Question de M. PORTELLI Hugues (Val-d'Oise - Les Républicains) publiée le 30/06/2016

M. Hugues Portelli attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur le statut juridique des enfants de détenues.
Les mères incarcérées sont autorisées à garder auprès d'elles leurs enfants jusqu'à l'âge de 18 mois, cette limite pouvant être exceptionnellement repoussée jusqu'à trois ans. Le contrôleur général des lieux de privation de liberté a constaté à plusieurs reprises (rapport de 2013 notamment) que, d'une prison à l'autre, la situation de ces enfants était extrêmement variable, notamment en ce qui concerne leur prise en charge médicale. En effet, les unités sanitaires des établissements pénitenciers sont réservées aux détenus et l'extraction de l'établissement pour des soins extérieurs également. La circulaire interministérielle du 30 octobre 2012 sur la prise en charge sanitaire des personnes placées sous main de justice prévoit que les enfants doivent être suivis par des médecins de ville. La prise en charge matérielle est minimale (nourriture, produits d'hygiène). L'aide de la caisse d'allocations familiales (CAF) est tardive et réservée aux ressortissantes françaises. Dans beaucoup d'établissements les cellules ne sont pas adaptées à l'accueil de jeunes enfants et une nurserie n'est pas prévue. Même si le rapport 2015 du contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) note une légère amélioration de la situation, celle-ci reste préoccupante dans de nombreux établissements.
Au-delà de la situation matérielle et sociale de l'enfant et de sa mère, le problème initial est l'absence de véritable statut de l'enfant en prison, qui lui permettrait de bénéficier de droits personnels à une condition de vie décente et à un véritable accompagnement médical et matériel au sein même de l'établissement. L'administration pénitentiaire s'étant saisie de ce dossier, Il lui demande à quelle date ses préconisations seront rendues et s'il est envisagé de doter les enfants de détenues d'un véritable statut juridique opposable.

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Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de la justice publiée le 04/05/2017

Des dispositions spécifiques existent pour prendre en charge en milieu carcéral les femmes enceintes ou les mères de très jeunes enfants souhaitant garder leur enfant avec elles dans des conditions appropriées (suivi sanitaire spécifique, affectation en quartier nurserie et jamais en détention classique). La circulaire du 16 août 1999 relative aux conditions d'accueil des enfants laissés avec leur mère incarcérée constitue le texte de référence sur lequel les établissements pénitentiaires s'appuient pour gérer ce public spécifique.  Ce maintien de l'enfant avec sa mère incarcérée est possible jusqu'à l'âge de 18 mois. Cette limite d'âge peut être reculée, sur décision du directeur interrégional des services pénitentiaires territorialement compétent, après avis d'une commission consultative (article D 401-1 du code de procédure pénale). Comme indiqué dans la circulaire précitée, il est souhaitable que « la prolongation accordée ne dépasse pas six mois, soit les deux ans de l'enfant ». Il n'y a donc pas, à ce jour, d'âge limite posé et ce, pour permettre de prendre en compte les spécificités de chaque situation examinée par cette commission. Néanmoins, le maintien d'un enfant de plus de vingt-quatre mois en détention avec sa mère est tout à fait exceptionnel. La quasi-totalité des enfants hébergés dans ces conditions ont moins de dix-huit mois.  L'enfant laissé en détention avec sa mère n'étant pas détenu, il n'est pas écroué à l'établissement. Il en découle que : ce sont les titulaires de l'exercice de l'autorité parentale qui prennent les décisions à son égard. Toutes les décisions (visites, sorties, hospitalisations, etc.) sont donc prises avec l'accord de la mère et, le cas échéant, avec l'accord du père pour les décisions nécessitant l'accord des deux titulaires de l'exercice de l'autorité parentale ; sa prise en charge doit être la plus proche possible de celle dont il pourrait bénéficier à l'extérieur (prestations familiales et aide sociale, accès aux soins et aux dispositifs en faveur de la petite enfance, couverture sociale, etc.) ; l'enfant peut, avec l'autorisation de sa mère, sortir librement de l'établissement. Le chef d'établissement recueille alors un écrit de la mère précisant son accord sur le lieu, la durée de la sortie et la personne prenant l'enfant en charge. Aucune formalité au greffe n'est nécessaire lors des sorties de l'enfant ; des conventions peuvent être passées entre les établissements pénitentiaires dotés de nurseries et des structures spécialisées (crèches, haltes garderie, assistantes maternelles, etc.) afin de développer les possibilités de sorties de l'enfant de la détention. Consciente des améliorations à apporter, la direction de l'administration pénitentiaire travaille actuellement sur la refonte de la circulaire du 16 août 1999 précitée. L'objectif central qui guide ce travail est de placer l'intérêt de l'enfant au cœur de ce dispositif. Il n'est pas envisagé d'attribuer un statut juridique particulier aux enfants laissés avec leur mère en détention. Ériger un statut dérogatoire pour les enfants dans cette situation particulière reviendrait à les écarter du droit commun alors même que l'objectif est d'appliquer au mieux les dispositions de droit commun à leur égard. Ce travail de refonte de la circulaire du 16 août 1999 en cours implique de mener des réflexions sur des thématiques très variées (cartographie des places nurseries, dispositions architecturales et équipement des espaces nurseries, prise en charge sanitaire de l'enfant, prestations prévues dans le cadre des marchés de gestion déléguée, réflexions sur les pratiques et missions des personnels pénitentiaires à l'égard de ce public particulier, développement des partenariats avec les conseils départementaux, etc.) nécessitant, pour certaines un échange avec d'autres ministères (ministère des affaires sociales et de la santé notamment). En fonction des dispositions retenues, des modifications des articles du code de procédure pénale (Cf. article D.400 à D.401-2 du CPP) pourraient également être nécessaires. Il n'est donc pas possible, à ce stade, de fixer une date précise de fin de travaux.

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