Question de M. CORNANO Jacques (Guadeloupe - Socialiste et républicain) publiée le 09/06/2016

M. Jacques Cornano attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la notion de « préjudice écologique » dans notre droit positif.
À l'heure actuelle, seule la jurisprudence relative à l'affaire Erika a permis de mettre en place cette notion juridique de « préjudice écologique ». L'arrêt de la Cour de cassation de 2012 a en l'espèce confirmé la responsabilité pénale de l'ensemble des acteurs de la chaîne de transport des hydrocarbures. Cette nouvelle notion a servi de base légale pour condamner sur le plan civil.
La question de l'inscription de cette notion dans le code civil s'est régulièrement posée. Elle se pose d'autant plus qu'un jugement récent rendu par un tribunal de district de la Haye (Rechtbank Den Haag) le 24 juin 2015 impose à un État « d'intensifier de façon significative la lutte contre le changement climatique ». Le tribunal a en effet estimé qu' « avec les politiques actuelles, les Pays-Bas ne parviendront à une réduction de seulement 17 %, ce qui est bien en dessous de la norme des 25 à 40 % jugés nécessaires pour les pays développés d'après les sciences liées au climat et les politiques climatiques internationales ». De plus, la France a accueilli en décembre 2015 la conférence des parties membres à la convention cadre des Nations unies sur le changement climatique.
Il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer les intentions du Gouvernement sur ce sujet et souhaite savoir en particulier si, au-delà des discussions en cours à l'occasion de l'examen du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages transmis en nouvelle lectureà l'Assemblée nationale le 25 mai 2016, un projet de loi relatif à la responsabilité environnementale reste envisagé.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 20/10/2016

Dès le prononcé de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 25 septembre 2012 dans l'affaire dite de « l'Erika », le ministère de la justice a commencé sa réflexion sur le préjudice écologique et ungroupe de travail a d'ailleurs été installé par la Garde des sceaux le 24 avril 2013 afin de réfléchir spécifiquement à l'introduction en droit français d'un principe général de responsabilité du préjudice écologique, c'est-à-dire le préjudice causé à l'environnement en tant que tel. Ce groupe de travail, présidé par le Professeur Yves Jégouzo, composé d'universitaires et de praticiens spécialisés en droit de l'environnement, a remis son rapport le 17 septembre 2013. Ce rapport formule dix propositions afin de définir cette nouvelle catégorie de préjudice et d'inscrire dans le code civil le régime de réparation le plus adapté.  L'article 4 de la loi n°  2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, a assuré une traduction législative aux travaux du groupe Jégouzo en donnant une définition du préjudice écologique et en précisant son régime de réparation. Le législateur a notamment consacré le principe d'une réparation qui s'effectuera prioritairement en nature, tout en permettant au juge d'assortir la condamnation d'une astreinte afin d'en assurer la parfaite exécution. L'action en réparation est ouverte à toute personne ayant qualité et intérêt à agir, ce qui inclut notamment un certain nombre d'entités publiques ou privées expressément visées. Elle est soumise à un délai de prescription spécifique de dix ans à compter du jour où son titulaire a connu ou aurait dû connaître la manifestation du préjudice écologique. Par ailleurs, le juge pourra prescrire les mesures raisonnables propres à prévenir ou faire cesser le dommage. Compte-tenu de l'adoption de ce texte, un projet de loi spécifiquement consacré à la responsabilité environnementale n'est plus envisagé. Il y a lieu de souligner que l'insertion de ces dispositions dans le code civil constitue une innovation majeure par laquelle le droit civil s'inscrit dans la démarche d'exemplarité environnementale promue par notre pays à l'occasion de la conférence de Paris sur le climat qui s'est tenue du 30 novembre au 11 décembre 2015.

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