Question de Mme GOURAULT Jacqueline (Loir-et-Cher - UDI-UC) publiée le 30/06/2016

Mme Jacqueline Gourault attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la situation des orthophonistes en Loir-et-Cher. Le « groupe de travail pour l'attractivité des métiers de la rééducation » s'est réuni le vendredi 17 juin au ministère de la santé avec à l'ordre du jour les grilles salariales. Les orthophonistes ont un diplôme reconnu depuis 2013 à bac+5 (master), mais les salaires sont aujourd'hui encore à un niveau bac+2 (catégorie B-NES) et le gouvernement n'envisage qu'un nivellement à bac+3 (catégorie « petit A »).
Depuis trente ans, les représentants des orthophonistes font le constat du morcellement voire de la désertification des postes en salariat par manque d'attractivité, de la suppression ou transformation des postes vacants, des départs à la retraite non remplacés, de la disparition du métier d'orthophoniste au sein du plateau technique de l'hôpital public.
Cette disparition du paysage hospitalier dégrade l'égalité d'accès aux soins des patients.
L'incidence en est multiple, elle impacte à la fois le secteur libéral qui ne peut déjà pas répondre aux demandes de la population locale (plus d'un an d'attente pour un premier rendez-vous dans notre département), mais elle alerte également sur le devenir de l'hôpital. Les diagnostics sont incomplets, la rééducation et donc la récupération des fonctions cognitives dont le langage, sont retardées, alourdissant les pathologies et le pronostic.
La coordination hôpital-ville est dégradée, les compétences se perdent, les orthophonistes enseignants dont les postes hospitaliers se précarisent, ne transmettent plus leur expertise, les lieux de stage en milieu hospitalier disparaissent pour les futurs étudiants.
Cette profession est plus âgée que la moyenne des autres professionnels du secteur salarié et hospitalier (38% des orthophonistes de la FPH étaient âgés de plus de 55 ans en 2014, le pourcentage des autres orthophonistes salariés de cette tranche d'âge passe à 46%). L'année 2017 sera une année « blanche », c'est-à-dire sans orthophonistes diplômés des universités françaises. La pénurie des orthophonistes hospitaliers (7% de la profession), la pyramide des âges propre à notre profession ainsi que les futurs départs à la retraite, fragilisent et mettent en péril la formation des futurs professionnels dont le système de santé manque déjà.
Dans le département du Loir-et-Cher, le service de neurologie adulte de l'hôpital de Blois perdra deux de ses trois postes d'orthophonistes cet été. Mauvaise nouvelle supplémentaire : le service du CAMSP perd la moitié de ses orthophonistes car la jeune diplômée aura tenu un an, payée au SMIC et habitant dans l'Indre et Loire, quitte le service à la fin de l'année. Une seule orthophoniste sera donc présente pour tout le département pour les enfants polyhandicapés, présentant un autisme ou les familles socialement défavorisées qui consultent à l'hôpital.
Face à cette situation vraiment préoccupante, elle vous demande ce que le Gouvernement compte faire.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales et de la santé, chargé des personnes âgées et de l'autonomie publiée le 12/10/2016

Réponse apportée en séance publique le 11/10/2016

Mme Jacqueline Gourault. Madame la secrétaire d'État, si je vous parle de dyslexie, de bégaiement, d'illettrisme, d'autisme, d'aphasie vasculaire, de maladie d'Alzheimer, de maladie de Parkinson – cette liste n'est pas exhaustive –, vous pensez, bien sûr, au rôle joué par les orthophonistes.

À toutes les étapes de notre vie, nous sommes susceptibles d'avoir besoin de leur aide ; c'est pourquoi je tiens à vous alerter aujourd'hui solennellement sur leur situation et, plus particulièrement, sur l'état actuel de la profession dans le département du Loir-et-Cher.

Bien que leur diplôme soit reconnu depuis 2013 au niveau master, soit bac+5, les salaires qui leur sont proposés correspondent aujourd'hui encore à un niveau bac+2, et le Gouvernement n'envisagerait qu'un nivellement à bac+3. Vous voyez que cette question rejoint les propos tenus sur les masseurs-kinésithérapeutes.

Quelles conséquences emporte cette grille salariale ? Le morcellement, voire la désertification, des postes en salariat, par manque d'attractivité – en Loir-et-Cher, à l'hôpital de Blois, plus d'un an d'attente est nécessaire pour un premier rendez-vous –, la suppression ou la transformation de postes vacants, des départs à la retraite non remplacés et, enfin, la disparition du métier d'orthophoniste au sein du plateau technique de l'hôpital public, provoquant un défaut de soin pour des patients qui, du fait de leur hospitalisation, ont besoin d'une prise en charge globale et, souvent, intensive.

Dans le département du Loir-et-Cher, le service de neurologie adulte de l'hôpital de Blois a perdu deux de ses trois postes d'orthophoniste cet été.

Face à cette situation préoccupante, quelles sont les propositions du Gouvernement ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, garantir la prise en charge des patients dont l'état exige une rééducation orthophonique est une nécessité. Les recommandations de la Haute Autorité de santé définissent les pathologies cliniques justifiant ces soins et précisent, notamment, les cas cliniques nécessitant un démarrage de la rééducation dès la phase aiguë hospitalière.

On dénombrait en France, au 1er janvier 2015, 23 500 orthophonistes, dont plus de 80 % exercent en libéral. Leur nombre augmente régulièrement : ils étaient 13 000 en 1999 et 17 000 en 2007. Cette augmentation est liée à la fois à la très forte augmentation des quotas d'entrées en formation et à l'augmentation des professionnels à diplômes européens. Chaque année, trois nouveaux diplômés sur dix sont dans ce cas.

Dans votre département, le Loir-et-Cher, on dénombre en 2016, quatre-vingts orthophonistes, dont treize exercent en établissement de santé. Ils étaient soixante-treize en 2014, dont neuf en établissement de santé.

Vous en conviendrez, madame la sénatrice, la question n'est donc pas le nombre total d'orthophonistes, mais davantage leur lieu d'exercice. (Mme Jacqueline Gourault opine.)

C'est pourquoi la ministre des affaires sociales et de la santé a lancé début 2016 un plan pour renforcer l'attractivité de l'exercice hospitalier pour l'ensemble de la filière rééducation.

Ce plan concernera les orthophonistes, bien sûr, mais également les masseurs-kinésithérapeutes, les psychomotriciens, les ergothérapeutes ou les pédicures-podologues. Il vise à favoriser l'engagement hospitalier des professionnels, en ciblant les services où leur intervention est indispensable pour garantir la qualité des prises en charge.

Au regard des caractéristiques de la profession d'orthophoniste, la ministre a décidé de rendre possible l'exercice à temps partiel en établissement de santé, afin de permettre à ceux qui le souhaitent de pratiquer une activité mixte associant le libéral et le salariat.

S'agissant, enfin, de la rémunération des orthophonistes en établissement de santé, je veux rappeler les principes de la rémunération de tous les fonctionnaires, fondée sur des grilles indiciaires qui ne sont pas construites par métier, mais par niveau de responsabilité et d'autonomie. Je rappellerai également que, pour la première fois depuis 2010, le point d'indice a été augmenté en 2016 et le sera encore une fois au début de l'année 2017.

Le protocole « parcours professionnel, carrières et rémunération », engagé en septembre 2015 par le Gouvernement, va permettre une évolution indiciaire de tous les corps de la fonction publique échelonnée de 2016 à 2022.

Enfin, la ministre a également décidé de compléter ces mesures générales pour la filière rééducation de la fonction publique hospitalière. Très prochainement, un calendrier ainsi que des modalités d'évolution de leur grille indiciaire seront annoncés.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.

Mme Jacqueline Gourault. Merci de votre réponse, madame la secrétaire d'État. Toutefois, je ne voudrais pas que l'autorisation d'activité mixte pour les orthophonistes qui travaillent en milieu hospitalier, qui pourraient ainsi également exercer dans le privé, soit la seule réponse au déficit de rémunération. Il serait regrettable d'imaginer que le fait d'aller travailler dans le privé puisse compenser la sous-rémunération offerte dans le secteur public.

J'ai entendu votre remarque sur le principe même de la rémunération des fonctionnaires en milieu hospitalier au regard de leurs postes, mais l'on ne peut pas reconnaître un niveau de formation sans, en parallèle, garantir un niveau de rémunération. Une telle démarche apparaîtrait par exemple invraisemblable s'agissant des médecins.

À mon sens, la ministre doit comprendre que dans le secteur hospitalier les orthophonistes ont besoin d'être rémunérés à un niveau correspondant à leur formation, ce qui permettra de les maintenir dans ce secteur.

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