Question de M. GODEFROY Jean-Pierre (Manche - Socialiste et républicain) publiée le 16/06/2016

M. Jean-Pierre Godefroy attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la remise en cause du suivi médical post-professionnel des ouvriers d'Etat malades de l'amiante. Alors qu'auparavant les ouvriers étaient encadrés et gérés par les services du secrétariat général des armées, les personnes malades sont appelées, depuis janvier 2015, à consulter leur médecin traitant. Nous avons pu constater de manière inquiétante que de nombreuses personnes ont renoncé à ce suivi post-professionnel.
Il est également anormal que la prise en charge du suivi des malades de l'amiante qui ont travaillé dans les établissements de défense ne soit pas assumée par le ministère de la Défense mais par le régime général de la caisse accidents du travail/ maladie professionnelle (ATMP), caisse alimentée par les cotisations des entreprises.
Aussi, il souhaiterait savoir les dispositions que le ministère de la Santé et le ministère de la Défense entendent prendre à cet égard.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales et de la santé, chargé des personnes âgées et de l'autonomie publiée le 12/10/2016

Réponse apportée en séance publique le 11/10/2016

M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la secrétaire d'État, depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, les ouvriers d'État ayant été exposés à une substance cancérogène, mutagène ou reprotoxique dans le cadre de leurs fonctions ont droit, après avoir cessé définitivement leur activité, à un suivi médical post-professionnel. Le bénéfice de ce suivi est subordonné à la délivrance d'une attestation d'exposition à un ou plusieurs de ces risques.

Les anciens ouvriers de DCNS Cherbourg bénéficient de ce suivi post-professionnel, qui devient post-consolidation quand ces mêmes anciens salariés se révèlent malades de l'amiante.

À Cherbourg, depuis octobre 2014, seul le suivi post-professionnel subsiste, alors que les anciens personnels malades ne bénéficient plus systématiquement du suivi post-consolidation.

Ces visites médicales de révision permettent une simplification des démarches administratives pour la prise en charge des examens. Elles ont un impact psychologique important pour les victimes, qui se sentent réellement prises en considération par leur ministère de tutelle, en l'occurrence le ministère de la défense. Elles incitent les victimes à se surveiller et permettent de détecter précocement l'évolution de certaines pathologies, telles que les plaques et les épaississements pleuraux, non décelables par les victimes elles-mêmes.

Or c'est dorénavant aux victimes de faire la demande d'examen par le biais d'une entente préalable, si elles « ressentent » une aggravation de leur état de santé.

Si les maladies les plus graves font l'objet d'un suivi attentif de la part des médecins traitants, il n'en est pas de même pour les plaques et les épaississements pleuraux. Ainsi, il est à craindre que dans le cas de symptômes à bas bruit, voire inexistants, les victimes ne soient pas en mesure de demander elles-mêmes une révision de leur dossier.

Comment comprendre la suppression de cette surveillance systématique, alors que les scientifiques affirment que les porteurs de plaques pleurales subissent un sur-risque avéré de développer un mésothéliome ? Je vous renvoie à cet égard au suivi de cohortes ARDCO et au rapport du réseau Mésoclin.

Je note par ailleurs que, dans le cas d'autres maladies graves, des dépistages systématiques sont mis en place.

Que comptez-vous faire pour que ces pathologies qui sont les premiers signes de la maladie due à l'exposition à l'amiante fassent l'objet d'une surveillance particulièrement encadrée ? Il s'agit là d'une procédure prévue par la circulaire du 14 janvier 2003 fixant les modalités de mise en œuvre du suivi post-professionnel des ouvriers de l'État et des agents contractuels ayant été exposés à un risque professionnel pendant l'exercice de leurs fonctions.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le sénateur, cette question ne relève pas directement de la compétence du ministère des affaires sociales, elle relève du ministère de la défense.

Cela étant, je tiens à vous rassurer : le suivi post-professionnel des anciens ouvriers de l'État n'est pas remis en cause, et M. le ministre de la défense est très attaché à ce que ces personnels puissent continuer à bénéficier d'une surveillance médicale post-professionnelle de qualité.

C'est exact, les modalités de suivi médical post-professionnel des ouvriers d'État malades de l'amiante ont été modifiées. Pour autant, il ne s'agit nullement d'une remise en cause du dispositif ni d'un retrait de l'État.

Seules ses modalités administratives ont été aménagées : les convocations individuelles systématiques par l'administration ont été supprimées, mais l'intéressé qui le souhaite bénéficie toujours, sur simple demande écrite de sa part, de la prise en charge de cette surveillance médicale liée à son exposition professionnelle, à l'instar du dispositif en vigueur pour les assurés du régime général.

Les personnels conservent ainsi la possibilité de formuler une demande d'aggravation ou de prise en charge de consultation ou d'examen médical en relation avec la maladie professionnelle.

Ce suivi médical s'appuie sur le réseau de médecins civils mandatés par le ministère de la défense et sur la prise en charge de la dépense associée garantie par ce même ministère. Cette compétence n'a donc pas été transférée à la branche accidents du travail-maladies professionnelles de la sécurité sociale.

En conséquence, les demandes des personnels doivent être adressées à la sous-direction des pensions de la direction des ressources humaines du ministère de la défense. Ces demandes sont alors soumises à l'avis du médecin-conseil expert de la sous-direction des pensions qui, au besoin, peut diligenter une expertise médicale, par exemple dans le cas d'une demande d'aggravation. Celle-ci peut, si elle est retenue, donner lieu à une révision du taux d'invalidité. Le médecin expert donne son avis sur le bien-fondé de la prise en charge des factures avant paiement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la secrétaire d'État, j'étais bien conscient que cette question relevait non de votre compétence, mais du ministère de la défense. Je vous remercie de votre réponse, même si – vous vous en doutez – elle ne me satisfait pas pleinement.

En la matière, la logique initiale a été inversée.

À l'origine, la direction des constructions navales envoyait, tous les deux ans, une lettre aux anciens ouvriers qui avaient été exposés à l'amiante, afin qu'ils fassent un examen post-consolidation. Ainsi, les intéressés étaient invités à faire vérifier l'évolution de leur pathologie – épaississements pleuraux, plaques pleurales, etc.

Aujourd'hui, c'est à ces anciens ouvriers d'État de faire la démarche. Or cette dernière est compliquée et, je le constate tous les jours dans ma ville, beaucoup d'entre eux restent malheureusement sans l'accomplir, notamment parce qu'ils ne ressentent pas d'aggravation : la formation des plaques pleurales est indolore. Les symptômes n'apparaissent qu'avec la constitution des mésothéliomes. C'est alors seulement que l'on prend conscience de la gravité de la situation.

Je regrette cette inversion des facteurs. L'État et la direction des constructions navales ont pourtant été condamnés pour faute inexcusable. Il apparaît ainsi pour le moins nécessaire de prendre des précautions afin que les personnes concernées soient suivies de la même manière qu'auparavant. C'était alors l'entreprise qui adressait aux intéressés tous les deux ans un document leur permettant de bénéficier d'un contrôle.

Vous avez également abordé la question de la prise en charge. Il est étonnant que ce dépistage soit couvert par l'assurance maladie, alors qu'il relève des accidents et maladies du travail et à ce titre de la branche accidents du travail-maladies professionnelles, ou AT-MP, laquelle est d'ailleurs excédentaire de 700 millions d'euros cette année. Il s'agit encore d'une inversion des facteurs ! Ce n'est pas une bonne chose.

Des salariés vont devant les tribunaux pour obtenir réparation du préjudice d'angoisse. La meilleure façon d'éviter des recours sur ce fondement serait de garantir un suivi post-professionnel systématique. La modification de la procédure en la matière est une mauvaise chose : je souhaite que le ministère de la défense se penche à nouveau sur le sujet.

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