Question de M. REQUIER Jean-Claude (Lot - RDSE) publiée le 30/09/2016

Question posée en séance publique le 29/09/2016

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du RDSE.


M. Jean-Claude Requier. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et concerne la situation d'urgence absolue dans laquelle se trouvent beaucoup de nos agriculteurs.

Monsieur le ministre, vous connaissez la situation : des crises en cascade affectent notre agriculture, en raison de problèmes liés aux marchés, d'événements climatiques et sanitaires et même de décisions géopolitiques. Crise du lait, de l'élevage, des céréales, des fruits et légumes… Rares sont les filières épargnées, si bien que l'on a pu lire et entendre que l'agriculture française serait « en faillite ».

Force est de constater que, dans une grande majorité des exploitations, les chiffres d'affaires ne couvrent plus les charges. Pour compenser, les agriculteurs réduisent leurs charges, retardent leurs investissements et se rémunèrent peu ou pas du tout. Dans le même temps, les dettes augmentent : l'endettement moyen est passé de 50 000 euros en 1980 à plus de 170 000 euros en 2012. Résultat : en quinze ans, la moitié des exploitations ont disparu. Dernier indicateur tragique : le nombre de suicides dans le secteur est en forte hausse.

Pendant ce temps, les industriels ont encore augmenté leurs marges au détriment des agriculteurs. Songez que, dans la grande distribution, sur 100 euros dépensés en alimentaire, 18 euros seulement reviennent à l'agriculteur !

Monsieur le ministre, comment enrayer cette spirale infernale ?

La crise du lait demeure depuis des années ; elle s'est aggravée après l'embargo russe d'août 2014 et plus encore après la fin des quotas laitiers en avril 2015. Les cours du lait ne cessent de chuter. Des aides ont été promises par la Commission européenne au prorata des litres non produits. Où en est-on à cet égard ?

Du côté des éleveurs, la FNB estime que près d'un tiers des exploitants de bovins, soit 25 000 éleveurs, pourraient disparaître dès cet automne !

En raison d'une récolte mondiale de céréales à des niveaux historiquement élevés et de conditions climatiques défavorables pour la plus grande part des céréaliers français, les moissons sont catastrophiques et les rendements très bas.

Encore faut-il ajouter à ce tableau la chute de la production de fruits et légumes après un printemps frais et pluvieux.

Monsieur le ministre, vous ne pouvez certes pas agir sur le climat, mais comment le Gouvernement peut-il aider davantage encore, dans l'urgence, notre agriculture ? Ne faut-il pas repenser notre modèle agricole, qui a si longtemps fait notre fierté, mais ne semble plus adapté pour faire face aux crises actuelles ? Quand nos agriculteurs pourront-ils dire eux aussi : « Ça va mieux » ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 30/09/2016

Réponse apportée en séance publique le 29/09/2016

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Requier, vous avez fait le tour des difficultés que rencontre notre agriculture en essayant de réfléchir à une solution globale.

Je voudrais d'abord rappeler dans quelles crises nous nous trouvons.

Il y a les crises liées à l'élevage. Des dizaines de débats se sont tenus au Sénat sur la crise porcine, qui était l'an dernier au cœur des préoccupations ; aujourd'hui, le marché du porc s'est redressé et le prix du kilo est supérieur à 1,53 euro. Il faut donc aussi, quelquefois, regarder l'avenir avec espoir…

Nous traversons une crise laitière, qui est une crise de surproduction consécutive à l'accroissement de la production au-delà de la demande aux niveaux européen et mondial. Devant les conséquences de cette situation sur les prix, nous avons mobilisé à l'échelle européenne une majorité d'États, ainsi que la Commission européenne, pour que soit mis en œuvre, pour la première fois, un article que nous avions négocié au moment de la PAC et qui permet d'engager une maîtrise volontaire de la production.

Les producteurs français ont répondu présent, à hauteur de 13 000 exploitations et 180 000 tonnes de lait économisées. L'objectif de la Commission européenne sera atteint, et l'Europe va enfin réduire sa production pour rééquilibrer le marché. Depuis la fin des quotas laitiers, décidée en 2008 et devenue effective en 2015, jamais à l'échelle européenne une mesure de maîtrise de la production n'avait été mise en place. C'est sur l'initiative de la France que celle-ci a été prise ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Il y a ensuite la crise céréalière, qui résulte en partie des inondations du printemps, qui ont provoqué des baisses de rendement inédites depuis une trentaine d'années. Nous devons y faire face tout de suite. M. le Premier ministre et moi-même présenterons mardi prochain un plan en ce sens, comme nous l'avions fait l'an dernier pour l'élevage.

M. Alain Vasselle. On ne peut pas attendre ! Il y a urgence !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Il y a toujours urgence, monsieur le sénateur. C'est bien pourquoi nous travaillons tous les jours.

M. le président. Il faut conclure !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Si nous voulons une agriculture compétitive – nous avons consenti près de 600 millions d'euros de baisses de charges –, il nous faut une stratégie de moyen terme qui combine la performance économique et la performance environnementale et qui favorise la baisse des charges opérationnelles, ainsi que le partage des investissements. C'est ainsi que nous serons à la fois environnementalement durables et économiquement compétitifs ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

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