Question de M. de NICOLAY Louis-Jean (Sarthe - Les Républicains) publiée le 28/07/2016

M. Louis-Jean de Nicolaÿ attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur l'avancement de la réflexion concernant l'utilisation à des fins commerciales de l'image des monuments historiques.
En effet, à l'heure actuelle, les solutions prétoriennes rendues en la matière se fondent sur le concept du trouble anormal causé, ce qui est loin d'être satisfaisant (arrêt hôtel de Girancourt / Sté SCIR Normandie, 7 mai 2004).
Il incombe donc au propriétaire d'un monument historique de supporter de lourdes charges d'entretien de son bien immeuble sans qu'il puisse bénéficier du contrôle de son image, alors que, paradoxalement, les créations architecturales récentes sont protégées par le droit d'auteur (au profit de l'architecte). Il semble à tout le moins logique que toute personne tirant des revenus commerciaux de prises de vues ou de l'image d'un monument historique contribue pour une part de ces revenus à l'entretien du monument concerné, sauf si le propriétaire y renonce explicitement.
Ceci à l'instar du mécanisme d'autorisation préalable du gestionnaire pour toute utilisation à des fins commerciales de l'image des immeubles qui constituent les domaines nationaux, mis en place par la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine.
Par ailleurs, et à titre de précision, les dispositions concernant la liberté de panorama votées au sein du projet de loi pour une république numérique excluent expressément du domaine commercial les reproductions et représentations d'œuvres architecturales et de sculptures, placées en permanence sur la voie publique, diffusées par les particuliers sur les réseaux sociaux.
Au vu de ces éléments, il lui demande de bien vouloir lui faire part de ses observations en la matière, de même que des actions concrètes qui pourraient être engagées le cas échéant.

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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 22/02/2017

Réponse apportée en séance publique le 21/02/2017

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Madame la ministre, je souhaitais vous interroger sur l'avancement de la réflexion concernant l'utilisation à des fins commerciales de l'image des monuments historiques.

Nous avons eu l'occasion d'amorcer ce débat lors de l'examen du projet de loi relatif à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine, sans résultat concret.

Or, à l'heure actuelle, les solutions prétoriennes rendues en la matière se fondent sur le concept du trouble anormal causé, ce qui est loin d'être satisfaisant.

Il incombe donc au propriétaire d'un monument historique de lourdes charges d'entretien de son bien immeuble, sans qu'il puisse bénéficier du contrôle de son image, alors que, paradoxalement, les créations architecturales récentes sont protégées par le droit d'auteur. Il semble à tout le moins logique que toute personne tirant des revenus commerciaux de prises de vues ou de l'image d'un monument historique contribue pour une part de ces revenus à l'entretien du monument concerné, sauf si le propriétaire y renonce explicitement.

Il s'agirait là d'un système semblable à celui du mécanisme d'autorisation préalable du gestionnaire pour toute utilisation à des fins commerciales de l'image des immeubles qui constituent les domaines nationaux, mis en place par la loi du 7 juillet 2016.

Par ailleurs, et à titre de précision, j'insiste sur le fait que les dispositions concernant la liberté de panorama, votées à l'article 39 de la loi pour une République numérique du 7 octobre 2016, protègent les reproductions et représentations d'œuvres architecturales et de sculptures placées en permanence sur la voie publique faites par les particuliers pour leur usage personnel, notamment via les réseaux sociaux Twitter, Facebook ou Instagram.

Au vu de ces éléments, je vous remercie de nous faire part de votre position en la matière, madame la ministre, de même que des actions concrètes qui pourraient être engagées le cas échéant.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur de Nicolaÿ, la disposition de la loi dite « LCAP » du 7 juillet 2016 relative au droit à l'image des domaines nationaux a été créée, par amendement parlementaire, pour cette catégorie spécifique de biens, dont la dimension symbolique, de par leur « lien exceptionnel avec l'histoire de la nation », justifie une protection toute particulière de leur image.

Dès le mois de novembre dernier, mon ministère a établi une liste indicative d'une vingtaine de domaines, qui sera in fine fixée par décret en Conseil d'État. Cette liste a été soumise au ministre chargé des domaines, avant que les délimitations ne soient étudiées et soumises à la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture.

Une liste de six domaines, dont le périmètre est clair et ne fait pas débat, lui a d'ores et déjà été présentée le 19 janvier dernier et elle a émis un avis favorable. Le décret correspondant vient d'être adressé au Conseil d'État.

Les autres domaines nationaux, nécessitant des études plus importantes pour en arrêter le périmètre au vu de leur histoire, devront faire l'objet de décrets complémentaires.

S'agissant des monuments historiques, la France compte environ 43 000 immeubles protégés à ce titre. Leur intérêt historique ou artistique est considérable, voire majeur, mais ils ne présentent pas, pour la plupart, la même dimension symbolique que les domaines nationaux.

Comme j'ai pu l'indiquer lors des débats parlementaires sur cette loi, nous ne souhaitons pas une « privatisation » de l'image du patrimoine monumental, qui correspondrait à une extension à l'ensemble des immeubles classés ou inscrits des dispositions relatives aux domaines nationaux.

Pour les monuments historiques dans leur ensemble, la jurisprudence de la Cour de cassation permet à un propriétaire d'obtenir une indemnisation dès lors que l'exploitation de la reproduction de son bien lui cause un trouble de jouissance anormal. Cette jurisprudence paraît suffisante, claire et appropriée.

Comme vous l'indiquez vous-même, le droit à l'image sur les créations architecturales récentes est établi au bénéfice de son concepteur, comme c'est le cas pour toute œuvre d'art ou de l'esprit. Les propriétaires, publics ou privés, des monuments historiques n'en sont pas les concepteurs, et ce droit ne saurait donc leur être transposé en l'état.

Il nous semble donc préférable, dans l'immédiat, de nous en tenir à la mesure adoptée pour les domaines nationaux et d'en analyser la mise en œuvre avant d'envisager toute généralisation à l'ensemble du patrimoine protégé.

Enfin, je souhaite rappeler l'effort fait par ce gouvernement en direction des monuments historiques. Pour les seuls monuments historiques, la hausse des autorisations d'engagement a atteint 6 % en 2017, soit 355 millions d'euros. En moyenne annuelle, les monuments historiques ont bénéficié de 335 millions d'euros d'autorisations d'engagement sous ce quinquennat, contre 313 millions d'euros sous le quinquennat précédent.

M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Je comprends parfaitement que l'on ne fasse pas bénéficier nos 43 000 monuments historiques d'un droit à l'image.

Toutefois, au même titre que certains monuments nationaux sont répertoriés comme particulièrement reconnaissables, on pourrait sans doute trouver, en accord avec les associations, un moyen pour que certains monuments qui jouent un rôle touristique très important en bénéficient et ne soient pas utilisés pour la promotion de desserts glacés ou autres objets commerciaux.

Enfin, je vous remercie de l'augmentation des crédits alloués aux monuments historiques sous ce quinquennat, car il s'agit de la défense du patrimoine national

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