Question de Mme LÉTARD Valérie (Nord - UDI-UC) publiée le 30/06/2016

Mme Valérie Létard attire l'attention de Mme la ministre du logement et de l'habitat durable sur la manière dont évolue dans le temps le financement du budget de l'agence nationale de l'habitat (ANAH). En 2014, les territoires ont dû freiner le financement des dossiers qui ont fait l'objet d'un « stockage » en fin d'année, faute de dotations régionales ANAH suffisantes (au regard des objectifs dépassés). L'année 2015 a été très dynamique notamment sur le plan de la rénovation énergétique, malgré le recentrage des cibles par l'ANAH en cours d'année en faveur des plus modestes, et ce grâce en particulier à la remontée importante du cours des quotas carbone. Pour 2016, les objectifs et dotations régionales sont en hausse et la tension budgétaire un peu atténuée sous l'effet concomitant de recettes supplémentaires, des effets des mesures de régulation, mais aussi de la maîtrise des coûts dans la gestion des dossiers.
L'analyse du fonctionnement de ces dernières années depuis 2013 montre que le pilotage actuel de la programmation de l'ANAH amène à réviser régulièrement - y compris en cours d'année - les objectifs en volume, l'ajustement des dotations régionales et des enveloppes territorialisées ainsi que la répartition ou la priorisation des cibles entre propriétaires occupants et propriétaires bailleurs d'une part et publics cibles d'autre part (très modestes, modestes et majorés). Or ce pilotage place les collectivités locales face à des situations ingérables, de « stop and go » permanents, avec des dossiers qui restent en suspens et des propriétaires interloqués alors qu'ils sont prêts à réaliser les travaux de leur logement. Il rend également difficile la gestion des marchés de prestations pluriannuels désignant les opérateurs relais des collectivités locales auprès des particuliers. Elle lui demande comment elle entend à l'avenir améliorer le fonctionnement du dispositif et si elle envisage de réfléchir à une programmation pluriannuelle qui donnerait davantage de visibilité à l'ensemble des acteurs de ce secteur.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'économie et des finances, chargé du numérique et de l'innovation publiée le 16/11/2016

Réponse apportée en séance publique le 15/11/2016

Mme Valérie Létard. Ma question porte sur l'évolution du financement de l'Agence nationale de l'habitat, l'ANAH.

En 2014, les territoires ont dû freiner le financement des dossiers, qui ont été « stockés » en fin d'année, faute de dotations régionales suffisantes. L'année 2015 a été très dynamique, malgré le recentrage du programme Habiter Mieux en cours d'exercice en faveur des propriétaires très modestes. La remontée du cours des quotas carbone a donné de l'oxygène au budget de l'agence, qui a bénéficié de 312 millions d'euros de ressources en 2015, contre 215 millions d'euros en 2014, soit une hausse de 45 %.

En 2016, les objectifs fixés sont ambitieux. En mars dernier, le programme Habiter Mieux a été porté à 70 000 logements. L'agence joue désormais un rôle majeur dans l'adaptation du logement au vieillissement et au handicap. Elle prend également une part très active dans la lutte contre l'habitat indigne, avec une mobilisation particulière, depuis la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, au côté des copropriétés fragiles ou dégradées.

En 2015, pour contrer la volatilité des recettes en regard d'engagements qui sont, eux, pérennes et constants, les ressources ont été diversifiées : taxe sur les logements vacants, contributions des énergéticiens, participation d'Action Logement, enfin subvention de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA.

Mais, en parallèle, la baisse du prix moyen des quotas carbone à 5,22 euros par tonne, au lieu des 7,70 euros budgétés, a plombé le budget pour 2016, d'où un manque à gagner d'environ 100 millions d'euros, compensé en partie seulement par une avance de 50 millions d'euros d'Action Logement. Le restant va se traduire, une fois de plus, par une diminution des dépenses d'intervention en cours et en fin d'année.

Depuis 2013, le pilotage de la programmation de l'ANAH amène à réviser régulièrement, y compris en cours d'année, les objectifs en volume, l'ajustement des dotations régionales et des enveloppes territorialisées, ainsi que la répartition ou la priorisation des publics cibles.

Ce pilotage place les collectivités locales devant des situations ingérables de stop and go permanent, avec des dossiers qui restent en suspens et des propriétaires interloqués de voir leur dossier finalement refusé. Il rend également difficile la gestion des marchés de prestations pluriannuels destinés à désigner les opérateurs relais des collectivités locales auprès des particuliers.

Le « bouclage » du budget pour 2017 s'annonce une fois de plus ardu. Madame la secrétaire d'État, s'agissant d'une politique aussi structurante, tant dans l'urbain que dans le rural, ne serait-il pas temps que l'État réfléchisse à la mise en place d'un mécanisme de compensation des fluctuations du marché des quotas carbone et d'une programmation pluriannuelle qui donneraient à l'ensemble des acteurs de ce secteur la visibilité nécessaire à la tenue de leurs engagements, et aux bénéficiaires une sécurité lorsqu'ils décident d'engager un investissement aussi important pour la cellule familiale ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du numérique et de l'innovation. Madame la sénatrice, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable, qui est en déplacement en Maroc avec le Président de la République à l'occasion de la COP 22 et m'a chargée de vous répondre. Elle salue votre engagement personnel et indéfectible pour la cause de l'habitat durable et décent.

Les priorités de l'ANAH sont la lutte contre la précarité énergétique, la lutte contre l'habitat indigne et très dégradé, le redressement des copropriétés dégradées et l'adaptation des logements au vieillissement ou au handicap.

Pour réaliser l'ensemble des missions qui lui sont confiées, l'agence bénéficie d'une très forte progression de sa capacité d'intervention depuis plusieurs années, ce qui témoigne de la volonté sans faille du Gouvernement d'améliorer les conditions de logement de nos concitoyens, notamment pour ce qui concerne les questions de précarité énergétique, au travers du programme Habiter Mieux.

Le succès de ce programme a conduit le Gouvernement à augmenter les objectifs annuels de l'ANAH en 2015 et en 2016, en portant notamment à 70 000 l'objectif de logements traités au titre de la lutte contre la précarité énergétique. Ces augmentations ont certes parfois été décidées en cours d'année, mais toujours dans le cadre d'une étroite collaboration avec les acteurs locaux et les territoires concernés.

En tant que membre du conseil d'administration de l'ANAH, vous avez pu constater, madame la sénatrice, l'engagement et le professionnalisme de cet organisme pour conduire au mieux les actions qui lui sont confiées par le Gouvernement.

Vous évoquez avec raison le besoin de visibilité de l'ensemble des acteurs concourant aux interventions conduites par l'ANAH. Dans le cadre des discussions sur le projet de loi de finances pour 2017, le Gouvernement a clairement défini les ambitions qu'il assigne à cette agence pour l'année prochaine. En 2017, le programme Habiter Mieux aura ainsi comme objectif de financer 100 000 logements.

Cet objectif sans précédent sera atteint notamment en incluant dans le champ d'intervention de l'agence une possibilité d'aider les copropriétés fragiles, ce qui répond également à une volonté forte des collectivités locales.

L'importance de ces enjeux rend nécessaire la mise en place de moyens financiers importants. Depuis 2013, l'agence est principalement financée par le produit de cession de la mise aux enchères des quotas carbone. Compte tenu d'un contexte qui s'est avéré défavorable cette année, notamment du fait du Brexit, le cours de la tonne de carbone a effectivement chuté. Une reprise du marché est cependant observée ces dernières semaines, et devrait se prolonger.

De plus, afin de sécuriser l'équilibre financier en 2017, le Gouvernement prend ses responsabilités : l'agence recevra des financements complémentaires en provenance du fonds de financement de la transition énergétique, le FFTE, comme l'a indiqué Ségolène Royal le 27 octobre dernier devant la commission des finances de l'Assemblée nationale.

Enfin, je tiens à préciser que l'agence a engagé un important travail de simplification et de dématérialisation de ses procédures pour répondre aux attentes concrètes et quotidiennes des usagers. Le développement d'une plateforme numérique, autorisant à la fois le dépôt en ligne des dossiers et le partage d'informations entre opérateurs, instructeurs et collectivités, permettra à terme de mieux connaître et d'anticiper les possibilités de développement des programmes, tout en simplifiant le travail des opérateurs et instructeurs.

L'ensemble de la chaîne qui contribue aujourd'hui à la mise en œuvre des actions de l'agence sera ainsi accompagné pour moderniser fortement ses pratiques, au bénéfice du public.

Soyez donc assurée, madame la sénatrice, de la volonté du Gouvernement de pousser le plus loin possible les actions en faveur de l'habitat et de les inscrire dans la durée. L'habitat indigne, les logements dégradés, la précarité énergétique ne sont pas des fatalités et le Gouvernement entend répondre à ces enjeux majeurs avec la plus grande détermination.

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard.

Mme Valérie Létard. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de ces précisions.

J'ai bien entendu que le Gouvernement fixait un objectif ambitieux de 100 000 logements financés, 70 000 au titre du programme Habiter Mieux et le reste au titre de l'aide aux copropriétés fragiles. Vous avez expliqué que 50 millions d'euros proviendraient du fonds de financement de la transition énergétique. Il est très positif que Mme Royal accepte de mobiliser une partie de ces crédits afin d'accompagner un projet essentiel pour nos territoires, pour des foyers modestes, propriétaires-occupants de logements anciens dégradés, en zone tant urbaine que rurale : il s'agit souvent de retraités percevant de faibles pensions, de petits salariés, de personnes qui, sans ce programme, ne parviendraient pas à boucler leur projet.

Ces personnes ont besoin de sécurité. Or nous sommes aujourd'hui dans un système financé par une ressource instable, le prix des quotas carbone faisant du yoyo. Il importe donc d'apporter des garanties.

Les 50 millions d'euros du fonds de financement de la transition énergétique ne permettront de boucler le budget que si le cours des quotas carbone atteint 6 euros ; à défaut, il manquera des crédits. Il faut donc assurer une compensation, le cas échéant, pour ne pas mettre les collectivités et les associations dans une situation impossible au quotidien face aux familles.

Nous élus locaux sommes, sur le terrain, opérateurs pour le compte de l'État via l'ANAH. Nous assumons cette responsabilité, nous nous engageons, mais nous nous trouvons soudain confrontés à une fin de non-recevoir, parce que les crédits ne sont pas délégués et que la règle du jeu a été changée en cours de route. L'ANAH n'est pas coupable, mais l'État a la responsabilité d'assurer la pérennité de la ressource, afin que les familles n'aient pas l'impression qu'on leur tient un double langage.

J'ajouterai enfin, madame la secrétaire d'État, que, comme dans le domaine du numérique, chaque euro investi par l'État via l'ANAH « fait des petits », car les collectivités locales cofinancent et l'Europe apporte à son tour un euro. Une grande part des fonds structurels européens est consacrée à la rénovation thermique des logements : en l'absence de crédits nationaux, nous ne pourrons pas les mobiliser !

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