Question de Mme BLONDIN Maryvonne (Finistère - Socialiste et républicain) publiée le 01/12/2016

Mme Maryvonne Blondin interroge Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la poursuite des travaux du comité scientifique temporaire « phagothérapie » créé le 13 janvier 2016 et sur la place de la phagothérapie dans la politique de maîtrise de l'antibiorésistance.
Les autorités sanitaires nationales et internationales alertent les pouvoirs publics depuis plusieurs années sur le développement de l'antibiorésistance et sur les impasses thérapeutiques qu'elle engendre.
Aujourd'hui, en dépit de la campagne de prévention, les antibiotiques pour les médecines vétérinaire et humaine occupent toujours une place prépondérante dans la lutte contre les maladies infectieuses. A contrario, l'utilisation d'une alternative bactériophage est largement méconnue. Pourtant, plusieurs études ont déjà fait état de l'efficacité d'une telle technique au stade préclinique.
Le Gouvernement a annoncé, le 18 novembre 2016, une feuille de route visant à maîtriser l'antibiorésistance : elle est composée de quarante actions réparties en treize mesures visant à diminuer la consommation d'antibiotiques de 25 % d'ici à 2018 et à réduire les conséquences sanitaires et environnementales. 330 millions d'euros seront mobilisés sur cinq ans pour mettre en œuvre ces mesures.
La sensibilisation et la communication auprès du grand public et des professionnels de santé est au cœur de cette démarche.
Elle souhaite ainsi l'interroger sur l'évolution de la recherche liée à la phagothérapie, sur la place qu'elle pourrait occuper dans cette feuille de route gouvernementale comme thérapie alternative aux antibiotiques, ainsi que sur les moyens qui y seraient alloués.



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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales et de la santé, chargé des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion publiée le 22/02/2017

Réponse apportée en séance publique le 21/02/2017

Mme Maryvonne Blondin. Madame la secrétaire d'État, en dépit des campagnes de prévention et de sensibilisation, les antibiotiques occupent toujours une place prépondérante dans la lutte contre les maladies infectieuses, en médecine humaine comme en médecine animale. Or, la France recense, chaque année, près de 160 000 cas d'infection due à un germe multirésistant et, selon les chiffres du Gouvernement, il y aurait 12 500 décès. Lors de sa réunion à New York en septembre dernier, l'Organisation mondiale de la santé a d'ailleurs retenu, comme thème de travail, la question de l'antibiorésistance.

Je salue l'engagement résolu du Gouvernement face à cette problématique universelle, qui nécessite bien sûr une action coordonnée entre les pays. Une feuille de route a été annoncée au mois de novembre dernier afin d'intensifier la politique de maîtrise de l'antibiorésistance ; 330 millions d'euros vont être mobilisés sur cinq ans à cet effet.

Cependant, en dépit de leur efficacité avérée au stade préclinique, l'utilisation des bactériophages, que je soutiens depuis des années, ne figure pas encore dans les mesures évoquées.

Or, la phagothérapie, qui consiste à utiliser des virus bactériophage pour traiter certaines infections d'origine bactérienne, constitue une voie très prometteuse, capable de répondre à des situations d'impasse thérapeutique. Cette solution a été délaissée après la découverte de la pénicilline et elle reste encore trop négligée par les pouvoirs publics.

Cette alternative aux antibiotiques rejoint les préoccupations de l'Union européenne. Depuis 2013, le projet européen Phagoburn a été mis en place et associe les hôpitaux militaires de Bruxelles et de Percy, ainsi que la Suisse ; ses résultats actuels s'avèrent positifs, mais là, encore, il y a des résistances.

Madame la secrétaire d'État, je souhaite vous interroger sur l'évolution du travail mené par le comité scientifique temporaire Phagothérapie et sur la recherche relative à ce sujet. Quel soutien votre ministère entend-il y apporter et quelle place cette technique pourrait-elle occuper dans la feuille de route gouvernementale dédiée à l'antibiorésistance ?

 M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la sénatrice, comme vous l'indiquez, l'utilisation de phages pour venir à bout d'infections bactériennes, en particulier à bactéries multirésistantes, est régulièrement évoquée.

Depuis plusieurs décennies, certaines infections bactériennes pulmonaires, cutanées, digestives sont traitées par les bactériophages en Géorgie, en Pologne et en Russie. En Europe, les bactériophages n'ont pour l'instant pas de statut spécifique, même si la définition du médicament est susceptible de leur être appliquée.

En France, depuis 2013, l'essai clinique européen Phagoburn est en cours à l'hôpital d'instruction des armées Percy, à Clamart, avec pour objectif d'apporter des preuves sur l'efficacité de la phagothérapie. Cette étude est conduite en coopération avec l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l'ANSM, l'Institut suisse des produits thérapeutiques, Swissmedic, l'Agence fédérale des médicaments et des produits de santé belge, et l'Agence européenne des médicaments.

À ce stade, il n'existe pas de recommandations européennes sur le développement des bactériophages.

Néanmoins, l'ANSM, par décision du 13 janvier 2016, a créé le comité scientifique temporaire Phagothérapie, dont vous avez parlé. Ce comité est chargé de donner un avis quant aux situations cliniques pouvant justifier un accès précoce aux bactériophages et aux prérequis nécessaires pour une mise à disposition précoce dans le cadre d'autorisations temporaires d'utilisation, les ATU, ou d'essais cliniques. Ce comité s'est réuni à plusieurs reprises au cours de l'année 2016.

Un consensus s'est dégagé sur trois critères justifiant une situation de besoin, applicables à tout type d'infections pour un accès précoce aux bactériophages, à savoir un pronostic vital engagé ou un pronostic fonctionnel menacé, une impasse thérapeutique et, enfin, une infection monomicrobienne.

Vous le voyez, madame la sénatrice, les phages sont aujourd'hui l'une des approches thérapeutiques innovantes. Des essais sont en cours, des recommandations ont été émises par le comité scientifique temporaire. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que d'autres approches thérapeutiques innovantes, reposant sur des biotechnologies souvent françaises, sont également prometteuses.

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Mme Maryvonne Blondin. Je vous remercie de vos précisions, madame la secrétaire d'État. Effectivement, la phagothérapie n'est pas la seule solution dans la lutte contre l'antibiorésistance, mais elle a fait ses preuves. Par exemple, des amputations ont pu être évitées grâce à elle.

L'an dernier, un colloque s'est tenu à l'Assemblée nationale sur l'initiative de Mme Michèle Rivasi, qui défend ce projet au niveau européen. J'espère que la France va s'engager de manière volontaire dans l'étude de cette solution, sans négliger pour autant le développement d'autres thérapies, bien entendu !

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