Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UDI-UC) publiée le 28/07/2016

M. Hervé Maurey attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la désertification médicale, qui ne cesse de s'étendre malgré les mesures prises par le Gouvernement depuis quatre ans.

Le pacte lancé en 2012 pour lutter contre les déserts médicaux, renouvelé en 2015, a proposé un certain nombre de mesures qui n'ont pas été à la hauteur du problème qui touche nos territoires depuis près de vingt-cinq ans. En effet, si l'on en croit les données fournies en 2016 par le conseil national de l'ordre des médecins dans son atlas de la démographie médicale, la fracture sanitaire ne cesse de s'aggraver, révélant l'échec de l'action gouvernementale en ce domaine.

Ainsi, la France continue de présenter d'importantes disparités territoriales alarmantes : si les territoires de la façade atlantique, de Rhône-Alpes et les territoires transfrontaliers (Nord, Est) voient leurs effectifs augmenter, d'autres territoires comme le Centre, la Bourgogne, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et même l'Île de France, sont de plus en plus en souffrance. Il existe même des déserts médicaux dans les départements et régions pourtant bien dotés, comme la Bretagne intérieure.

Selon toutes les spécialités confondues et tous les modes d'exercice, 86 départements enregistrent une baisse de la densité médicale sur la période 2007 à 2016. Le département du Gers comptabilise la plus forte baisse nationale (- 20,2 %).

L'étude de l'association UFC-Que choisir, publiée en juin 2016, révèle que 14,6 millions de personnes vivent en 2016 dans un territoire où l'offre de soins libérale est « notoirement insuffisante ». En quatre ans, plus du quart des Français ont vu diminuer le nombre de médecins généralistes accessibles en moins de 30 minutes en voiture, et six Français sur dix ont connu une réduction du nombre de gynécologues accessibles à moins de 45 minutes.

En 2013, il avait proposé dans son rapport d'information n° 335 (Sénat, 2012-2013) un certain nombre de mesures, comme l'extension aux médecins du conventionnement sélectif en fonction de la nature des zones d'installation. Un médecin ne pourrait ainsi s'installer dans une zone sur-dotée qu'à la condition de remplacer un confrère parti en retraite ou parti exercer ailleurs. Ce dispositif existe déjà pour un grand nombre de professions de santé (pharmaciens, kinés, sages-femmes, etc.) et a prouvé son efficacité : il a ainsi permis d'augmenter de 30 % le nombre de kinésithérapeutes dans les zones sous-dotées.

D'autres solutions existent par ailleurs, comme le développement de la télémédecine ou la mise en place d'une offre de soins ambulatoires assurés par des remplaçants salariés dans les zones fragiles.

Plus de quatre ans après sa prise de pouvoir, on ne peut que constater l'échec du gouvernement socialiste, qui n'a pas su prendre la mesure de l'urgence démographique et a encore une fois prouvé son manque de courage politique pour prendre les vraies mesures permettant de garantir un accès aux soins à tous les citoyens.

Il souhaiterait donc savoir comment le Gouvernement envisage son action dans les prochains mois pour éviter d'alourdir encore le bilan, déjà catastrophique, de la démographie médicale.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales et de la santé, chargé des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion publiée le 25/01/2017

Réponse apportée en séance publique le 24/01/2017

M. Hervé Maurey. Madame la secrétaire d'État, bien que le nombre de médecins n'ait jamais été aussi élevé en France, la désertification médicale ne cesse de s'aggraver.

Les disparités territoriales sont de plus en plus alarmantes : alors que la ville de Paris compte 8 médecins pour 1 000 habitants, le département de l'Eure, dont je suis l'élu, en dénombre 2 pour 1 000 habitants.

Toutes spécialités confondues, 86 départements enregistrent une baisse de la densité médicale sur la période 2007-2016.

Une étude récente révèle que 14,6 millions de personnes vivaient en 2016 dans un territoire où l'offre de soins libérale est « notoirement insuffisante ».

En quatre ans, plus du quart des Français ont vu diminuer le nombre de médecins généralistes accessibles à moins de trente minutes en voiture.

Plus grave encore, le temps d'attente pour obtenir un rendez-vous n'a cessé d'augmenter depuis 2012.

Aujourd'hui, deux Français sur trois renoncent à des soins à cause des délais d'attente. Ils étaient 59 % en 2012. Pour obtenir un rendez-vous avec un ophtalmologiste, le délai est en moyenne de 110 jours.

Voilà le triste bilan du Gouvernement en termes de démographie médicale.

Je vous rappelle que, depuis 2009, avec un certain nombre de mes collègues, je propose l'extension aux médecins du conventionnement sélectif en fonction de la zone d'installation.

En vertu de ce dispositif, un médecin resterait, naturellement, libre de son installation, mais, pour s'installer dans une zone surdotée, il devrait soit remplacer un confrère partant dans un autre secteur, soit renoncer au conventionnement.

Ce dispositif existe déjà pour un grand nombre de professions de santé et il a fait la preuve de son efficacité. Il a, par exemple, permis d'augmenter de 30 % le nombre de kinésithérapeutes dans les zones sous-dotées.

Les mesures incitatives que vous prônez sont sans doute nécessaires, mais elles sont insuffisantes. Vingt-cinq ans de politiques purement incitatives le prouvent, malheureusement.

Il ne s'agit pas de « revoir sans tabou le dogme de la liberté d'installation des praticiens médicaux », comme l'appelait de ses vœux Mme Marisol Touraine en 2011, mais de réguler cette liberté, comme toute liberté, et de la soumettre à un principe plus important encore : l'intérêt général.

Madame la secrétaire d'État, ma question est simple : avant de nous quitter, ce gouvernement envisage-t-il de faire enfin preuve de courage en prenant des mesures efficaces, de nature à enrayer la situation dramatique de l'accès aux soins dans les territoires ruraux, mais aussi, et de plus en plus, dans certains territoires urbains ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, vous appelez l'attention de la ministre des affaires sociales et de la santé sur la question de l'accès aux soins dans les territoires et, plus spécifiquement, de la démographie médicale.

Devant cette problématique complexe, qui concerne le vieillissement de la population, l'organisation des soins en ville et en milieu rural, mais aussi les souhaits de vie des professionnels et des personnels de toute une génération de praticiens de santé, je regrette que la seule solution que vous avanciez systématiquement dans le débat soit la mise en place d'un conventionnement sélectif des médecins.

Vous parlez de courage politique, mais je me demande pourquoi vous n'avez pas mis en place cette mesure pendant les dix années où vous étiez au pouvoir !

Marisol Touraine a déjà eu l'occasion de le dire devant vous lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 : le conventionnement sélectif, c'est d'abord l'assurance de voir s'installer dans nos villes des médecins déconventionnés, dont les patients ne seront pas remboursés par la sécurité sociale. C'est la création d'une médecine rapide pour les riches et d'une médecine dégradée pour les pauvres avec des temps d'accès aux soins incomparables avec ceux que nous connaissons aujourd'hui. Je vous réponds ici comme secrétaire d'État chargée de la lutte contre l'exclusion : ce n'est pas une bonne solution.

La vraie question est l'organisation des soins ambulatoires. C'est bien cela qui est au cœur du pacte territoire-santé, lancé dès 2012 – nous n'avons pas attendu ! – par ce gouvernement.

Pendant ce quinquennat, le nombre de maisons de santé a été multiplié par cinq. Voilà une mesure structurante ! La loi de modernisation de notre système de santé en contenait d'autres : elle a créé les plates-formes territoriales d'appui et les communautés professionnelles territoriales de santé, deux innovations dont ont su se saisir les professionnels de santé.

Enfin, vous évoquez le développement de la télémédecine (M. Hervé Maurey fait un signe de dénégation.) et la mise en place d'une offre de soins ambulatoires assurée par des remplaçants dans les zones fragiles. Je ne doute pas que vous saurez agir dans votre territoire avec le soutien du développement de la télémédecine, que ce gouvernement a mis en place dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, et que vous ferez la promotion du praticien territorial médical de remplacement, issu du même texte.

Monsieur le président Maurey, vous reprochez à la ministre de la santé de ne pas avoir su prendre la mesure de l'urgence démographique. C'est pourtant bien parce que la ministre et ce gouvernement en avaient pleinement conscience que nous ne nous sommes pas contentés de mesures dénuées d'efficacité, voire simplement populistes. Il n'existe pas de solution miracle à la désertification médicale. Relâcher le numerus clausus ou mettre un terme à la liberté d'installation ne résoudra pas le problème. Il nous faut prendre un ensemble de mesures structurelles, qui demandent du temps, mais qui produisent déjà des résultats.

Ces grandes avancées s'inscrivent dans la durée, c'est tout le sens de l'action de Marisol Touraine depuis cinq ans.

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Madame la secrétaire d'État, il m'avait échappé que j'avais été au pouvoir pendant dix ans. C'est une donnée qui ne m'était pas restée en mémoire, mais vous avez certainement raison…

Toujours est-il que je ne suis pas de ceux dont les propositions diffèrent selon qu'ils sont dans l'opposition ou dans la majorité, contrairement à Mme Touraine qui proposait des mesures coercitives lorsqu'elle était dans l'opposition et qui maintenant ne jure plus que par l'incitatif !

Lorsque j'étais dans la majorité, si c'est à cela que vous faites référence, je prônais déjà les mêmes mesures. Les débats qui se sont tenus ici à l'occasion de l'adoption de la loi Bachelot en 2009 en font foi.

Malheureusement, face à la situation dramatique que connaissent nos territoires, vous faites preuve, d'abord, de déni de réalité et, ensuite – c'est une constante de ce gouvernement –, d'autosatisfaction.

Vous nous expliquez que tout va bien ; que le pacte territoire-santé, c'est formidable ; que les maisons de santé sont la panacée, mais vous oubliez de dire qu'un certain nombre d'entre elles n'ont même pas de médecin.

Vous avez beau vous féliciter de tout ce que vous avez fait, les résultats sont là : la situation ne fait que s'aggraver, et vous ne pouvez pas le contester.

Cela prouve que tout ce qui a été fait durant ces cinq années en matière d'accès aux soins, contrairement aux engagements pris par François Hollande en 2012, est un échec tragique. Aussi, il ne me reste plus qu'à espérer que vos successeurs fassent preuve de plus de courage et de responsabilité.

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