Question de M. GUÉRINI Jean-Noël (Bouches-du-Rhône - RDSE-R) publiée le 13/10/2016

M. Jean-Noël Guérini appelle l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur le trop fréquent renoncement des Français aux soins bucco-dentaires.
Dans son rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, rendu public le 20 septembre 2016, la Cour des comptes consacre un chapitre entier aux soins bucco-dentaires. La Cour relève que près d'un assuré sur cinq déclare avoir renoncé à des soins dentaires pour des raisons financières. Ces soins (10,6 Md€) ne sont plus remboursés par l'assurance maladie qu'à hauteur de 33 % en 2014 contre 36 % en 2006 ; les organismes complémentaires prennent en charge 39 % et les assurés sociaux 25 %, tandis que 3 % proviennent de financements publics, par exemple pour la couverture maladie universelle. La part des assurés sociaux représente donc un reste à charge important, ce qui génère « de profondes inégalités d'accès aux soins en fonction des revenus et des lieux de vie ».
Sachant que les soins dentaires représentent à eux seuls près de la moitié des renoncements aux soins, d'où un état de santé bucco-dentaire de la population française jugé médiocre par rapport à la moyenne européenne, il aimerait savoir si elle compte inspirer son action des préconisations de la Cour des comptes, qui invite à un meilleur remboursement par l'assurance maladie et davantage d'encadrement de la profession.

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Réponse du Ministère des affaires sociales et de la santé publiée le 08/12/2016

La problématique d'accès aux soins dentaires constitue un enjeu permanent qui, comme pour les autres champs de la santé, nécessite de mobiliser plusieurs leviers. Concernant les effectifs de la profession, dans le répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS), 41 800 chirurgiens-dentistes sont recensés en France en 2015, dont 900 dans les DOM. Ils augmentent de 0,7 % par an depuis 2011, en lien avec l'élargissement du numerus clausus à partir de 2008 et la hausse du nombre de nouveaux praticiens diplômés à l'étranger. Auparavant, la démographie de cette profession était orientée à la baisse (-0,3 % par an entre 2006 et 2010). Autre conséquence de l'augmentation du numerus clausus, la profession rajeunit. En 2014, les dentistes sont âgés en moyenne de 48,0 ans. L'augmentation des effectifs se fait via les dentistes salariés, en forte progression depuis 2011. En revanche, les effectifs de chirurgiens-dentistes libéraux sont stables sur la même période (+0,2 % en moyenne annuelle). On dénombre ainsi 37 200 professionnels libéraux en 2015, soit 89 % de la profession. Dans un contexte de libre installation sur le territoire national, les écarts de densité entre le nord et le sud du pays sont significatifs. En 2015, la densité moyenne de chirurgiens-dentistes est de 63,0 pour 100 000 habitants. Il convient de rappeler concernant l'exercice professionnel que la loi de modernisation de notre système de santé a consacré la profession des assistants dentaires pour assister le chirurgien-dentiste ou le médecin exerçant dans le champ de la chirurgie dentaire dans son activité professionnelle, sous sa responsabilité et son contrôle effectif. Dans ce cadre, l'assistant dentaire contribue aux activités de prévention et d'éducation pour la santé dans le domaine bucco-dentaire. L'assistant dentaire est soumis au secret professionnel. Cette reconnaissance devrait permettre de faciliter l'accès aux cabinets dentaires pour l'ensemble de la population. Concernant la tarification des soins dentaires, on distingue trois modes : les consultations et les soins préventifs et conservateurs sont facturés au tarif opposable et pris en charge à 70 % par l'assurance maladie obligatoire (AMO). Les dépassements ne sont pas autorisés sur ces types de soins ; les soins prothétiques et ceux d'orthodontie commencés avant le 16e anniversaire sont facturés le plus souvent avec dépassements. L'AMO prend en charge 70 % du tarif opposable ; les soins de parodontologie, d'implantologie et ceux d'orthodontie débutés après 16 ans font l'objet d'honoraires totalement libres. Ces actes ne sont pas inscrits dans la CCAM et ne sont pas remboursés par l'AMO. Ils sont cependant partiellement pris en charge par certains organismes complémentaires. Parmi les soins remboursables, la part des dépassements dans les honoraires dentaires s'est repliée de 1,1 point entre 2013 et 2015. Elle demeure toutefois à un niveau élevé en 2015 (51,9 %). À titre de comparaison, la part moyenne des dépassements dans les honoraires totaux des stomatologues atteint 44,9 %, contre 17,6 % pour la moyenne des médecins spécialistes. Les dépassements d'honoraires dentaires sont concentrés sur les prothèses et actes d'orthodontie, seuls actes dentaires remboursables sur lesquels ils sont autorisés. Toujours est-il que, malgré la généralisation de la complémentaire santé pour les salariés ou les nouvelles modalités de l'aide à la complémentaire santé (ACS) qui prévoit trois niveaux de couverture, le reste à charge des patients pour les soins dentaires reste élevé. Cette pratique des dépassements d'honoraires persiste alors même que plusieurs mesures tarifaires d'augmentation des tarifs ont eu lieu en 2013 et 2014 : l'examen de prévention bucco-dentaire des jeunes a été revalorisé de 25 à 30 euros en février 2013, ainsi que le tarif de la consultation, porté de 20 à 23 euros. La revalorisation de certains soins conservateurs et chirurgicaux et la rénovation de la classification commune des actes médicaux (CCAM) dentaire sont, quant à elles, entrées en vigueur en juin 2014. La ministre des affaires sociales et de la santé a souhaité, dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 (PLFSS 2017) améliorer la prévention bucco-dentaire en instaurant le principe d'un examen bucco-dentaire de prévention réalisé par un chirurgien-dentiste ou un médecin qualifié en stomatologie pour chacun des assurés dans l'année qui suit leur neuvième, leur quinzième, leur dix-huitième, leur vingt et unième et leur vingt-quatrième anniversaires. Ces examens, ainsi que les soins consécutifs, ne donneront pas lieu à contribution financière de la part des assurés. La nature, les modalités et les conditions de mise en œuvre de cet examen sont renvoyées à la négociation conventionnelle qui vient de débuter ou à défaut à un arrêté interministériel. Par ailleurs, la ministre des affaires sociales et de la santé a précisé l'intention du Gouvernement concernant l'introduction, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, d'une procédure de règlement arbitral dans l'hypothèse où la négociation conventionnelle n'aboutirait pas. En effet, l'accès aux soins dentaires constitue un enjeu majeur pour les français. Or les revalorisations de soins dentaires conservateurs intervenues jusqu'ici ne se sont jamais accompagnées d'une baisse du prix des prothèses. Par ailleurs, une partie des prix est libre, surtout pour les soins prothétiques, ce qui introduit des inégalités fortes, territoriales et sociales. La prise en charge financière par l'assurance maladie (37 % contre 77 % en moyenne pour les autres soins) est inférieure à celle des complémentaires (40%) et le reste à charge pour les patients important (23 % contre 8% en moyenne pour les autres soins). L'objectif est donc double : faire baisser les prix et augmenter progressivement la part de la sécurité sociale dans la prise en charge des soins dentaires à plus de 50 %. C'est pourquoi, tout en laissant la maîtrise aux acteurs concernés, de la négociation conventionnelle d'un avenant à la convention nationale des chirurgiens-dentistes, il est proposé une incitation forte à trouver un accord : à défaut d'accord avant le 1er février 2017, un arbitre préalablement désigné devra arrêter un projet d'avenant dans le mois qui suit, dans le respect du cadre financier pluriannuel des dépenses d'assurance maladie et le transmettre aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. Ce projet d'avenant à la convention reconduit la convention nationale des chirurgiens-dentistes en vigueur, en modifiant ses articles 4.2.1 et 4.3.3 et ses annexes I et V, pour déterminer les tarifs mentionnés au 1° du I de l'article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale et la limite applicable aux dépassements autorisés sur tout ou partie de ces tarifs. Les dispositions de la convention antérieure continuent de produire leurs effets jusqu'à la date d'entrée en vigueur du règlement arbitral qui la remplace.

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