Question de M. de NICOLAY Louis-Jean (Sarthe - Les Républicains) publiée le 22/09/2016

M. Louis-Jean de Nicolaÿ attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur d'éventuelles mesures de régulation qui pourraient être mises en place aux fins de lutte contre les « déserts médicaux ».

En effet, il n'y a jamais eu autant de médecins en France, et pourtant ces déserts médicaux en campagne et en zones périurbaines se développent selon un constat établi par le conseil national de l'ordre des médecins. C'est ainsi que 49 % des Sarthois ont vu leur accès géographique aux médecins généralistes reculer, et plus encore pour les spécialistes (84 % en ce qui concerne les pédiatres, 75 % les ophtalmologues, 73 % les gynécologues).

Le 25 août 2016, une nouvelle convention entre médecins et sécurité sociale a été signée officialisant quatre nouvelles mesures pour les zones sous dotées. Ces mesures ne restent cependant qu'incitatives.

Or, force est de constater que le bilan des mesures incitatives envisagées ces dernières années dans le cadre du pacte territoires santé (PTS), et qui ont malgré tout leur importance, reste cruellement insuffisant.

Ainsi, la signature de contrats visant à « séduire » les étudiants (contrat d'engagement de service public - CESP) ou à sécuriser les médecins généralistes (praticien territorial de médecine générale - PTMG) pour revigorer les zones sous dotées n'a pas vraiment permis d'inverser la tendance. Quant à la mise en place des maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) afin d'encourager l'exercice collectif pluridisciplinaire, elle reste extrêmement coûteuse et met en exergue des divergences d'approches entre élus et professionnels de santé pour la mise en application des projets envisagés.

Par ailleurs, augmenter le numerus clausus, comme il est proposé dans les régions déficitaires, reste un moyen tout à fait hypothétique pour lutter contre ces zones sous dotées, puisque le laps de temps entre la formation et l'installation effective de médecins ne permet pas d'apporter une réponse immédiate et, par ailleurs, ne permet pas d'assurer que cette installation se fera dans ces zones.

Il est donc urgent de mettre en place une politique ambitieuse qui garantisse l'accès de tous à des soins de qualité et satisfasse ainsi l'intérêt général.

Dans cette optique, il lui demande quel est son avis concernant la mise en place de mesures concrètes de régulation en complément de l'arsenal incitatif existant : par exemple, la revalorisation substantielle des aides que prévoit la convention médicale dans ses options « démographie » et « santé-solidarité territoriale » dans les zonages déterminés par les agences régionales de santé (ARS) mais aussi dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) en y allégeant les conditions ; voire un conventionnement qui encouragerait l'installation en zone rurale. Ces mesures pourraient évidemment être envisagées sur des périodes transitoires.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales et de la santé, chargé des personnes âgées et de l'autonomie publiée le 21/12/2016

Réponse apportée en séance publique le 20/12/2016

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Il n'y a jamais eu autant de médecins en France ; néanmoins, selon un constat établi par le Conseil national de l'ordre des médecins, les déserts médicaux à la campagne et dans les zones périurbaines se développent. C'est ainsi que 49 % des Sarthois ont vu leur accès géographique aux médecins généralistes reculer, et plus encore pour les spécialistes : 84 % en ce qui concerne les pédiatres, 75 % pour les ophtalmologues, 73 % pour les gynécologues.

Le 25 août dernier, une nouvelle convention entre médecins et assurance maladie a été signée, ce qui a officialisé quatre nouvelles mesures pour les zones sous-dotées, mesures qui restent pourtant simplement incitatives.

Ainsi, la signature de contrats visant à séduire les étudiants ou à sécuriser les médecins généralistes pour revigorer les zones sous-dotées n'a pas vraiment permis d'inverser la tendance, et la mise en place des maisons de santé pluriprofessionnelles, qui visent à encourager l'exercice collectif pluridisciplinaire, reste aujourd'hui extrêmement coûteuse et, en pratique, met en exergue des divergences d'approche entre élus et professionnels de santé.

Par ailleurs, augmenter le numerus clausus, comme il est proposé dans les régions déficitaires, reste un moyen à long terme et hypothétique de lutter contre ces zones sous-dotées, puisque le laps de temps entre la formation et l'installation effective de médecins ne permet pas d'apporter une réponse immédiate et, par ailleurs, ne permet pas d'assurer que cette installation se fera dans ces zones.

Il est donc urgent de mettre en place une politique ambitieuse qui garantisse l'accès de tous à des soins de qualité et satisfasse ainsi l'intérêt général.

Nous regrettons que plusieurs mesures qui pouvaient constituer de vraies solutions sur le sujet n'aient pas prospéré lors des débats relatifs au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 ; je pense notamment au conventionnement sélectif, pourtant introduit par votre majorité, ou à la situation des médecins retraités en zones sous-denses, qui avait largement rassemblé le Sénat.

Aussi, je souhaite particulièrement attirer votre attention sur ces mesures de régulation qui pourraient être mises en place en complément de l'arsenal incitatif existant. Peut-être, et avant toute chose, faudrait-il rendre obligatoire, dans le cadre de la convention nationale, les négociations sur le conventionnement afin d'encourager l'installation en zones rurales.

On pourrait aussi, par exemple, revaloriser substantiellement les aides prévues par la convention médicale, dans ses options « démographie » et « santé-solidarité territoriale », au sein des zonages déterminés par les agences régionales de santé, mais également dans les zones de revitalisation rurale, tout en y allégeant les conditions. Ces mesures peuvent évidemment être envisagées sur des périodes transitoires.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le sénateur, nombre de Français éprouvent des inquiétudes légitimes concernant le maintien d'une offre de soins dans les territoires ruraux. Ces inquiétudes ne datent pas d'hier : elles sont le fruit d'années durant lesquelles les pouvoirs publics avaient tout simplement cessé d'inventer. Elles sont aussi la conséquence d'un creux démographique lié aux départs en retraite de la génération du baby-boom, phénomène qui dépasse très largement les seuls médecins.

Pour répondre à cette inquiétude, le Gouvernement poursuit une ambition claire et assumée : inciter les jeunes médecins à s'installer dans les territoires sous-dotés.

Concrètement, il s'agit de faciliter l'installation du médecin en lui assurant une certaine sécurité professionnelle, sociale et financière. Les dispositifs mis en place dans le cadre du pacte territoire-santé connaissent aujourd'hui un vrai succès : 665 praticiens territoriaux de médecine générale se sont installés dans des zones sous-dotées, 1 750 étudiants ont signé un contrat d'engagement de service public, et notre pays compte désormais 830 maisons de santé pluriprofessionnelles.

Pour encourager les jeunes médecins à s'installer dans ces territoires, il fallait aussi revoir en profondeur leur formation pour la rendre mieux adaptée et plus professionnalisante. Nous avons donc augmenté le nombre de maîtres de stage universitaires parmi les professionnels de santé de terrain.

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, aura très prochainement l'occasion de présenter le bilan du pacte territoire-santé.

En revanche, nous avons la conviction que la mise en place d'une restriction à la liberté d'installation serait inefficace. Un quart des étudiants diplômés en médecine ne s'inscrivent pas à l'Ordre et choisissent des professions sans lien avec le soin. Les autres risquent quant à eux d'opter pour un exercice spécialisé, au détriment de la médecine générale.

Enfin, le conventionnement sélectif inciterait le médecin à opter pour un exercice hors convention, non remboursé par la sécurité sociale, créant ainsi une médecine à deux vitesses.

Instaurer de tels mécanismes remettrait en cause le travail qui est aujourd'hui bien engagé avec l'ensemble des acteurs, sans proposer de solution de remplacement crédible ou durable.

La démographie médicale est un sujet complexe, exigeant. Il doit nous appeler à refuser le mirage du court-termisme et à réformer en profondeur.

M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Madame la secrétaire d'État, je n'ignore pas les efforts accomplis pour essayer de trouver des solutions au problème de démographie médicale dans les territoires. Aujourd'hui, certains territoires souffrent beaucoup plus que d'autres et ont des difficultés à voir des médecins s'installer.

Certes, les décisions générales qui sont prises peuvent être quelquefois assez efficaces, mais des mesures encore plus spécifiques manquent encore pour inciter les médecins à s'installer dans des territoires qui risquent de perdre dans les trois ou quatre prochaines années la totalité de leurs médecins. Une carte de la région des Pays de la Loire a été publiée dernièrement : on y voit de véritables déserts médicaux. Dans ces zones, les mesures, bien qu'elles soient très incitatives, ne sont pas assez puissantes pour obliger les médecins à s'installer.

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