Question de Mme DEMESSINE Michelle (Nord - Communiste républicain et citoyen) publiée le 07/07/2016

Mme Michelle Demessine attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur la nécessité d'un choc de simplification pour les agriculteurs.

« Simplifier, c'est depuis trois ans le mot d'ordre du Gouvernement pour faciliter la vie quotidienne des entreprises et des particuliers, pour bâtir une relation de confiance entre l'administration et ses usagers et favoriser un gain collectif de temps et d'argent. » Cette communication du Gouvernement du 24 mai 2016 est très éloignée de ce que vivent les agriculteurs français !

Hors les déclarations fiscales et sociales habituelles, y compris le « document unique d'évaluation des risques » que les agriculteurs remplissent comme toutes les entreprises, ils ont l'impression fondée de subir une inflation de normes administratives qui polluent leur activité. Il n'y a pas moins de huit déclarations spécifiques au monde agricole !

Ces huit déclarations représentent une moyenne d'une journée de travail par semaine. C'est 2 kg de papiers supplémentaires à remplir par an et par exploitation ! C'est 2 000 à 9 000 euros de frais en plus, dans une période déjà difficile !

A l'évidence, il existe une forme de « surenchère environnementale » qui s'abat sur la profession, notamment les exploitations familiales. Surenchère nourrie par la transposition de textes européens en droit français avec des règles parfois plus contraignantes en France, ce qui génère une concurrence déloyale favorable aux agriculteurs d'autres pays européens moins tatillons : par exemple, nos voisins agriculteurs belges, qui vendent aussi leurs produits en France, ont une réglementation beaucoup plus simple chez eux ! Ils sont donc largement avantagés par rapport aux agriculteurs français.

À cela s'ajoute la complexité des dossiers pour l'attribution des aides de la politique agricole commune (PAC) qui sont aujourd'hui découplées.

Les agriculteurs français sont confrontés à des normes qui les étouffent désormais presque autant que les difficultés financières. De plus, la multiplication des déclarations se traduit naturellement par la multiplication des contrôles. Une exploitation familiale est contrôlée au moins une fois par an. Tout cela n'instaure pas de relation de confiance.

Pour protéger les consommateurs français et européens, les règles environnementales et sanitaires doivent être les mêmes dans tous les pays d'Europe ! Elles doivent être contrôlées de la même manière partout.

C'est loin d'être le cas. Et cette bureaucratie est d'autant plus mal vécue que des groupes comme Monsanto peuvent dicter leur loi sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) ou le Round-up ! Et que dire des conséquences à venir du traité transatlantique en cours de négociation, et des effets économiques, agricoles, sanitaires ou environnementaux qui résulteront de l'irruption de produits issus de l'agriculture américaine sur le marché intérieur français !

Le Gouvernement peut agir rapidement dans ce domaine pour alléger les formalités administratives des agriculteurs français, tout en restant dans le cadre de règles de protection répondant à l'attente de nos concitoyens. Faisons le choix pour notre agriculture d'être, au moins, alignée sur les normes administratives appliquées dans les principaux pays agricoles d'Europe.

Des centaines de milliers d'agriculteurs gagneraient du temps et de l'argent ! L'État n'y perdrait pas de ressources et retrouverait du crédit et de la confiance auprès d'une profession qui mérite d'être entendue, soutenue et respectée !

Elle souhaiterait donc savoir quelles mesures entend prendre le Gouvernement pour opérer le choc de simplification que demandent instamment les agriculteurs.

- page 2950


Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 20/10/2016

Le cumul des réglementations actuellement en vigueur et la complexité que cela peut induire pour les particuliers ou pour les acteurs économiques, et notamment pour les agriculteurs, est le reflet de la prise en compte dans l'action publique, que ce soit par le pouvoir exécutif ou par le pouvoir législatif, d'intérêts généraux divers comme de situations particulières toujours plus nombreuses. L'effort de simplification du droit et des relations entre les citoyens et l'administration vise à éviter que ce mouvement naturel de complexification des normes n'induise à terme de paralysie, et à faire en sorte que la mise en œuvre de nouvelles normes ou de nouvelles procédures se fasse de la façon la plus opérationnelle et compréhensible possible pour les usagers. C'est dans cet esprit que le Gouvernement mène une politique de simplification de la vie des entreprises, comme de celle des particuliers, ambitieuse et dynamique. En ce qui concerne plus spécifiquement les agriculteurs, la simplification est menée tant sur le plan de l'allègement du droit que sur celui de la simplification des procédures. Parmi les chantiers de simplification actuellement en cours pour le compte du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt (MAAF), il faut citer l'accès facilité à l'ensemble des démarches par le site internet « Mes démarches » et à la réglementation via le site « Bo-agri », une refonte des formulaires du MAAF afin de les rendre plus clairs et plus faciles à renseigner, et le développement de nombreuses téléprocédures, dont l'amélioration permanente du téléservice « TelePAC » qui sécurise et simplifie le dépôt des dossiers de demandes d'aides au titre de la politique agricole commune. S'agissant des contrôles, un travail important a été mené, à la suite de la mission parlementaire confiée en 2015 à Mme Frédérique Massat, députée de l'Ariège, pour mieux organiser les contrôles, en limitant et regroupant les contrôles sur place, et en les remplaçant autant que possible par des contrôles sur pièce. L'objectif est aussi de mieux expliquer aux exploitants les objectifs et le déroulé des contrôles, et ce le plus en amont possible. D'autres chantiers ont été menés par le Gouvernement sur des normes ou procédures relevant de la compétence de plusieurs départements ministériels : les procédures liées aux installations d'élevage ont par exemple été simplifiées avec succès, en 2013 pour les porcs et en 2015 pour les volailles. Pour les bovins, la simplification attendue devrait être effective d'ici la fin de l'année 2016. Ces mesures ont permis de réduire significativement les délais de mise en œuvre des projets d'investissement des éleveurs concernés, ce qui était une demande forte des intéressés. Enfin, le Gouvernement a souhaité prendre en compte le fait que les exploitants agricoles sont très préoccupés par le risque de « sur-transposition » des textes européens. Le secteur agricole est très fortement marqué par le droit européen mais cette production normative se compose pour l'essentiel de règlements, qui sont d'application directe en droit interne et ne nécessitent pas de mesures de transposition. Lorsque, cependant, une directive ouvre plusieurs options, le choix ouvert aux États membres est consubstantiel à l'exercice de transposition, et ne peut être qualifié de « sur-transposition ». L'objectif de non « sur-transposition » est en permanence pris en compte dans les cas de transposition et un travail est régulièrement mené pour analyser les réglementations en vigueur et à venir pour éviter toute « sur-transposition ». Plusieurs rapports récents du conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) montrent d'ailleurs que cet exercice de transposition ne résulte pas en une production de normes plus sévère en France que dans les autres grands pays européens en matière agricole. Cependant, le ressenti des agriculteurs sur le poids des normes qui leur sont applicables étant particulièrement négatif, et afin de poursuivre, consolider et amplifier ces différents chantiers, le Premier ministre a ainsi annoncé le 3 septembre 2015 qu'une nouvelle méthode serait élaborée afin d'associer les professionnels agricoles très en amont de la définition des mesures. Cette nouvelle méthode a pour objectif de simplifier les règles qui s'appliquent aux exploitants. Elle devra aussi assurer la cohérence des différentes réglementations et mesurer le respect de l'équivalence des charges qui pèsent sur les agriculteurs français et leurs principaux concurrents européens. Pour répondre à cette préoccupation, le Premier ministre a confié par courrier du 4 mars 2016 à M. Pierre-Etienne Bisch, préfet et conseiller d'État en service extraordinaire, la présidence d'un comité qui associe les organisations syndicales représentatives agricoles, les directions des cabinets des ministères concernés, des représentants de l'association des régions de France, des chambres d'agriculture, des coopératives agricoles et des instituts techniques. Ce comité, nommé le « comité pour la rénovation des normes en agriculture (CORENA) »,  s'est réuni pour la première fois le 23 mars 2016, puis à nouveau en format plénier le 5 juillet 2016. Il examinera également les propositions de simplification de la réglementation en vigueur qui doivent être proposées d'ici la fin de l'année par la mission parlementaire confiée le 10 mai 2016 à Mme Odette Herviaux, sénatrice du Morbihan. Cette nouvelle méthode permettra de faire évoluer régulièrement la législation française en accord avec les textes européens tout en prenant en compte la légitime demande professionnelle de simplification, de sécurité juridique et d'absence de distorsion avec les agriculteurs des pays voisins.

- page 4585

Page mise à jour le