Question de M. MARIE Didier (Seine-Maritime - Socialiste et républicain) publiée le 10/11/2016

M. Didier Marie attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur les difficultés auxquelles les vétérinaires sont confrontés pour obtenir de l'administration réparation du préjudice qu'ils ont subi du fait de leur défaut d'affiliation aux organismes de retraite, au titre de l'exercice de mandats sanitaires pour l'État. De très nombreux vétérinaires ruraux, aujourd'hui retraités, ont participé, entre 1955 et 1990, à l'éradication des grandes épizooties et zoonoses qui dévastaient le cheptel français. Ces vétérinaires avaient alors le statut de collaborateurs occasionnels du service public (COSP), sous les directions départementales des services vétérinaires, sous la conduite du ministère de l'agriculture. Étant ainsi salariés de l'État, ce dernier aurait dû les affilier aux organismes de sécurité sociale et retraite, ce qu'il n'a pas fait. Cette situation dommageable a conduit à priver les vétérinaires en question de leur droit à la retraite. Deux décisions du Conseil d'État (CE), rendues le 14 novembre 2011, ont d'abord reconnu la responsabilité de l'État dans ce dossier. Pourtant, à la suite de ces décisions, de nombreuses demandes d'indemnisations ont été refusées au motif qu'elles étaient formées après la date de prescription de liquidation des pensions. Une position qui a été validée par le CE, lui-même, le 27 juillet 2016, indiquant, cette fois-ci, que les vétérinaires concernés auraient dû savoir, lors de la liquidation de leurs pensions, que l'État devait les affilier aux caisses de retraite. Il faut reconnaitre, et le CE l'avait très bien fait dans ses premières décisions lorsqu'il indiquait que les vétérinaires n'avaient pas commis de faute en s'abstenant de demander leur affiliation, qu'étant donné que l'État indiquait de manière erronée que les sommes versées étaient des honoraires et non des salaires, les vétérinaires concernés ne pouvaient pas savoir, à l'époque, qu'ils devaient être affiliés. Ces positions contradictoires causent des préjudices importants aux vétérinaires concernés, qui se voient privés d'une part importante de leurs pensions de retraite. Ainsi, il souhaite savoir si, à l'image de ce qui a été fait pour d'autres catégories de COSP, le ministère accepterait de ne pas opposer la prescription aux demandes d'indemnisation et de procéder au versement des retraites pour les personnes concernées.

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Transmise au Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt


Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 22/12/2016

L'État a tiré toutes les conséquences des deux décisions du Conseil d'État du 14 novembre 2011. Il a mis en place, dès 2012, une procédure harmonisée de traitement des demandes d'indemnisation du préjudice subi par les vétérinaires du fait de leur défaut d'affiliation aux régimes général et complémentaire de sécurité sociale au titre des activités exercées avant 1990 dans le cadre du mandat sanitaire. Cette procédure s'appuie sur la reconstitution des rémunérations perçues annuellement par chaque vétérinaire sur la période d'exercice de son mandat sanitaire. L'activité sanitaire des vétérinaires s'avère, en effet, avoir été très variable et ce indépendamment du département d'exercice. Si le traitement des demandes d'indemnisation peut apparaître long, il convient de souligner que la procédure amiable concerne un pré-contentieux de masse, qu'elle est lourde, car composée d'une analyse de chaque dossier selon des règles harmonisées, et de plusieurs étapes requérant l'implication non seulement du ministère chargé de l'agriculture mais aussi d'un ensemble de partenaires extérieurs. Cette procédure est ouverte aux vétérinaires retraités comme aux vétérinaires actifs. À ce jour, 1 273 dossiers recevables sont parvenus au ministère. 1 067 ont été complètement instruits. Cette instruction est effectuée au cas par cas. Priorité a été accordée, dans le traitement des demandes, aux vétérinaires en retraite qui subissent d'ores et déjà un préjudice. Trois séries de protocoles ont ainsi été envoyées en 2014, 2015 et 2016. Au 25 novembre 2016, 501 protocoles ont été signés. Près de 80 % des vétérinaires en retraite ayant accepté la proposition d'assiette qui leur a été faite ont ainsi été indemnisés, ce qui montre la pertinence de la procédure retenue, Ce processus se poursuivra en 2017. Certains dossiers présentent néanmoins des difficultés particulières. L'article 1er de la loi n°  68-1250 du 31 décembre 1968 dispose que « sont prescrites au profit de l'État… toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ». Le Conseil d'État a confirmé, dans ses décisions n°  388198 et 388199 du 27 juillet 2016, que le délai de prescription de la demande d'indemnisation courrait à partir du 1er janvier suivant le jour de la liquidation de la retraite. Il a aussi souligné que la nature de salaires des sommes correspondant à la rémunération des missions effectuées par un vétérinaire dans le cadre d'un mandat sanitaire avait été clairement établie par ses décisions du 12 juillet 1969 et du 12 juin 1974 qui ont donné lieu à diffusion et à retranscription dans plusieurs instructions de la direction générale des impôts. Ce n'était qu'à compter du 1er janvier 1990, date d'entrée en vigueur de la loi du 22 juin 1989 modifiant et complétant certaines dispositions du livre deuxième du code rural, que les rémunérations perçues au titre des actes accomplis dans le cadre du mandat sanitaire avaient été « assimilées », pour l'application du code général des impôts et du code de la sécurité sociale, à des revenus tirés de l'exercice d'une profession libérale. Ainsi le Conseil d'État a-t-il jugé que les vétérinaires ne pouvaient être légitimement regardés comme ignorants de leur créance au moment où ils ont liquidé leur droit à pension. Le Conseil d'État, dans une décision du 10 janvier 2007 (Mme Martinez, n°  280217), a en outre jugé que l'erreur de l'administration était sans incidence sur la légalité de la décision par laquelle l'administration opposait la prescription quadriennale à la réclamation d'un administré. L'article 6 de la loi précitée dispose que « les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi ». Si l'article 6 de la loi n°  68-1250 du 31 décembre 1968 prévoit aussi que les créanciers de l'État peuvent être relevés en tout ou partie de la prescription, ce n'est qu'en raison de circonstances particulières, notamment de la situation du créancier. Cette possibilité ne peut être qu'exceptionnelle, au risque, dans le cas contraire si cela était généralisé, de remettre en cause toute sécurité juridique et toute égalité des citoyens devant la loi.

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