Question de M. ASSOULINE David (Paris - Socialiste et républicain) publiée le 28/10/2016

Question posée en séance publique le 27/10/2016

M. David Assouline. Ce matin, comme depuis onze jours, à la très grande majorité, les salariés d'iTélé ont reconduit la grève qu'ils ont engagée en opposition à une décision de leur direction contraire à l'éthique et à la crédibilité de leur chaîne d'information.

La direction non seulement continue de refuser de revenir en arrière, mais elle multiplie les actes d'intimidation et de mépris, en mettant – notez la très grande classe ! –, le week-end, les effets personnels de salariés dans des poubelles, en démagnétisant les badges d'accès des pigistes, par exemple.

Nous avons discuté au Sénat, et le Parlement l'a adoptée, une loi soutenue par les socialistes puis par le Gouvernement visant à renforcer l'indépendance et la liberté des rédactions et des journalistes.

« Loi inutile, tout va bien », nous disaient certains. Or la crise à iTélé vient nous rappeler que cette tendance à la concentration des médias entre les mains de quelques grands groupes privés, dont les objectifs et les activités principales n'ont souvent aucun rapport avec le monde de l'information, peut conduire à des confusions des genres et à des tentatives de mises au pas des rédactions.

Être propriétaire et investisseur donne des droits, mais ne donne pas tous les droits, surtout quand il s'agit de l'information qui ne peut souffrir de décisions ou de pressions qui nuisent à la déontologie indispensable à l'exercice du métier de journaliste.

À l'instar de la quasi-totalité des rédactions des médias de notre pays qui sentent bien que c'est aussi de leur avenir qu'il s'agit, mon groupe manifeste sa solidarité avec les salariés d'iTélé.

Que compte répondre le Gouvernement à la demande de médiation nécessaire et urgente pour sortir de ce blocage ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 28/10/2016

Réponse apportée en séance publique le 27/10/2016

Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Assouline, le conflit à iTélé dépasse largement le cas de cette seule chaîne de télévision. Il s'agit de questions d'éthique, d'indépendance et de liberté.

Ce conflit révèle trois problèmes, que les pouvoirs publics, chacun à leur niveau, essayent de résoudre.

Pour moi, le sujet central, c'est celui de l'indépendance des rédactions par rapport aux intérêts des annonceurs et des actionnaires.

Vous avez vous-même pris des initiatives sur ce sujet depuis 2009, et nous devons collectivement non seulement aux journalistes, mais aussi au grand public des garanties à cet égard. Une proposition de loi visant à renforcer ces garanties, texte cosigné notamment par Patrick Bloche, vient d'être votée par l'Assemblée nationale, malheureusement sans le soutien de la majorité sénatoriale, ce que je regrette.

D'ici au 1er juillet 2017, chaque journal, chaque chaîne de télévision, chaque radio devra se doter d'une charte de déontologie qui sera négociée avec les journalistes, et c'est précisément ce que réclament aujourd'hui les salariés d'iTélé.

Aux termes de la loi, un comité d'indépendance veillera à l'honnêteté de l'information. La protection des sources des journalistes sera mieux assurée et les lanceurs d'alerte protégés.

Ce conflit révèle aussi une forme de dérive dans la conception de ce que doit être une chaîne d'information. Ce n'est pas au Gouvernement de dire si tel animateur a sa place dans une chaîne d'information, mais c'est, en revanche, au CSA de dire si iTélé respecte les termes de la convention qui fixent le format de la chaîne et en contrepartie desquels une fréquence hertzienne lui a été attribuée. Le CSA a été officiellement saisi et il a commencé l'instruction du dossier.

Enfin, les voies normales du dialogue n'ont pas été respectées, ce qui pose un problème au regard du droit du travail. La clause de conscience, dispositif spécifique qui vise à protéger les journalistes, ne doit pas être instrumentalisée. C'est donc un travail de médiation sociale qui a été mis en place à ma demande et à celle de Myriam El Khomri. La direction régionale du travail est sur place et elle y restera pour renouer le dialogue.

Pour conclure, vous le constatez, il s'agit d'enjeux de société majeurs, pour lesquels nous nous engagerons jusqu'au bout, en respectant l'indépendance des journalistes par rapport au pouvoir politique, mais en leur donnant, avec le droit, les moyens de se prémunir contre les dérives et de conserver la confiance du public. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

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