves Le Bouillonnec et Jean-Michel Clément, a examiné de nouveaux amendements et a prévu un accroissement des compétences.

Je reconnais sans aucune difficulté que le Gouvernement a apporté sa contribution au processus. Effectivement, le projet de loi comporte aujourd'hui un peu plus de cent articles. Nous avons donc deux textes : un texte voté par le Sénat, très différent de celui qu'avait déposé le Gouvernement, et un texte voté par l'Assemblée nationale, très différent de celui du Sénat.

Il me paraît légitime, puisque les deux textes ont été adoptés à une très large majorité dans chaque assemblée, qu'une commission mixte paritaire se réunisse maintenant. Cela permettra aux sénateurs et aux députés de discuter de nouveau du texte, avant une éventuelle nouvelle lecture. Bref, le processus législatif suit très normalement son cours, monsieur le sénateur. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. - Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

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