Question de M. DESESSARD Jean (Paris - Écologiste) publiée le 28/10/2016

Question posée en séance publique le 27/10/2016

M. Jean Desessard. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

Le sommet européen relatif à la signature du projet de traité de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne, projet connu sous le sigle CETA, a été annulé.

En effet, le Parlement de Wallonie, judicieusement renommée Wallonix par le journal Libération, refusait de ratifier l'accord malgré les nombreuses pressions politiques qu'il a subies.


M. Jean Bizet. Le problème est réglé !


M. Jean Desessard. Les écologistes se reconnaissaient dans cette opposition, partageant trois inquiétudes.

La première d'entre elles est démocratique. À l'ère du numérique, les pratiques discrétionnaires mises en œuvre pour élaborer ce traité sont inconcevables : des années de négociations opaques et secrètes entre technocrates, éloignées de la vigilance des citoyens européens et de leurs parlements, ont abouti à un texte complexe de 1 600 pages, à prendre ou à laisser.


M. Bruno Sido. N'importe quoi !


M. Jean Bizet. C'est réglé !


M. Jean Desessard. La deuxième inquiétude est économique. Le CETA, d'inspiration néolibérale, participe à transformer la planète entière en un immense marché où les règles sociales encadrant le commerce seront supprimées, ainsi que les barrières douanières qui protègent les économies ou les agricultures locales.

La troisième inquiétude est écologique. Alors que l'accord de Paris sur le climat va entrer en vigueur, ce long texte n'en fait nullement mention… Pourtant, la multiplication des échanges commerciaux sans contrepartie fait obstacle à la lutte contre le réchauffement climatique.

Ce projet de traité, en l'état, constitue une menace pour l'environnement.

Aujourd'hui, nous venons d'apprendre que les différentes parties belges ont trouvé un accord tenant compte des demandes wallonnes, notamment un droit de retrait en matière agricole, une protection accrue des services publics et, surtout, le report de la mise en place des tribunaux arbitraux.

Monsieur le secrétaire d'État, comme le gouvernement wallon l'a fortement exprimé, ce type d'accord commercial doit être l'occasion de déterminer des standards internationaux toujours plus exigeants en matière environnementale et sociale et non l'inverse.

Le gouvernement français va-t-il soutenir la dynamique engagée par le peuple wallon en vue de modifier en profondeur le CETA ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.)


M. Jean Bizet. C'est réglé !

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes publiée le 28/10/2016

Réponse apportée en séance publique le 27/10/2016

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur Desessard, nous nous réjouissons que l'accord qui vient d'être trouvé en Belgique permette de débloquer la situation sur le CETA. (M. Bruno Sido applaudit.) Cet après-midi se tiendra une réunion avec les représentants des vingt-huit États membres qui va rendre possible la signature de ce traité.

Nous nous en réjouissons, car la France considère que, après de longues années de négociations, nous sommes arrivés à un bon accord avec le Canada. Le CETA est un accord positif, équilibré et régulé. (« Non ! » sur les travées du groupe CRC.) Nous nous félicitons donc qu'il puisse être signé.

La reconnaissance de quarante-deux de nos indications géographiques, les garanties pour les normes sociales et environnementales, la protection des services publics, le mécanisme de règlement des différends sous contrôle public, tout cela, ainsi que nous le souhaitions, figure dans l'accord.

De même, parce que nous partageons des valeurs communes fortes avec le Canada, toutes nos lignes rouges ont été respectées. Donc, sur l'exception culturelle, les services publics, le principe de précaution, la sauvegarde de notre modèle alimentaire, les garanties figurent dans l'accord.

Avec le Canada, nous avons également retenu l'instauration de la première cour publique sur les investissements qui met fin aux dérives de l'arbitrage privé, le fameux ISDS.

Toutes ces questions étaient également soulevées par le parlement de Wallonie et des réponses leur ont été apportées. Cela permet, sur l'agriculture, sur les services publics, sur le droit à réguler le mécanisme de règlement des différends, que les réserves du parlement wallon soient levées et que la Belgique puisse approuver la signature de ce traité.

Ce qui se passe avec le CETA est la démonstration qu'il faut associer pleinement, étroitement, les parlements à la négociation, à la préparation des accords de commerce.

M. Jean Desessard. Voilà !

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. C'est une position très importante que la France défend, en particulier à propos d'un autre accord actuellement en discussion avec les États-Unis. Dans ces questions d'accords de commerce, la substance est plus importante que le calendrier.

De tels accords doivent être négociés de façon plus transparente. Ils doivent être fondés sur la réciprocité, offrir toutes les garanties de respect des normes environnementales et sociales et ne pas mettre en cause le droit à réguler des États, sans quoi ils ne seront pas soutenus par les parlements.

Nous pensons que de bons accords commerciaux sont possibles. Il y va de l'intérêt de l'Union européenne de les négocier. Mais elle doit le faire en mettant en avant des exigences fortes, car c'est ainsi qu'elle peut contribuer à une mondialisation mieux régulée et mieux acceptée. Tel est le rôle de l'Europe : défendre nos intérêts commerciaux et promouvoir la régulation dans la mondialisation. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)

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