Question de M. LECONTE Jean-Yves (Français établis hors de France - Socialiste et républicain) publiée le 03/11/2016

M. Jean-Yves Leconte appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le fait que l'allongement de la durée de validité des cartes nationales d'identité (CNI) sans qu'aucune mention ne soit portée sur les cartes pose un véritable problème de reconnaissance de ces titres dans certains États.

Ainsi, le gouvernement belge a récemment signifié qu'il ne reconnaissait plus l'allongement du délai de validité des cartes nationales d'identité françaises, décidé en 2013 par les autorités française, et qui, depuis le 1er janvier 2014, implique que la durée des CNI est passée de dix à quinze ans pour les personnes majeures, sans qu'aucune mention ne soit portée sur lesdites cartes.

Prise au titre de la « simplification », cette mesure qui a établi un décalage entre les validités réelle et faciale d'une CNI, est en réalité une simple mesure d'économie budgétaire conduisant de nombreux Français à avoir des difficultés ou des blocages lors de passages de frontières, contrôles d'identité, enregistrements dans les hôtels ou les compagnies aériennes, ou lors de démarches administratives dans un pays de l'Union européenne. Cette mesure concerne les Français se rendant dans un pays où une CNI française suffit pour entrer sur le territoire (Union européenne, Tunisie, Égypte, Turquie…).

La décision de la Belgique met fin à la possibilité pour les autorités françaises de prétendre que l'ensemble de nos partenaires sont informés et qu'ils reconnaissent systématiquement cet allongement de la date de validité de la CNI. Elle n'est pas une surprise et constitue la confirmation des difficultés récurrentes rencontrées par un nombre important de compatriotes depuis 2013.

La mesure touche l'ensemble des Français ne disposant pas de passeport. En outre, le fait que les autorités françaises refusent, sauf en cas de perte ou de vol, le renouvellement d'une carte d'apparence périmée, constitue une atteinte à la liberté de circulation au sein de l'Union européenne, si l'intéressé n'a pas de passeport ou qu'il ne souhaite pas (parfois pour des raisons financières liées au tarif du timbre fiscal) en faire établir un dont il n'aurait pas par ailleurs l'utilité, n'ayant aucunement l'intention de voyager dans des États où la possession de ce dernier est nécessaire.

Ainsi, il souhaite qu'il lui communique le nombre de CNI actuellement en circulation et non reconnues par d'autres États et en particulier par les autorités belges. En effet, ce qui est inscrit sur ces CNI conduit à les considérer comme périmées.

Il lui demande quel est le risque que cette décision conduise d'autres pays à prendre les mêmes positions. Cette évolution semblerait logique dans le contexte actuel de lutte contre la fraude documentaire.

Il l'interroge aussi sur la campagne de sensibilisation qui sera menée auprès des Français se rendant en Belgique afin qu'ils évitent de s'y trouver en situation irrégulière. Enfin, il lui demande quels moyens seront déployés pour répondre aux besoins de renouvellement rapide de l'ensemble des CNI qui n'ont pas été renouvelées depuis 2014.

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Réponse du Ministère des familles, de l'enfance et des droits des femmes publiée le 21/12/2016

Réponse apportée en séance publique le 20/12/2016

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, en remplacement de M. Jean-Yves Leconte – bloqué par Uber –, auteur de la question n° 1560, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

M. Richard Yung, en remplacement de M. Jean-Yves Leconte. J'ai cru comprendre que c'était non pas par Uber, mais par les autocars.

M. le président. C'est plus grave, parce que, à l'origine de ça, c'est un ministre !

M. Richard Yung. La question de M. Leconte porte sur l'allongement de la durée de validité des cartes nationales d'identité.

Aucune mention n'ayant été portée sur les cartes elles-mêmes, cet allongement pose un véritable problème de reconnaissance de ces titres dans certains États. Ainsi le gouvernement belge a-t-il récemment signifié qu'il ne reconnaissait plus l'allongement de dix à quinze ans – décidé en 2013 et entrée en vigueur le 1er janvier 2014 – du délai de validité des cartes d'identité françaises des personnes majeures.

Prise au titre de la « simplification », cette mesure, qui a établi un décalage entre les validités réelle et faciale d'une carte nationale d'identité, est en réalité une simple mesure d'économie budgétaire. Elle entraîne des difficultés ou des blocages pour de nombreux Français lors du passage à la frontière, de contrôles d'identité, de l'enregistrement dans les hôtels ou auprès des compagnies aériennes, ou lors de démarches administratives dans un pays de l'Union européenne.

Après la décision de la Belgique, les autorités françaises ne peuvent plus prétendre que l'ensemble de nos partenaires reconnaît systématiquement cet allongement. Cette décision n'est pas une surprise et confirme les difficultés que nous connaissons.

La mesure touche l'ensemble des Français ne disposant pas d'un passeport. En outre, le fait que les autorités françaises refusent, sauf en cas de perte ou de vol, le renouvellement d'une carte d'apparence périmée constitue une atteinte à la liberté de circulation au sein de l'Union européenne.

Madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer le nombre de cartes nationales d'identité actuellement en circulation non reconnues par des États étrangers, en particulier par les autorités belges ? En effet, ce qui est inscrit sur ces cartes nationales d'identité conduit à les considérer comme périmées.

Par ailleurs, quel est le risque que cette décision conduise d'autres pays à adopter la même position ?

Enfin, une campagne de sensibilisation sera-t-elle menée auprès des Français se rendant en Belgique afin de leur éviter de s'y trouver en situation irrégulière ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes. Monsieur le sénateur Richard Yung, je vais répondre en lieu et place du ministre de l'intérieur à la question que vous avez posée en lieu et place du sénateur Jean-Yves Leconte. (Sourires.)

Le décret n° 2013-1188 du 18 décembre 2013 relatif à la durée de validité et aux conditions de délivrance et de renouvellement de la carte nationale d'identité, entré en vigueur le 1er janvier 2014, a étendu la durée de validité des CNI sécurisées de dix à quinze ans. Cette mesure est applicable aux cartes nationales d'identité sécurisées délivrées à des personnes majeures et en cours de validité au 1er janvier 2014, c'est-à-dire délivrées entre le 2 janvier 2004 et le 31 décembre 2013.

Cette mesure a conduit à réduire d'environ 30 % le nombre de renouvellements de cartes nationales d'identité : 7 millions de personnes sont actuellement titulaires d'une CNI prorogée et l'on estime qu'environ la moitié dispose par ailleurs d'un passeport valide.

Les autorités des pays qui acceptent à leurs frontières une CNI sécurisée ont été informées de la nouvelle réglementation.

En outre, l'annexe de l'accord européen du 13 décembre 1957 sur le régime de la circulation des personnes entre les pays membres du Conseil de l'Europe a été modifiée pour prendre en compte les cartes d'identité prorogées. Aucune objection n'ayant été formulée, les pays ayant ratifié cet accord sont donc juridiquement tenus de les accepter. Ces démarches, tant juridiques que diplomatiques, ont permis de réduire de manière significative les incidents signalés.

Toutefois, des difficultés persistent pour les usagers titulaires de cartes nationales d'identité facialement périmées qui souhaitent se rendre dans un pays autorisant la carte nationale d'identité comme titre de voyage. Ainsi en est-il, en effet, de la Belgique ou encore de la Norvège. Ces deux pays ont récemment fait part de manière explicite de leur refus d'accepter les CNI facialement périmées.

Aussi deux séries de mesures complémentaires ont-elles été mises en place.

Tout d'abord, le ministère de l'intérieur travaille étroitement avec le ministère des affaires étrangères pour que la rubrique « conseils aux voyageurs », régulièrement mise à jour, précise, pays par pays, si une carte nationale d'identité dont la date de validité est en apparence dépassée est utilisable pour entrer dans le pays. Les personnes qui souhaitent voyager sont donc invitées à vérifier sur le site du ministère des affaires étrangères les conditions d'entrée et de séjour dans le pays choisi.

Ensuite, les usagers qui souhaitent se rendre dans un pays pour lequel aucun refus formel de la part des autorités n'a été signalé peuvent télécharger un document, traduit en plusieurs langues, attestant de la prolongation de la validité de leur carte nationale d'identité.

En toute hypothèse, ils ont la possibilité de se munir de leur passeport. De manière générale, le site du ministère des affaires étrangères recommande de privilégier l'utilisation d'un passeport valide, qui constitue le titre de voyage de droit commun.

Outre ces mesures visant à mieux informer les personnes appelées à se déplacer à l'étranger, des instructions ont récemment été délivrées aux préfectures pour autoriser le renouvellement des cartes prorogées. Deux conditions ont été posées : l'usager ne doit pas être déjà titulaire d'un passeport valide et il doit justifier de son intention de voyager à l'étranger dans un pays acceptant la carte nationale d'identité comme document de voyage.

Des instructions similaires ont été adressées par le ministère des affaires étrangères aux postes consulaires des pays concernés – pays membres de l'Union européenne essentiellement – pour assouplir les conditions de renouvellement des CNI facialement périmées.

Ces instructions doivent permettre de concilier les effets attendus de la réforme sans créer de contraintes nouvelles pour les usagers désireux de voyager ou séjourner à l'étranger munis de leur seule carte d'identité.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Je vous remercie de ces précisions, madame la ministre. Cela étant, se présenter à une frontière avec le document téléchargé à partir du site du ministère de l'intérieur et qui atteste la prorogation de la carte d'identité ne suffit pas toujours. Le responsable de la police aux frontières peut parfaitement dénier à ce document toute valeur, dire que la carte d'identité est facialement périmée et vous obliger à faire demi-tour. Un certain nombre de personnes se sont ainsi retrouvées dans des situations délicates.

J'ai noté votre propos sur les instructions données aux préfectures. J'espère qu'elles seront suivies d'effet. J'ai moi-même fait l'expérience du contraire, puisque la prorogation de ma carte d'identité – facialement périmée, mais en réalité juridiquement valable – m'a été refusée par la préfecture d'Indre-et-Loire. Heureusement, je possède un passeport, qui me permet de voyager. Mais un certain nombre de personnes qui ne se connectent pas au site dédié aux voyages à l'étranger continuent de rencontrer des problèmes. Cette mesure est donc inadaptée.

M. le président. Pour compléter votre propos, mon cher collègue, je souligne que notre carte d'identité de parlementaire – en ce qui me concerne, je l'ai depuis très longtemps (Sourires.) – nous permettait à Orly d'embarquer. Aujourd'hui, seule la carte nationale d'identité est valable. C'est quand même un comble quand on sait les efforts qu'il faut déployer pour siéger dans cette Haute Assemblée !

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