Question de M. LE SCOUARNEC Michel (Morbihan - Communiste républicain et citoyen) publiée le 08/12/2016

M. Michel Le Scouarnec attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur la concentration des fermes laitières. Dans un contexte de surproduction et de crise laitière, la fin des quotas laitiers a accéléré la fermeture de fermes laitières. La Fédération nationale des producteurs de lait pense qu'environ 10 000 des 60 000 d'entre elles pourraient disparaître dans les prochains mois. En effet, des éleveurs préfèrent stopper leurs productions de peur de la faillite, d'autres à l'inverse s'agrandissent en s'endettant et surtout en captant des exploitations plus modestes. Cela étaye à propos, les conclusions du rapport d'information sénatorial n° 556 (2014-2015) « La France sera-t-elle encore demain un grand pays laitier ? » qui pronostiquait une diminution du nombre d'exploitations en 2020 à 40 000, sans baisse, toutefois, de la collecte. Les rapporteurs indiquaient que « 40 000 exploitations pourraient gérer en 2020 le même nombre de vaches laitières qu'en 2013, soit 3,7 millions de bêtes ». Pour rappel en 2010, notre pays comptait 78 360 exploitations. Ainsi, pour une même production, le nombre de vaches se maintient mais le nombre d'exploitations chute, avec le risque de voir apparaître les fermes usines. Certes des îlots de productions résistent à la morosité du secteur, comme les exploitants du lait bio ou d'appellation d'origine protégée (AOP). Mais les inquiétudes de toute la filière demeurent fortes tant la volatilité des prix, la surproduction ou le manque de régulation maintiennent une pression épuisante pour les producteurs de lait. Le Gouvernement a pris des engagements visant à imposer une réduction obligatoire de la production laitière à tous les producteurs européens. Mais cet élan est fragilisé par la signature, le 18 novembre 2016, d'un accord cadre « pour accompagner les chefs d'exploitation dans leur reconversion et transition professionnelle ». Faire que la sortie d'activité se passe le mieux possible est une bonne chose mais ne doit pas constituer la seule issue possible pour les agriculteurs. C'est d'abord la sauvegarde de l'outil de production qu'il faut permettre en favorisant des conditions de travail et de ressources pérennes aux agriculteurs. C'est pourquoi, il lui demande de préciser ses intentions pour la filière laitière, afin qu'une régulation européenne puisse se mettre en place le plus rapidement possible, pour apporter un peu d'espoir à tous nos producteurs laitiers comme à leurs collègues des autres filières.

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Transmise au Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt


Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 16/02/2017

Les filières agricoles, en particulier d'élevage, traversent une période très difficile principalement due à des prix bas qui ne permettent plus une rémunération suffisante d'une partie des éleveurs et grèvent les trésoreries des exploitations, parfois déjà fragilisées depuis plusieurs années. Cette situation s'explique en partie par des tensions sur les marchés européens et mondiaux, mais elle trouve sa source également dans les difficultés structurelles d'organisation des filières et dans des relations commerciales peu équilibrées au détriment des producteurs. Depuis le début de la crise laitière, le ministre en charge de l'agriculture a mené une véritable bataille au niveau européen pour obtenir de la Commission européenne qu'elle reconnaisse la gravité de la crise qui touche les agriculteurs européens et qu'elle prenne les mesures de régulation des marchés qui s'imposent. Ces négociations ont tout d'abord débouché sur la mobilisation en septembre 2015 de crédits européens d'urgence à hauteur de 500 millions d'euros, dont 420 millions d'euros répartis entre les États membres. La France était le deuxième pays bénéficiaire de cette enveloppe avec près de 63 millions d'euros. Ces crédits de l'Union européenne ont été renforcés avec des crédits nationaux. Dans ce cadre, les 47 000 éleveurs les plus en difficulté (dont près de 60 % d'éleveurs de bovins laitiers) ont bénéficié de près de 210 millions d'euros d'aides nationales et de l'Union européenne. En plus de ces aides, le plan de soutien à l'élevage comprend également des mesures conjoncturelles d'allègement et de prise en charge de cotisations sociales ainsi que des mesures fiscales, pour un montant global de près de 200 millions d'euros. En complément, la mesure « année blanche bancaire », permettant la restructuration totale ou partielle de la dette des éleveurs et des agriculteurs en difficulté, est prolongée jusqu'au 31 mars 2017 pour permettre de traiter les dossiers déposés plus tard. Au-delà de ces aides d'urgence, le Gouvernement met en place des allégements de charges durables et d'une ampleur sans précédent pour les agriculteurs (sur le coût du travail et en matière de charges personnelles). Ceux-ci bénéficieront, en 2016, d'un allégement de charges de 2,3 milliards d'euros (contre 1 milliard d'euros en 2012), ce en dehors des mesures d'urgence mises en place en parallèle. L'ensemble du secteur agricole, agroalimentaire et des services agricoles aura bénéficié d'ici 2017 de plus de 3 milliards d'euros d'allègements de charges supplémentaires par rapport à 2012, portant le total à 5,1 milliards d'euros, et ce afin de préserver sa compétitivité et les emplois directement et indirectement liés à l'activité agricole. Malgré ces crédits d'urgence et les mesures de stockage privé obtenues, les marchés restaient dans une situation de tension, en particulier pour le lait et le porc. Le ministre en charge de l'agriculture a donc demandé, au nom des producteurs français, à M. Phil Hogan, Commissaire européen à l'agriculture et au développement durable, en lien avec d'autres États membres, de prendre de nouvelles mesures qui permettent de réguler de manière efficace les marchés et d'apporter ainsi une réponse durable au déséquilibre de l'offre et de la demande. Ces demandes ont débouché sur les mesures qui ont été décidées lors du Conseil des ministres de l'agriculture de l'Union européenne (UE) du 14 mars 2016, permettant notamment aux acteurs de planifier collectivement et de manière temporaire la production de lait par dérogation au droit de la concurrence [activation de l'article 222 du règlement (UE) n°  1308/2013 du Parlement européen et du Conseil], mettant en place des mesures complémentaires d'aide au stockage privé des produits laitiers et du porc et doublant les volumes de lait écrémé en poudre et de beurre pouvant être mis à l'intervention publique à prix fixe. La mise en place d'un observatoire européen des marchés des viandes porcine et bovine renforcé a été décidée, à l'instar de l'observatoire du lait. Pour compléter ces mesures, le ministre en charge de l'agriculture a mené une intense négociation au niveau européen pour la mise en place de mesures ayant un effet positif sur le rééquilibrage du marché. Dans ce cadre, le Gouvernement a obtenu, lors du conseil des ministres de l'agriculture du 18 juillet 2016, la mise en œuvre de mesures d'aide aux producteurs ayant un effet sur l'offre, pour un total de 500 millions d'euros au niveau de l'UE. Ainsi, les producteurs de lait qui réduisent leur production peuvent bénéficier d'une indemnisation à hauteur de 140 euros par tonne. De plus, la France a bénéficié d'une enveloppe de crédits européens de 49,9 millions d'euros, que le Gouvernement a décidé de doubler afin d'apporter un appui aux producteurs dans les filières du lait de vache et de la viande bovine. Grâce à cette enveloppe de 99,8 millions d'euros, le ministre en charge de l'agriculture a déjà décidé d'apporter un soutien supplémentaire de 100 euros par tonne pour l'aide à la réduction de la production, soit au total 240 euros par tonne de lait non produite durant les trois derniers mois de l'année 2016, dans la limite de 5 % de la production du dernier trimestre 2015. Pour les producteurs s'engageant à une réduction de production en novembre et décembre 2016 et janvier 2017, un dispositif similaire est mis en place et permet à ces derniers d'obtenir un soutien au même niveau que les producteurs qui se sont engagés précédemment, conformément aux annonces du Gouvernement du 4 octobre 2016. Cela vise à rééquilibrer le marché du lait, sans provoquer de diminution brutale du cheptel de vaches laitières qui aurait un impact négatif sur le marché de la viande bovine. Les effets positifs de cette mesure sont d'ores et déjà visibles. En effet, le prix du lait payé aux producteurs en France en novembre dernier a cru de 9,9 % par rapport au point bas de juin 2016. La dynamique haussière est lancée et doit se poursuivre afin que le prix remonte à des niveaux en phase avec la moyenne historique. En complément, pour aboutir à des relations commerciales plus transparentes avec les producteurs, le Gouvernement a formulé des propositions très concrètes qui se sont concrétisées dans la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique promulguée le 9 décembre dernier. Elle permet des avancées importantes pour les agriculteurs en assurant une meilleure répartition de la valeur ajoutée au sein de la filière alimentaire grâce à des relations commerciales plus transparentes et à une contractualisation rénovée entre, d'une part, les producteurs agricoles et les entreprises agroalimentaires et, d'autre part, les entreprises agroalimentaires et les distributeurs. Elle interdit également pour une durée de sept ans, les reventes de contrats laitiers, favorisant ainsi les installations en évitant le renchérissement de celles-ci. Enfin, conformément au pacte de consolidation et de refinancement des exploitations agricoles présenté par le Gouvernement le 4 octobre 2016, un dispositif d'appui en trésorerie est actuellement déployé pour les producteurs de lait de vache en difficulté et répondant à certains critères (autonomie fourragère, « stabilisation de la production », « petite exploitation », membre d'une organisation de producteurs ou d'une coopérative). Le versement d'une aide de 1 000 € pour près de 20 000 chefs d'exploitation a d'ores et déjà été réalisé fin décembre sur la base d'une procédure simplifiée pour les producteurs ayant bénéficié du plan de soutien à l'élevage. Pour les autres, des formulaires de demande d'aide sont disponibles sur le site de FranceAgriMer depuis début 2017.

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