Question de Mme BENBASSA Esther (Val-de-Marne - Écologiste) publiée le 10/02/2017

Question posée en séance publique le 09/02/2017

Mme Esther Benbassa. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Monsieur le ministre, jeudi dernier, Théo, 22 ans, jeune homme sans histoire, fils d'une famille honorablement connue, a été gravement blessé lors d'une opération de contrôle à Aulnay-sous-Bois. Il affirme avoir été victime d'insultes racistes, de coups et avoir subi un viol. Hospitalisé, opéré en urgence, il s'est vu prescrire soixante jours d'incapacité totale de travail.

Parmi les quatre policiers mis en cause, l'un a été mis en examen pour viol, les trois autres pour violences volontaires en réunion.

Les faits reprochés à ces quatre policiers rejaillissent injustement sur tous leurs collègues, hommes et femmes sans reproche, dévoués à leur tâche, toujours plus difficile, en butte eux-mêmes à des attaques parfois extrêmement violentes.

Pour le Défenseur des droits, « cette dramatique affaire […] illustre les conflits qui naissent parfois des contrôles d'identité. » Et il continue de réclamer que ces contrôles « soient réalisés pour des raisons objectives et vérifiables. » La Ligue des droits de l'homme ne dit pas autre chose.

L'urgence, après de tels faits, est claire : il faut reconstruire la confiance brisée entre les habitants de certains quartiers et leur police.

Ma question est simple. Monsieur le ministre, ne conviendrait-il pas, sans tarder, de rappeler à chacun ses devoirs, de rompre avec certaines pratiques discriminatoires et de faire prévaloir en toutes circonstances l'État de droit ? Ne vous paraît-il pas nécessaire de restaurer une police de proximité dûment formée, soucieuse avant tout de connaître et de protéger les citoyens dont elle a la charge ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.)

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 10/02/2017

Réponse apportée en séance publique le 09/02/2017

M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur. Mesdames, messieurs les sénateurs, les blessures dont a été victime le jeune Théo sont particulièrement graves. Au moment où je réponds pour la première fois à une question sur le sujet au Sénat, je veux l'assurer, ainsi que toute sa famille et ses proches, de ma compassion et de mon souci de faire éclater la vérité le plus rapidement possible.

Un magistrat instructeur a été saisi ; tout ce qui devait lui être transmis l'a été. Je n'ai pas à juger de la rapidité de l'enquête, mais je souhaite qu'elle puisse aller le plus vite possible pour établir la vérité des faits. Sans attendre, compte tenu du rapport et des éléments venant de l'Inspection générale de la police nationale, que j'ai saisie, j'ai suspendu les quatre fonctionnaires, qui, aujourd'hui, font l'objet d'une enquête par ce magistrat indépendant.

Aussi, j'en appelle à la sérénité de tous devant cet engagement de vérité et de justice. Cet engagement, je veux qu'il soit exactement le même pour tout ce qui se passe dans les quartiers. Depuis le début de la semaine, ce souci de faire passer chaque matin cette parole de sérénité au regard de l'enquête en cours est le même qui m'anime depuis plusieurs semaines, lorsque je m'inquiète tous les jours de savoir où en est l'enquête sur l'agression des policiers de Viry-Châtillon, dont les coupables doivent être rattrapés et conduits devant la justice.

Je veux un équilibre parfait : il n'y a pas dans nos quartiers, comme partout ailleurs dans notre pays, de place pour ceux qui agressent les symboles de la République que sont les personnes dépositaires de l'autorité, de la même façon qu'il n'y a aucune place pour ceux qui ne respecteraient pas les valeurs de la République dans la façon dont ils exercent la mission et l'autorité que nous leur avons confiées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean Desessard applaudit également.)

Sur ce point, je veux que les choses soient claires.

La question du rapport entre les forces d'autorité et la population est centrale. Il y a un sentiment de défiance, auquel j'ai pu être confronté dans le département dont je suis l'élu, mais d'autres pourraient dire la même chose. Là encore, je veux dire très concrètement que ce problème est au centre des politiques publiques qui sont menées. Je rappellerai le doublement des crédits du ministère de l'intérieur sur la question du rapprochement entre la police et la population et la mise en expérimentation prochaine, quand les policiers en seront dotés, du système de caméra mobile, qui, à mon sens, peut présenter le double avantage d'apaiser les interventions et de rassurer les forces de l'ordre et de sécurité.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre !

M. Bruno Le Roux, ministre. J'aurai l'occasion de préciser dans ma réponse à la question suivant ce que j'entends à cet égard. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour la réplique.

Mme Esther Benbassa. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. La tâche est lourde et le chemin sera long, mais espérons que cet acte d'une extrême violence aidera le Gouvernement à prendre les décisions qu'il convient concernant non seulement les crédits – vous en avez parl頖, mais aussi, et surtout, la création d'une police de proximité formée.

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