Question de M. BOUCHET Gilbert (Drôme - Les Républicains) publiée le 02/06/2016

M. Gilbert Bouchet attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur les difficultés financières du tribunal de Valence du fait du manque de rigueur de l'État dans le versement des dotations pour l'aide juridictionnelle. N'ayant pas reçu la dotation escomptée, ce tribunal se trouve, depuis le 1er mai, en cessation de paiement et ne peut régler les missions des avocats : situation qui provoque également des difficultés pour ces derniers. Pour beaucoup d'entre eux, cette activité représente 80 % de leur chiffre d'affaire. De plus, avec l'augmentation du plafond de ressources permettant l'accès à cette aide, on assiste à un accroissement du nombre des affaires. Aussi souhaiterait-il connaître les causes de ces retards de versement des dotations qui compromettent le bon fonctionnement de ce tribunal, pour rendre une justice efficace et pour que les avocats puissent continuer à exercer leur profession.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargé des relations internationales sur le climat, chargé de la biodiversité publiée le 16/11/2016

Réponse apportée en séance publique le 15/11/2016

M. Gilbert Bouchet. Ma question porte sur les difficultés financières rencontrées par l'ordre des avocats au barreau de Valence, dans le département de la Drôme, du fait d'un manque de rigueur de l'État dans le respect de ses obligations de financement, notamment en ce qui concerne l'aide juridictionnelle.

Ce manque de rigueur se constate en premier lieu dans le versement des dotations. Ce dernier a souvent du retard : par exemple, si l'on considère l'année écoulée, dès le mois de janvier dernier, l'ordre des avocats au barreau de Valence n'avait plus de crédits pour assurer l'aide juridictionnelle au titre du premier trimestre de 2016.

Ce manque de rigueur se traduit également dans le calcul du montant attribué. Chaque année, la dotation est calculée en fonction de l'année précédente ; pour l'ordre des avocats au barreau de Valence, cette somme s'élevait à 2,4 millions d'euros et devait être versée en trois fois. Or le premier tiers versé a été inférieur de moitié à celui de l'an passé, ce qui a entraîné d'énormes difficultés de gestion puisque, dès le début de l'année, il ne restait qu'une somme modique à l'ordre des avocats pour régler les missions de l'aide juridictionnelle en cours. Ainsi, au 1er mai dernier, l'ordre se trouvait en cessation de paiement.

La situation est identique pour le paiement des diligences de gardes à vue, pour lesquelles, au mois de mai dernier, on comptabilisait seulement 12 euros, ce qui ne permettait plus au barreau de régler les missions des avocats intervenus pour assister les personnes placées en garde à vue.

Certes, madame la secrétaire d'État, le versement d'une seconde dotation est intervenu ensuite, mais cette absence de régularité, tant dans le montant versé que dans la périodicité, nuit au bon fonctionnement de la justice.

Par ailleurs, au-delà des retards dans le versement de ces dotations, se pose le problème du montant réglé pour cette mission. À titre de comparaison, alors que le montant moyen versé à l'avocat s'élève à 350 euros en France, il atteint 1 450 euros en Irlande. Il faut convenir que ce montant reste faible, même si une augmentation de 1 % à 1,5 % est théoriquement prévue. Ajoutons que la régularité du versement ne sera pas davantage assurée…

Cette situation est cause de difficultés importantes pour beaucoup de cabinets car, comme vous le savez peut-être, dans la Drôme, le chiffre d'affaires de certains d'entre eux résulte à 80 % de l'exercice de cette mission.

Le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Valence m'a fait part de ses inquiétudes, eu égard notamment aux problèmes financiers rencontrés par les cabinets d'avocats de son ressort. Pour la première fois, un cabinet a été placé en liquidation judiciaire, après trente ans d'exercice de la profession ; trois autres cabinets se trouvent actuellement en redressement judiciaire. La gravité de la situation est telle que, à l'échelon national, un numéro vert a été créé pour assurer une écoute aux avocats en difficulté.

Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous expliquer ces retards et le manque de régularité dans le versement des dotations, qui mettent en difficulté bon nombre de barreaux de province, dont celui de Valence ? Surtout, que proposez-vous pour y remédier, afin que le tribunal de cette ville puisse continuer d'assurer sa mission, à savoir rendre une justice efficace et de qualité, et que les avocats puissent continuer à exercer leur profession ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur, la loi du 10 juillet 1991 a dévolu aux 164 barreaux la gestion des fonds versés par l'État pour rétribuer les avocats réalisant des missions d'aide juridictionnelle ou relatives à d'autres types d'intervention, par exemple l'assistance des personnes gardées à vue.

À cet effet, le service de l'accès au droit et à la justice et de l'aide aux victimes du ministère de la justice attribue à chaque barreau une dotation annuelle permettant la rétribution des avocats.

Cette dotation est allouée, en plusieurs versements, à la caisse des règlements pécuniaires des avocats, la CARPA, placée près du barreau, qui assure le règlement des rétributions dues aux avocats prêtant leur concours aux bénéficiaires de l'aide juridictionnelle.

L'État suit attentivement la trésorerie des CARPA. Au vu des données communiquées par l'Union nationale des CARPA, la CARPA de Valence disposait, au 1er mai 2016, de 190 639 euros pour rétribuer les avocats du barreau, somme équivalant à 31 jours de dépense moyenne en 2015. Le 6 mai 2016, l'État lui a versé 1 183 000 euros, soit l'équivalent de 194 jours supplémentaires, et a assuré ainsi une trésorerie de 220 jours environ.

Monsieur le sénateur, soyez assuré que le Gouvernement a le souci constant du bon fonctionnement de nos juridictions.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Bouchet.

M. Gilbert Bouchet. J'entends bien votre réponse, madame la secrétaire d'État, mais je vous signale que, depuis le 7 novembre dernier, l'ordre des avocats ne peut plus régler les missions des avocats qui assistent les détenus, les fonds étant épuisés.

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