Question de Mme AÏCHI Leila (Paris - Écologiste) publiée le 18/11/2016

Question posée en séance publique le 17/11/2016

Mme Leila Aïchi. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances.

Près d'un milliard d'euros pour l'Europe, de 40 millions pour la France, voilà les montants d'impôts astronomiques évités par BASF grâce à des méthodes qui flirtent avec la légalité.

Un récent rapport de députés européens s'est penché sur les pratiques fiscales agressives de cet industriel chimique allemand, mondialement connu, implanté dans plusieurs pays européens et qui exporte, notamment, des pesticides reconnus comme cancérigènes et interdits à l'usage dans l'Union européenne et en France.

Ce rapport édifiant a révélé l'étendue du système mis en place par l'entreprise pour alléger de manière spectaculaire sa facture fiscale. Aucune parade d'optimisation fiscale – je dis bien aucune – n'a été oubliée : boîtes à brevets, produits hybrides, prix de transfert… Et j'en passe !

Devant de telles sommes, certainement sous-estimées, devant une stratégie d'évitement aussi complexe qui lèse les contribuables français et l'État, il paraît difficile de ne pas s'interroger ! N'est-ce pas une évasion fiscale, monsieur le ministre ?

Comment expliquer la différence abyssale entre les 2 milliards d'euros de ventes réalisés par la filiale de BASF en France et les ridicules 9 millions d'euros de profits déclarés ?

Comment justifier qu'une entreprise qui déclare près de 70 milliards d'euros de chiffre d'affaires ne soit imposée qu'à hauteur de 0,31 % ?

Enfin, comment accepter qu'une entreprise déclare vingt-deux filiales aux Pays-Bas sans aucun employé ?

Au-delà de la simple question comptable, vous admettrez qu'il y a bien là un problème éthique et moral qui porte le populisme en France et en Europe.

En pleine crise, au moment où l'on demande sans cesse des sacrifices aux Français, où l'État peine à boucler ses budgets et où nos PME sont étouffées par la pression fiscale, comment pouvons-nous tolérer de telles pratiques, qui ne sont malheureusement pas l'apanage de BASF ?

Pourtant, les solutions existent ! Mais face au manque de volonté des institutions européennes, face au manque de courage et au détriment de la justice sociale tant réclamée par nos concitoyens, ces solutions peinent à émerger.

Alors, monsieur le ministre, comment a-t-on pu laisser faire ? Le Gouvernement va-t-il réagir devant un tel scandale ? La France va-t-elle se doter de règles suffisantes pour éviter ces pratiques déloyales et honteuses ? Compte-t-elle impulser un élan européen en ce sens ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)

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Réponse du Ministère de l'économie et des finances publiée le 18/11/2016

Réponse apportée en séance publique le 17/11/2016

M. Michel Sapin, ministre de l'économie et des finances. Madame la sénatrice, à partir d'un cas particulier, qui a été soulevé et analysé dans un rapport réalisé par le Parlement européen, vous posez la question décisive de la lutte contre l'évasion fiscale.

Évidemment, nous n'avons pas attendu aujourd'hui pour agir et je vais vous donner quelques éléments sur l'efficacité des politiques que nous menons depuis quelques années.

Je souhaite d'abord vous dire que, sur ce dossier comme sur tous les autres, je suis naturellement tenu par le secret fiscal. (Exclamations sur différentes travées.) S'exclamer ne change rien au fait que la loi s'applique à tous, à vous comme à moi, mesdames, messieurs les sénateurs !

Je peux toutefois vous dire, madame Aïchi, que, si la moindre faute est avérée, elle a été ou est en train d'être redressée par les services de mon ministère.

Pour ce qui concerne la lutte contre l'évasion fiscale de manière générale, je voudrais vous donner deux chiffres. Vous les connaissez, puisque vous êtes bien informée de ces sujets. Avant 2012, le redressement annuel lié à des évasions fiscales s'élevait à environ 16 milliards d'euros ; en 2015, dernière année pour laquelle les chiffres sont connus, ce montant atteint près de 22 milliards d'euros. (Marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains.) En quatre ans, nous avons donc rétabli un montant de base imposable de l'ordre de 6 milliards d'euros.

Cela n'est pas uniquement le résultat du hasard, de l'affirmation d'une volonté – la nôtre ou la vôtre – ou du travail extrêmement méritoire des services du ministère.

Cela provient aussi de l'adoption, en France, de nouvelles règles, qui permettent notamment de mieux appréhender la notion d'établissement stable ou de lutter contre les transferts abusifs liés à la rémunération de prétendus brevets.

Les progrès viennent aussi du fait que la coordination internationale est bien meilleure. Je pense en particulier au projet BEPS, qui est devenu une réalité et qui permet de lutter, à l'échelon international, contre toutes les formes d'érosion fiscale. Ce progrès est considérable et nous sommes passés dans un autre monde.

Vous l'avez dit, les mécanismes d'évasion fiscale ne sont pas acceptables, en particulier dans un monde où des efforts sont demandés à chacun, entreprises comme particuliers.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !

M. Michel Sapin, ministre. Nous avons agi pour que ce qui a pu exister à une époque ne puisse plus advenir et la lutte contre l'évasion fiscale permet, aujourd'hui, de faire rentrer de l'argent dans les caisses de l'État. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Roger Karoutchi. Et qu'est-ce que vous faites de cet argent ?

M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi, pour la réplique.

Mme Leila Aïchi. Sur ce dossier, l'action du Gouvernement doit être exemplaire et sans concession. Vous le devez aux Français, qui croulent sous les impôts ! Vous le devez aux PME et aux artisans, qui croulent sous les charges sociales et finissent par disparaître ! Enfin, monsieur le ministre, vous le devez à vous-même, qui avez du mal à boucler votre budget ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe de l'UDI-UC et sur les travées du groupe Les Républicains .)

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