Question de M. VERA Bernard (Essonne - Communiste républicain et citoyen) publiée le 13/01/2017

Question posée en séance publique le 12/01/2017

M. Bernard Vera. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le garde des sceaux, le 4 janvier dernier ont été requis au tribunal de Nice huit mois de réclusion avec sursis pour Cédric Herrou, agriculteur de 37 ans, poursuivi pour avoir aidé des migrants dans la vallée de la Roya, près de la frontière franco-italienne.

Cet acte de solidarité n'est pas isolé, et dans cette vallée, malgré les pressions et les intimidations, au moins 150 personnes participeraient activement à aider les exilés, faisant prévaloir la logique d'accueil sur la logique de rejet, bravant l'interdiction qui fait de l'aide au séjour irrégulier un délit.

Un nombre croissant de Français jugent indigne le sort réservé à ceux qui fuient les guerres et viennent chercher refuge dans notre pays. Mais, alors que l'État fait preuve d'insuffisances en matière d'accueil, il agit dans le même temps avec autoritarisme face aux élans de solidarité de la population.

Ainsi, pas moins de onze procès sont déjà programmés cette année pour « délit de solidarité ». Pourtant, l'État, la région, le département des Alpes-Maritimes ont les moyens d'ouvrir les centres d'accueil réclamés par les associations et de recueillir les mineurs isolés en détresse comme l'exige la loi.

Il est grand temps de mettre un terme à toute poursuite à l'égard des militants-citoyens de la solidarité, et d'engager une véritable politique d'accueil ouverte et humaine dans notre pays.

Aussi, monsieur le garde des sceaux, ma question est la suivante : quelles actions le Gouvernement entend-il mettre en place pour que le secours aux réfugiés ne soit plus considéré injustement comme un délit en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 13/01/2017

Réponse apportée en séance publique le 12/01/2017

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, je ne partage pas votre lecture des faits. L'État ne fait pas preuve d'autoritarisme. Simplement, des magistrats appliquent le droit ; et le droit, vous le connaissez : depuis le 31 décembre 2012 a été abrogé l'article L. 622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le CESEDA, lequel permettait depuis 1945 de poursuivre des associations, des militants qui apportaient une aide désintéressée à des étrangers présents sur notre sol. Je ne doute pas que vous avez voté ce texte proposé par Manuel Valls, ministre de l'intérieur à l'époque.

Dans le même temps, une incrimination présente dans notre droit positif permet de lutter contre les filières, c'est-à-dire contre ceux qui peuvent tirer un bénéfice particulier de la situation particulière d'étrangers en France.

En l'espèce, le procureur de Nice, de manière parfaitement souveraine, a estimé qu'il était confronté à une situation de réseaux organisés, puisque la personne que vous évoquez revendique elle-même le fait d'avoir fait pénétrer sur notre territoire 300 personnes en situation irrégulière, ce qui lui a valu d'être convoquée à trois reprises devant les juges.

Cette incrimination est aujourd'hui pénalement répréhensible, sanctionnée de cinq ans de prison et de 30 000 euros d'amende. Au vu des qualificatifs et des situations que seul connaît le procureur, celui-ci a requis à l'encontre de cette personne huit mois de prison avec sursis, la privation de son permis de conduire sous réserve de l'exercice de son activité professionnelle, et la mise à l'épreuve. La juridiction rendra son jugement le 10 février. Je m'interdis évidemment de porter une appréciation sur la manière dont le procureur a agi. Mais notre droit positif prévoit la lutte contre les filières qui tirent profit de l'immigration. Ce droit existe, je ne vois pas pourquoi nous le ferions évoluer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Éliane Assassi. Tout le monde ne s'appelle pas Mme Lagarde.

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour la réplique.

M. Bernard Vera. Certes, monsieur le garde des sceaux, vous avez assoupli en 2012 certaines règles mineures, mais sans vous attaquer au délit de solidarité en tant que tel. Pourtant, Manuel Valls déclarait cette année-là, devant la commission des lois du Sénat : « Notre loi ne saurait punir ceux qui, en toute bonne foi, veulent tendre une main secourable. »

Ce que nous vous demandons, c'est l'abrogation totale du délit de solidarité pour ceux qui agissent de façon désintéressée…

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre. Ce n'est pas le cas !

M. Bernard Vera. … ce qui n'empêche en rien de lutter contre les filières criminelles d'immigration.

Le groupe CRC se tient résolument aux côtés des militants associatifs et des citoyens solidaires qui contribuent à donner à notre pays un visage humain et fraternel. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

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