Question de Mme DEBRÉ Isabelle (Hauts-de-Seine - Les Républicains) publiée le 01/12/2016

Mme Isabelle Debré appelle l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur les conditions d'accès aux soins dentaires. Dans son rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale publié en septembre 2016, la Cour des comptes relève une érosion continue des prises en charge par l'assurance maladie obligatoire qui ne portent plus que sur 33 % des dépenses dentaires, les assurances complémentaires supportant pour leur part 39 % de ces dépenses et les patients environ le quart. Le reste à charge élevé est à l'origine d'un renoncement aux soins bucco-dentaires, en particulier aux soins prothétiques, d'implantologie et orthodontiques, pour près d'un patient sur cinq, proportion deux fois supérieure à la moyenne européenne. Ce renoncement est également la conséquence de la répartition très disparate des praticiens sur l'ensemble du territoire. Les profondes inégalités d'accès aux soins et le médiocre état de santé bucco-dentaire de la population française dont la Cour des comptes dresse le constat, l'incitent à proposer une restauration de l'action publique et une refondation de la prise en charge, se traduisant notamment par la mise en œuvre d'une politique active de santé bucco-dentaire et la fixation d'objectifs conventionnels beaucoup plus ambitieux par les pouvoirs publics et l'assurance maladie. Aussi, elle lui demande de bien vouloir lui préciser les réformes que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour permettre à chacun de bénéficier d'une meilleure couverture des soins dentaires, améliorer la situation sanitaire de l'ensemble de la population et maîtriser plus strictement les coûts.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales et de la santé, chargé des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion publiée le 25/01/2017

Réponse apportée en séance publique le 24/01/2017

Mme Isabelle Debré. Madame la secrétaire d'État, les soins dentaires sont devenus inabordables pour beaucoup de Français. Dans un récent rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes relève que près d'un Français sur cinq renonce aux soins, proportion deux fois supérieure à la moyenne européenne.

Quelles en sont les raisons ?

La Cour constate tout d'abord une diminution régulière des remboursements effectués par l'assurance maladie. La part des dépenses de soins dentaires prise en charge par l'assurance maladie est tombée à 33 %, les assurances complémentaires en supportant 39 % et les patients environ le quart.

Le reste à charge se révèle très élevé pour la plupart de nos concitoyens, raison pour laquelle nombre d'entre eux renoncent, en particulier, aux soins prothétiques, d'implantologie et orthodontiques, coûteux et peu remboursés.

La Cour des comptes avance une autre explication au renoncement des soins bucco-dentaires : la répartition très disparate des praticiens, qui conduit à une inégalité entre les territoires.

En matière dentaire comme en médecine de ville, nos concitoyens sont confrontés à ce que certains qualifient de « déserts médicaux ».

La Cour des comptes préconise une restauration de l'action publique et une refondation de la prise en charge, notamment par la mise en œuvre d'une politique active de santé bucco-dentaire et par la fixation d'objectifs conventionnels beaucoup plus ambitieux.

Dès lors, ma question est simple et grave : quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de mettre en œuvre très rapidement, tout d'abord, pour permettre à chacun de bénéficier d'une meilleure couverture des soins dentaires, ensuite, pour améliorer la situation sanitaire de l'ensemble de la population et, enfin, pour maîtriser plus strictement les coûts de la santé bucco-dentaire ? La qualité et l'accessibilité des soins bucco-dentaires est assurément un enjeu de santé publique.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la sénatrice Isabelle Debré, l'accès aux soins dentaires est effectivement une préoccupation majeure de nos concitoyens en matière de santé. C'est aussi un sujet d'attention essentiel pour la ministre de la santé, Marisol Touraine, que je vous prie de bien vouloir excuser. En effet, les soins bucco-dentaires ne concernent pas uniquement la bouche et les dents (Mme Isabelle Debré acquiesce.) : ils mettent en jeu l'ensemble de la santé d'un individu, avec tous les problèmes infectieux ou les questions liées à la nutrition que cela peut impliquer.

À l'heure actuelle, 25 % des soins restent à la charge des ménages. Cette situation n'est plus acceptable. Entre 2005 et 2015, les taux de dépassements sur les prothèses ont augmenté de 66 points. Sur certains actes prothétiques courants, les dépassements moyens atteignent jusqu'à 400 %. En contrepartie, des soins dits « conservateurs » ne sont pas pris en charge à leur juste valeur.

Cet état de fait est ancien. Il est bien antérieur à ce quinquennat. Il conduit les dentistes à limiter certains soins réalisés parfois à perte au profit d'actes plus lucratifs.

Le cadre que Marisol Touraine a fixé, et que le Parlement a voté, pour les négociations entre les chirurgiens-dentistes et l'assurance maladie, est un réel changement de paradigme pour toute cette profession. Il se résume en deux actions indissociables : un plafonnement des dépassements d'honoraires et une revalorisation des soins conservateurs.

Je ne parle pas d'un plafonnement qui ne concernerait que les dentistes présentant des habitudes tarifaires à la marge. Toute la profession sera concernée dans sa pratique quotidienne, à la fois par les mesures de limitation tarifaire et par d'importantes revalorisations de certains soins.

Madame la sénatrice, vous souhaitez connaître les mesures qui seront rapidement mises en œuvre. La négociation conventionnelle s'achève le 31 janvier prochain.

Vous connaissez l'attachement de Mme la ministre de la santé à cette réforme. C'est pourquoi une mesure a été introduite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, afin de garantir l'aboutissement de ces modifications tarifaires. En effet, en cas d'échec des négociations, un arbitrage extérieur prendra le relais des partenaires conventionnels.

En garantissant un accès aux soins plus juste, en diminuant le reste à charge et en valorisant le travail de prévention primaire – il s'agit également de cela ! – et secondaire des dentistes, les évolutions à venir modifieront durablement la pratique des soins dentaires en France, dans l'intérêt de tous les Français.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré.

Mme Isabelle Debré. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, qui ne me satisfait cependant qu'à moitié. Je vais attendre les résultats de la négociation en cours. S'ils me conviennent, ainsi qu'à mes collègues et, surtout, à nos concitoyens, j'en prendrai acte. Si tel n'est pas le cas, je vous interrogerai de nouveau sur ce sujet.

C'est quelque chose de très urgent, que nos compatriotes attendent avec beaucoup d'impatience. Il est absolument anormal que les Français ne puissent pas tous avoir, de manière équitable, accès aux soins dentaires.

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