Question de M. LEROY Jean-Claude (Pas-de-Calais - Socialiste et républicain) publiée le 16/06/2016

M. Jean-Claude Leroy attire l'attention de M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur la situation des sites papetiers Stora Enso à Corbehem et Arjowiggins à Wizernes, dans le Pas-de-Calais.

Le sort de ces deux sites est en effet lié puisque, en cas de reprise de l'usine de Corbehem, celle-ci pourrait fournir la matière première, c'est-à-dire la pâte à papier, à la papeterie de Wizernes.

Le site de Corbehem, fermé depuis septembre 2014, a aujourd'hui un repreneur, accompagné d'un fonds d'investissement. L'usine, reconnue pour ses performances et la qualité de sa production, a encore les capacités de produire des quantités importantes de papier. Elle dispose, notamment avec la machine n° 5, du matériel lui permettant de répondre à la demande du marché actuel et d'être compétitive.

Elle peut par exemple parfaitement, comme le prévoyait le repreneur potentiel, produire du papier couché pour magazines, dont la demande est très importante mais que la France, le Bénélux, ou l'Angleterre ne produisent plus.

Parallèlement à l'exploitation de ce marché très porteur, il était envisagé d'augmenter la production de pâte à papier et de devenir aussi le fournisseur de la papeterie Arjowiggins de Wizernes, que l'investisseur souhaitait également acquérir.

Le plan de reprise a donc été élaboré par le repreneur et la faisabilité de l'opération a été démontrée. Le financement du projet était assuré par des fonds propres auxquels s'ajoutaient, pour 50 millions d'euros, ceux du fonds d'investissement américain ORACLE. Le business plan a par ailleurs été validé par le cabinet d'audit KPMG.

Dans ces conditions, l'échec récent des négociations entre Stora Enso et le repreneur potentiel est donc surprenant et certains commencent à douter de la réelle volonté du groupe finlandais de céder le site de Corbehem, doute confirmé par le fait qu'à la date du 12 mars 2016, l'autorisation d'exploiter a cessé sans formalisation de la vente. Il faut d'ailleurs rappeler que d'autres candidats à la reprise (les papetiers ASPEC et VALPACO) ont eux aussi été autrefois écartés. Cette absence de rachat laisse en effet le groupe UPM Kymmene, second leader mondial de papier et lui aussi de nationalité finlandaise, sans concurrence.

Aussi, il lui demande si l'État a actionné tous les leviers dont il dispose, y compris au plan international, pour faciliter cette reprise. Il souhaite également savoir si l'État envisage de soutenir les acteurs concernés sur le territoire pour accompagner le repreneur ou à défaut rechercher d'autres investisseurs susceptibles de redémarrer l'activité des usines de Corbehem et Wizernes.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'économie et des finances, chargé du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire publiée le 12/10/2016

Réponse apportée en séance publique le 11/10/2016

M. Jean-Claude Leroy. Je souhaite attirer votre attention, madame la secrétaire d'État, sur la situation du site papetier ArjoWiggins à Wizernes, dans le Pas-de-Calais.

Voilà encore quelques mois, le sort de cette papeterie semblait être lié à celui d'une autre entreprise du secteur située dans le département : le site Stora Enso à Corbehem. En effet, en cas de reprise de l'usine de Corbehem, celle-ci aurait pu fournir la matière première – c'est-à-dire la pâte à papier – à la papeterie de Wizernes.

Or nous avons appris que sur le site de Corbehem, pourtant reconnu pour ses performances et la qualité de sa production, la machine 5 allait être démantelée, alors qu'elle était considérée comme l'une des plus performantes au monde. Le matériel, vendu pour 12 millions d'euros, sera remonté à Shanghai.

Cette opération laisse une impression de véritable gâchis et suscite un certain ressentiment vis-à-vis du groupe Stora Enso. Elle met fin, pour le moment, au projet de synergie des deux sites papetiers et à leur communauté de destin.

Reste à ce jour le site de Wizernes, qui demeure tout à fait opérationnel.

L'usine est en parfait état et peut facilement être redémarrée. Elle pourrait, par exemple, se tourner vers la fabrication de papiers spéciaux, comme les papiers d'emballage alimentaire, en utilisant un process innovant : la chromatogénie.

Ce nouveau procédé, mis au point par le Centre technique du papier, confère aux matériaux lignocellulosiques, notamment aux papiers et aux cartons, des propriétés de barrière à l'eau, aux corps gras et aux gaz biocompatibles.

Il s'agit d'un procédé de chimie verte exemplaire : il est sans solvant, utilise des réactifs et matières premières biosourcés, engendre très peu de produits dérivés et permet de fabriquer des matériaux au cycle de vie exceptionnel.

Cette technique de chromatogénie, produisant, j'y insiste, des matières recyclables et réutilisables à de multiples reprises, est donc très respectueuse de l'environnement. Elle permettrait d'obtenir de nouveaux matériaux concurrentiels, notamment par rapport au plastique.

Un projet de redémarrage de l'activité du site papetier de Wizernes s'appuyant sur l'exploitation de ce procédé innovant est aujourd'hui tout à fait envisageable. Une étude de faisabilité va d'ailleurs être menée, sur l'initiative des acteurs locaux, en particulier de la communauté d'agglomération de Saint-Omer, pour confirmer la pertinence de ces produits et mesurer les volumes des marchés potentiels.

C'est en se tournant vers l'innovation qu'une solution peut être trouvée pour l'usine ArjoWiggins de Wizernes.

Mon questionnement est donc simple. Quelle est la volonté de l'État s'agissant du site ArjoWiggins de Wizernes ? Quels moyens le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre pour accompagner le projet innovant que j'ai évoqué, susceptible de faciliter le redémarrage du site ? De manière générale, existe-t-il à ce jour d'autres repreneurs potentiels ?

L'industrie papetière a forgé l'histoire industrielle de la vallée de l'Aa. Tous les moyens doivent être mis en œuvre pour faciliter et encourager tous les projets de reprise qui redonneraient espoir aux travailleurs de notre région.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. En effet, monsieur le sénateur, ArjoWiggins a malheureusement dû engager une fermeture de son site papetier à Wizernes, dans le Pas-de-Calais. Je le rappelle, le groupe faisait face à une très forte dégradation de ses résultats et à la problématique avérée des surcapacités sur le marché.

Conformément aux obligations créées par la loi dite Florange, une recherche de repreneur a été engagée pour le site de Wizernes, mais aussi pour celui de Charavines en Isère.

Un projet de reprise a été présenté, incluant également le site de Stora Enso à Corbehem, et les services du ministère de l'économie et des finances se sont mobilisés pour étudier ce projet, soutenu, notamment, par un fonds d'investissement. Il est ressorti de l'étude du business plan, en juillet 2015, que les hypothèses sur lesquelles il reposait méritaient d'être approfondies afin de garantir leur sérieux.

Les services du ministère de l'économie et des finances restent disponibles pour rencontrer les porteurs de projets innovants, susceptibles de relancer une activité industrielle, en particulier sur le site d'ArjoWiggins à Wizernes.

Le procédé de la chromatogénie, que vous avez évoqué, s'inscrit dans le cadre du développement de matériaux innovants sur le marché mondial de l'emballage. Il fait le pari de la suppression progressive des résines fluorées des papiers d'emballage alimentaire, auxquelles la chromatogénie, qui n'intègre aucun composé fluoré, est une des alternatives identifiées.

Ce projet attractif mérite toutefois d'être étayé par un business plan robuste, présentant les caractéristiques du projet, ses modalités de financement et les moyens envisagés pour développer un procédé au potentiel certes prometteur, mais n'ayant pas encore fait ses preuves. Outre la maîtrise du savoir-faire technologique, l'appétence des clients potentiels doit être mesurée.

La rentabilité de l'investissement et la capacité d'absorption du marché sont deux conditions indispensables à la pérennité d'un projet qui serait fondé sur la chromatogénie.

L'État est prêt à accompagner les projets de reprise pour autant qu'ils soient techniquement, industriellement et financièrement convaincants. Les services du ministère de l'économie et des finances restent donc mobilisés pour soutenir le développement de toute initiative de nature à favoriser la relance d'une activité industrielle et les emplois sur le site de Wizernes.

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